Bonjour-bonjour
Le récent prix Goncourt a donné lieu à un bel exercice de démocratie. Il a en effet été attribué au 14ème tour par 5 voix contre 5, « la voix du président comptant double au 14ème tour » Ce qu’il faut savoir, c’est que, durant les 13 premiers tours, le résultat avait été exactement le même : personne n’ayant fait évoluer son choix, le règlement seul a permis de sortir du dilemme. (Lire ici)
- On dira : « Que les choix n’aient pas évolué, c’était couru d’avance. Chacun sachant que le 14ème tour permettrait de toute façon de régler le problème, il restait à camper sur ses positions tout en tentant de convaincre les autres membres du jury ». Certes. Mais quand dans la vie démocratique réelle on est dans cette situation, nulle voix du Président pour débloquer l’élection, et de toute façon le problème n’est pas là : il s’agit de savoir quelle légitimité aura le parti élu sachant qu’un rien peut lui faire perdre le pouvoir. Les israéliens viennent ainsi de voter pour la 5ème fois en 3 ans et rien ne dit que la nouvelle majorité durera plus longtemps que les précédentes. (Voir ici)
- C’est l’occasion de mettre un peu de subtilité dans la réflexion. Car on juge ordinairement que la démocratie c’est la majorité contre la minorité – moyennant quoi le nouveau président a beaucoup de mal à se faire entendre lorsqu’il dit dans son discours inaugural : « Je serai le président de tous ». C’est qu’on croit que la démocratie est un rapport de force par lequel les plus nombreux imposent leur volonté aux moins nombreux. Erreur ! Il s’agit de dégager une volonté générale, chacun votant pour le pays entier et non pour son clan, sa famille ou lui seul. Que cette interprétation soit mal comprise indique de degré de déperdition de la démocratie.
Mais de toute façon, lorsque l’équilibre s’établit entre ceux qui veulent tel parti et ceux qui le refusent, c’est la possibilité de « faire société » qui disparait. Rousseau abordant ce problème disait bien que toute démocratie repose sur une unanimité initiale : chacun doit dire s’il accepte de suivre le choix de la majorité avant d’entrer en association avec ce peuple. Certes cette vision contractuelle de la société et de son régime politique est jugée désuète, mais il n’en reste pas moins qu’à un moment ou à l’autre, chacun doit savoir si oui ou non il accepte la règle de la vie démocratique.
Lorsque ceux de droite ne veulent pas s’entendre avec ceux de gauche – et réciproquement – alors la violence seule peut forcer les citoyens à accepter leur destin. Cette violence est d’abord, qu’on le veuille ou non, celle de la démocratie. Et quand le démocratie est impuissante, alors c’est la violence de la rue… ou celle des casernes.
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