Bonjour-bonjour
Quelques semaines après qu’il ait été répandu je reviens sur l’étrange canular dont Etienne Klein, le célèbre physicien-philosophe a été responsable.
Pour ceux qui n’auraient pas suivi l’affaire, rappelons qu’Etienne Klein a publié le 31 juillet sur son compte Tweeter le message suivant :
L’image était la photo un peu floue… d’une rondelle de chorizo. (Article à lire ici)
La toile a réagi de façon diversifiée : alors que les uns s’esclaffaient, d’autres s’indignaient … mais d’autres encore likaient le message : pour eux une telle image était possible (à 4,2 années-lumière quand même).
On a dénoncé un « biais cognitif » (1) utilisé pour tromper sciemment un public mal informé mais quand même assez cultivé pour imaginer que le nom d’Etienne Klein, un scientifique respecté (2), suffisait pour en garantir la validité. Monsieur Klein a lui-même tenté de justifier son canular en lui attribuant le rôle de nous alerter sur notre crédulité : durant la covid, des fausses informations venues du milieu scientifique lui-même ont été reconnues pour vraies en raison de leur origine. Si la chloroquine a été vantée comme médicament efficace, pourquoi une tranche de chorizo ne serait-elle pas l’image d’une étoile ? (3) La méfiance est indispensable quand il s’agit de vérité, que celle-ci soit diffusée par les médias scientifiques ou par les réseaux sociaux.
o-o-o
Je remarque que nous suivons ici les précautions préconisées par Descartes dans le Discours de la méthode - où, justement, il a dû combattre les tenants de l’autorité de la philosophie d’Aristote, qui interdisaient des avancés scientifiques nouvelles en contradiction avec les écrits du philosophe grec.
Toutefois je remarque que l’argument d’autorité ne peut être rejeté systématiquement sous peine de devoir passer son temps à tout vérifier et donc à ne jamais savoir.
La leçon d’Etienne Klein est salutaire mais incomplète. Il faut ajouter que l’autorité de la source peut être admise non comme une preuve mais comme une probabilité provisoire. On pense alors à Popper plutôt qu’à Descartes. (4)
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(1) Un biais cognitif est un schéma de pensée trompeur et faussement logique. Cette forme de pensée permet à l’individu de porter un jugement, ou de prendre une décision rapidement. Les biais cognitifs influencent nos choix, en particulier lorsqu’il faut gérer une quantité d’informations importantes ou que le temps est limité. Il se produit ainsi une forme de dysfonctionnement dans le raisonnement dont la philosophie moderne a toujours appelé à se méfier.
(2) Auteur d’émissions scientifiques quotidiennes (sur France-Culture),
(3) Ajoutons qu'on s’extasie devant les photographies du ciel prises par le télescope James Webb, (auquel Etienne Klein attribue la pseudo-image de l'étoile/chrizo) sans songer qu’il opère en infra-rouge, invisible à œil nu. Les données que le télescope envoie à la terre sont des mesures effectuées dans l’infra-rouge, ultérieurement transformé en image – des images, pas des photos.
(4) Popper a proposé le concept de « verisimilitude » pour désigner le fait qu’aucune vérité scientifique n’est définitive, et qu’elle ne correspond qu’une une approximation, la meilleure possible actuellement, appelée pourtant à être remplacée par une autre ultérieurement.
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