vendredi 8 mai 2020

La prudence aristotélicienne – Chronique du 9 mai

Bonjour-bonjour

S’il est un mot qui vient à l’esprit quand on entend les ministres – et le Premier d’entre eux en tête – lorsqu’ils parlent de « déconfinement », est celui de « prudence ». Car tout ce qui caractérise le sens courant de ce terme, à commencer par celui de progressivité, de surveillance des effets, de mise en place de mécanismes d’arrêt et de retour en arrière, est non seulement présent, mais aussi répété à n’en plus finir, et au cas où l’on ne comprendrait pas, la conjonction « si » est répétée tous les trois mots. Chaque liberté rendue au citoyen est immédiatement limitée, attachée à des conditions innombrables. Faut-il donner une valeur à la prudence ? Est-elle une vertu de l’action ? Qu’est-ce que la philosophie peut nous dire à ce propos.

C’est la philosophie grecque qui nous fournit la réponse. Pour elle, la prudence (qui traduit le terme de « phronèsis ») est à la fois une vertu de l’action, mais aussi et surtout une forme de la sagesse. Rappelons que la sagesse, la « sophia » est d’abord un savoir théorétique qui peut très bien ne se traduire dans aucune action. Le sage est un savant dont rien ne dit qu’il agit : il est celui qui sait, et qui peut contempler l’essence des choses. Dans l’allégorie de la caverne, il coïncide avec le prisonnier libéré qui parvient enfin à voir le ciel, le soleil et les étoiles directement : c’est ce qu’on appelle la « dialectique ascendante ». Mais celle-ci se double de la « dialectique descendante » qui correspond à la capacité d’agir lorsqu’elle est éclairée par la science véritable. On comprend pourquoi elle est liée aujourd’hui au « sociétés savantes » mise en avant par le gouvernement.
On dirait alors que les médecins et chercheurs sont aujourd’hui les seuls qui peuvent nous guider dans la lutte contre les épidémies.
Sauf que… Ceux-là même qu’on vient de désigner comme savant se défaussent dès qu’il s’agit de décider : « C’est un acte politique, ça ne nous appartient pas ! ». On a envie de paraphraser Péguy (à propos de Kant) : « Ces gens-là ont les mains pures, mais ils n’ont pas de mains. » Faut-il s’en plaindre ? Le « final cut » (pour parler comme les américains) relève-t-il nécessairement du pouvoir politique ?
La question a été soulevée et tranchée pour les cas d’euthanasie : au médecin incombe le diagnostic ; mais ce n’est pas à lui de dire s’il faut débrancher ou pas le patient. On a vu quel problème posait cette décision dans le cas de Vincent Lambert.
Moi, je préfère qu’on me dise que les médecins ont une vue limpide des développements de l’épidémie, mais qu’il appartient aux citoyens – ou éventuellement à leurs élus – de décider ce qu’il faut faire.
A ces élus de faire preuve de prudence – et à nous d’élire ceux qui en sont capable (et BIM ! sur les électeurs populistes)

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