Entretien avec Antoine Chollet, politologue à l'université
de Lausanne (Lu ici) :
Qui
utilise la demande de référendum ?
Ce sont des groupes de citoyens parce qu’il ne faut qu’un
nombre de signatures assez faible. Au niveau fédéral c'est 1% des électeurs
pour les référendums contre une loi et 2% pour les initiatives qui en proposent
soit 50.000 et 100.000 signatures ; si on augmentait le nombre de
signatures, ça pourrait déboucher sur un système à la californienne où des
milliardaires lancent des référendums en payant les personnes qui recueillent
les signatures mais aussi ceux qui signent. Vous avez les signatures en un
temps record mais c'est un dévoiement de l'outil.
Y
a-t-il une frénésie de référendums ?
Non, car il est à double tranchant. Si vous lancez un
référendum contre une loi votée et que vous le perdez largement, cela peut
sur-légitimer la loi. Pour l'initiative, c'est la même chose, si vous êtes
largement battus, l'effet est dévastateur.
Quelle
place accorder au référendum dans la vie politique des citoyens ?
La grande différence entre sondage et référendum c'est que
pour ce dernier, il y a une campagne durant laquelle tous les arguments sont
rappelés …
Arrêtons cette lecture
pour réfléchir à ce fait : les sondages d’opinion qui jouent un rôle si
fréquent et si délétère dans notre
démocratie, seraient sans doute mis à l’écart au profit des « votations » si l’on écoutait ces
propos au sujet des référendums d’initiative citoyenne en Helvétie. Or ceux-ci
sont parfaitement compatibles avec la démocratie, dans la mesure où ils
présupposent un débat public, ce que bien sûr ne supposent pas les sondages,
fort opaques dans leur élaboration (panel ou bien internautes de
passage ?), et susceptibles de réagir à des émotions, ce qui implique leur
très grande versatilité. Or, en matière politique, les revirements sont fort coûteux ;
pour en être persuadé, il n’est que de voir l’actuel mouvement des gilets-jaunes
qui comptent dans leurs rangs bien des électeurs de la République en marche.
- Qu’importe le moyen utilisé pour consulter la « volonté »
populaire : lorsqu’on réagit émotionnellement qu’importe comment on fait
savoir son opinion ?
Toutefois, réfléchissons en darwinien sérieux :
l’émotion a accompagné l’évolution de l’espèce depuis des millions d’années et
on peut penser qu’elle était là avant même que le néocortex frontal soit
apparu, avec ses capacités cognitives hors normes.
A quoi bon l’émotion ? C’est simple : lors des
jacqueries médiévales, point n’était besoin d’attendre la négociation avec le
seigneur du château. Les Jacques fulminant de fureur empoignent la fourche et, hardi-petit,
ils vont piquer le châtelain : à ce
moment-là, les émotions stimulent la production d’adrénaline et la violence
jaillit d’elle-même. On dit que l’espèce humaine a conquis la suprématie sur les autres espèces grâce à ses
facultés d’entente sociale et de coopération. Oui : entente et coopération
pour ratatiner le voisin afin de s’emparer de ses femmes et de ses réserves alimentaires.
Et aujourd’hui ?
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