lundi 9 janvier 2023

Pourquoi le recul de l’âge de départ en retraite est insupportable – Chronique du 10 janvier

Bonjour-bonjour

 

Cette réforme ne fera sans doute pas exception à la règle qui veut que chaque fois qu’on recule l’âge de départ en retraite on a des manifestations bruyantes contre lesquelles le pouvoir n’a d’autre réponse que la force : ça ne passe pas.

 Ce qui « ne passe pas » c’est l’obligation de travailler plus, car, pour qui travaille, son travail est absolument pénible et la justice voudrait qu’il soit retraité le plus tôt possible. Pour le travailleur reculer de 2 ans l’âge de départ en retraite, c’est avoir 2 ans de moins à vivre. Le travail est donc vécu comme aliénant, exactement de la même façon qu’en 1844 lorsque Karl Marx l’analysait dans le manuscrit de 1844.

Comme je ne me sens pas capable de dire plus clairement que ne le fait Marx les raisons pour lesquelles le recul de l’âge de départ à la retraite est insupportable, je donne l’extrait in-extenso.

Bonne lecture :

« D'abord, le travail est extérieur au travailleur, il n'appartient pas à son être : dans son travail, l'ouvrier ne s'affirme pas, mais se nie; il ne s'y sent pas à l'aise, mais malheureux; il n'y déploie pas une libre activité physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit. En conséquence, l'ouvrier se sent auprès de soi-même (bei sich) seulement en dehors du travail ; dans le travail, il se sent extérieur à soi-même. Il est lui-même quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il ne sent pas dans son propre élément. Son travail n'est pas volontaire, mais contraint, travail forcé. Il n'est donc pas la satisfaction d'un besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail. Le caractère étranger du travail apparaît nettement dans le fait que, dès qu'il n'existe pas de contrainte physique ou autre, le travail est fui comme la peste. Le travail extériorisé, le travail dans lequel l'homme devient extérieur à lui-même, est sacrifice de soi, mortification. Enfin l'extériorité du travail par rapport au travailleur apparaît dans le fait que le travail n'est pas le bien propre du travailleur, mais celui d'un autre, qu'il ne lui appartient pas, que dans le travail le travailleur ne s'appartient pas à lui-même, mais à un autre. Dans la religion, l'activité de l'imagination, du cerveau, du cœur humain, agit sur l'individu indépendamment de lui, comme une activité étrangère, divine ou diabolique. De même, l'activité de l'ouvrier n'est pas son activité propre. Elle appartient à un autre, elle est la perte de soi-même.

On en vient donc à ce résultat que l'homme (l'ouvrier) se sent agir librement seulement dans ses fonctions animales : manger, boire, procréer, ou encore, tout au plus, dans sa maison, en s'habillant, etc., en revanche, il se sent animal dans ses fonctions proprement humaines. Ce qui est animal devient humain, et ce qui est humain devient animal. »

Marx – Manuscrit de 1844

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