Bonjour-bonjour
Je tombe des nues mes chers amis : dans le compte-rendu de la visite du Président aux rencontres agricoles du Loiret, je lis qu’il attend du monde agricole qu’il satisfasse aux objectifs bien connus : nourrir les français tout en respectant l’environnement et en assurant l’indépendance nationale.
- Rien que de très normal me direz-vous. Qu’est-ce donc qui fait sursauter ? C’est que, pour parvenir à ces objectifs, c’est un bouleversement complet qui est demandé au monde agricole : il doit devenir celui des entrepreneurs du vivant. Oui, vous avez bien lu « entrepreneurs du vivant » ; désormais nos agriculteurs ne travaillent plus la terre, n’exploitent plus les forêts, n’élèvent plus les troupeaux. Leur objet, leur matière première, c’est tout ce qui vit : ce qui pousse dans les champs, ce qui respire sur la terre, mais encore ce qui nage dans l’eau et puis aussi les arbres, les bosquets – et puis aussi la vie sous toutes ses formes, aussi bien celles qui existent que celles qui seront créées par diverses manipulations.… Et pour cela nos bonnes vieilles fermes doivent devenir de véritables entreprises, soumises à la logique entrepreneuriale. Le Président l’a d'ailleurs annoncé fièrement hier : un « réseau d'incubateurs d'entrepreneurs d'entreprises agricoles innovantes » richement doté sera mis en place.
Moi, je demande : et la Nature dans tout ça ?
Eh bien, je n’en sais trop rien, mais je redoute qu’elle ne soit plus du tout d’actualité – mais ça, ce n’est pas vraiment un scoop. Déjà en 1954 Heidegger dans son ouvrage « La question de la technique » dénonçait la façon dont les hommes avaient transformé la nature, lui refusant toute spécificité pour la définir en termes de stock dans lesquels nous venons puiser ce qui nous parait utile. Ce que Heidegger appelle « l’arraisonnement de la nature » consiste en effet dans cette opération qui transforme la nature en stock d’énergie à exploiter. (1)
L’ultime étape de ce processus réside dans le moment où l’homme lui-même devient un fonds à consommer. En sommes-nous arrivés là ? Je ne sais pas. En revanche je redoute que l’éviction de la nature au profit du vivant ne soit qu’un peu de poudre aux yeux, dans la mesure où on devine derrière tout ça une logique entrepreneuriale poussée à son paroxysme –
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(1) Sur cette question, on peut lire ceci
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