vendredi 29 mai 2020

Les mains dans le cambouis – Chronique du 30 mai

Bonjour-bonjour

Autrefois, on disait d’une personne qui travaillait dans la réalité matérielle qu’elle « mettait ses mains dans le cambouis » : allusion au mécanicien auto dont les ongles étaient noirs de cambouis et qui savait manipuler les organes de la voiture. Les mains du garagiste servaient à distinguer celui qui travaille concrètement, qui se saisit de la matière véritable, d’avec celui qui n’en a que la théorie, traditionnellement le col blanc qui sait dire ce qu’il faut faire mais qui ne le fait jamais.
Mais aujourd’hui, s’agissant de la voiture, opposer la théorie à la pratique n’a plus beaucoup de sens : devenue une machine informatisée, le technicien qui l’entretient n’a plus affaire qu’à un ensemble de données accessibles grâce à des appareils électroniques. Plus de cambouis, mais aussi plus de mains à mettre dedans.
Si l’on se penche sur la voiture de demain, sur sa conception et sa fabrication, c’est pour observer qu’on n’a plus du tout affaire à une industrie mécanique issue de la métallurgie, mais plutôt à un appareil fait de circuits imprimés et de silicone. Les Enzo Ferrari ou les Ettore Bugatti de demain seront (sont déjà) des geeks dévoreurs de pizza.
Devons-nous hausser les épaules en maugréant : « Qu’est-ce que ça peut me faire ? Qu’ils fassent leurs voitures comme ils l’entendent, moi je demande seulement si ça va me transporter là où je veux. Point-barre » ? Je ne crois pas qu’il soit judicieux de voir cela ainsi, car nous pouvons quand même nous demander si le cas de la voiture n’est pas révélateur du monde dans lequel nous évoluerons demain. A savoir : est-ce qu’il ne faudra pas un minimum de « théorie » pour opérer le moindre acte ? Aujourd'hui déjà, écoutons les bêtises qu’on profère à propos de l’appli « StopCovid » censée nous protéger de la contamination. On lui reproche d’être liberticide parce qu’elle permet de nous pister en traçant nos déplacements et nos rencontres. On oublie alors la distinction entre la méthode par GPS qui reconstitue nos itinéraires et qui n'est pas utilisée ici, de celle qui fait appel au contact par Bluetooth, qui ne connait aucune localisation. Il suffit certes de savoir qui on a rencontré même sans savoir où pour que ce soit excessif. Soit. Mais admettons que nos contrôleurs ont moins de données en mains. Et admettons aussi qu’un minimum de connaissances théoriques sont nécessaires pour évaluer la pratique qu’on nous impose.

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