Bonjour-bonjour
Qu’est-ce qui est pire que la haine ? La foule – ou plus exactement : la haine venue de la foule
--> On voit en ce moment sur Internet des images d’étudiants arabes israéliens enfermés dans leur université face à une foule criant « mort aux Arabes »
Cette scène s’est déroulée sur le campus d’une université privée de Netanya, dans la soirée du samedi 28 octobre. Et plus précisément devant une résidence qui appartient à l’établissement où des centaines d’habitants juifs de Netanya, au nord de Tel-Aviv, auraient « tenté de s’introduire par effraction dans le dortoir » d’une université de la ville, pour lyncher des étudiants arabes. (Lire ici)
On sait depuis longtemps que la foule constitue une masse guidée plus par ses passions que la raison. Elle est capable des pires débordements, comme l’a analysé Gustave Le Bon à la fin du 19ème siècle. Mais on connait moins la réflexion d’Antoine Sabatier de Castres publiées en 1794 – on la lira en note ci-dessous.
Si je donne ce texte aujourd’hui, c’est pour répondre à une question très pertinente que pourtant on ne pose guère : se guider sur les réseaux sociaux pour penser l’actualité, est-ce participer à une foule ? A première vue, non : alors que la foule est comme un vol d’étourneau fait d’une multitude d’individus qui, serrés les uns contre les autres, bougent comme s’ils étaient poussés par elle, on imagine plutôt l’internaute dans la solitude de sa chambre, caché par son écran et en tout cas couvert par l’anonymat d’un pseudo. Pourtant relisez le texte de Sabatier de Castres : le premier caractère des individus dans une foule est de se conduire par imitation. Or qu’est-ce qui caractérise les « followers » ? N’est-ce pas justement qu’ils suivent les autres, et que le grand nombre remplace chez eux le raisonnement quand il s’agit de décider quoi faire.
Il y a mieux – ou pire. Lisez encore Sabatier de Castres : « Quand tous marchent vers l'erreur nul ne parait y marcher » : comment mieux expliquer la force du complotisme et celle des « fakenews » ?
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Annexe
« L'erreur fut et sera toujours le partage du très-grand nombre. Peu d'homme agissent par leur volonté et pensent d'après eux-mêmes. Presque tous se conduisent par imitation ; l'exemple est leur premier maître, et l'habitude, leur raison ; ils regardent sans voir, entendent sans écouter, et ne suivent d'autre guide que la multitude qui les précède ou les environne. Quand tous marchent vers l'erreur nul ne parait y marcher ; il n'y a que celui qui sort de la foule et qui s'arrête qui aperçoive le mouvement insensé des autres. On l'a dit ; mais c'est ici le lieu de le répéter : Voulez-vous voir la vérité ? Tournez le dos à la multitude. »
Antoine Sabatier de Castres – Pensées et observations morales et politiques – Ed de Vienne 1794 Livre I Ch.1 p.16
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