Bonjour-bonjour
Hier une statistique comme il y en a des palanquées en ce moment : on apprend que 35% des gens préfèreraient rester confinés, et parmi eux un nombre appréciable de jeunes.
- Sur un plateau télé, un chef de service des hôpitaux qui sert de référence scientifique. Le présentateur lui demande « Qu’est-ce que vous pensez de ce chiffre, Professeur » ?
Peut-être s’attendait-il à une remarque gouvernée par l’exigence médicale, du genre : « Il faut croire qu’il y a quand même des gens qui ont le sens des responsabilités et qui ont compris que le confinement c’est la meilleure arme contre la maladie »
Eh bien, pas du tout : son visage sévère s’anime, il devient même humain : « Ça c’est très intéressant surtout parce qu’il y a des jeunes. Le retrait en soi-même imposé par cette épreuve est l’occasion que l’on recherche parfois, au cours de la vie, quand on a besoin de réfléchir pour faire le point avant de se lancer dans l’existence. Cette information nous révèle que la jeune génération est arrivée à ce virage et qu’elle trouve avec le confinement une occasion irremplaçable d’un élan de la vie »
Le moraliste s’est réveillé et on a envie de l’applaudir. Non pas pour sa découverte encore qu’elle mérite d’être développée, mais pour son optimisme. Oui, « optimisme » car bien des gens (et j’en fais partie) auraient dit plutôt : « Ces personnes qui gémissent parce qu’on va leur permettre de sortir de chez eux et de reprendre de l’activité ne sont surtout pas des gens qui ont le sens de leurs responsabilités. Bien au contraire, ils jouissent de leur impuissance car elle leur permet de ne pas se sentir responsable. Au lieu de se plaindre de la perte de leur liberté, ils en profitent pour revendiquer de ne plus avoir la moindre obligation : demande-t-on au prisonnier de montrer ses capacités ? L’oblige-t-on à un travail pour évaluer ses compétences physiques ou intellectuelle ? Non. Et le jeune confiné, que peut-on lui demander, à part « Range ta chambre ! Rince ta baignoire ! »
On dira qu’au bout de 2 mois ça doit commencer à peser : passe encore de se plaire à l’absence de responsabilités, mais comment trouver du plaisir à ne plus pouvoir sortir de sa chambre ? Ne faut-il pas quelque distraction ? Quelque moment de jouissance ? Mais là, nos jeunes (et peut-être aussi les moins jeunes hélas) ont une arme absolue : leur Doudou dont ils ont conservé le goût, un objet sur lequel se replier, une peluche dont on peut téter un bout et se frotter l’étoffe sur le nez. Faire à nouveau un tout composé de soi et du monde environnant, de telle sorte que les joies du corps trouvent à se satisfaire avec les ressources de la proximité. Comment décrire autrement le paradis ?
De quoi est fait le Doudou de nos jeunes confinés ?
Peut-être pas d’un objet réel, mais de rêveries qu’on laisse diffuser dans l’esprit que l’on reprend, que l’on se passe et repasse avec à chaque fois le même plaisir ; dans les cas les plus ordinaires cela se double du plaisir de la caresse, ce qui montre bien que les adultes ont tout gardé de la peluche chérie de la petite enfance. Ils l’ont simplement dématérialisée.
- Alors bien sûr certains parmi les grands ont depuis longtemps renoncé à leur Doudou pour élire une console de jeu qui leur apporte à tout moment (et pas seulement en période de confinement) la joie de l’évasion : peu importe l’enfermement, le monde de l’imagination lui a ouvert grand ses portes, le monde clos s’est développé en monde imaginaire. La génération Doudou est devenue la génération Gameboy. Mais qu’on ne s’y trompe pas : c’est le même monde, taillé juste à la mesure des désirs, qui ne demande que l’activité nécessaire pour suivre la ligne de crête de la jouissance.
Nos gamers ont les mêmes ressorts que post-adolescents qui refusent de sortir de la petite enfance ; face aux obligations de l’adulte obligé de dépenser son énergie au travail :
– Faites que nous restions des petits enfants !
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