mardi 7 novembre 2023

La guerre éternelle – Chronique du 8 novembre

 




 

Bonjour-bonjour

 

Vous avez 80 ans et vous allez peut-être devoir redescendre dans la rue pour manifester en faveur du peuple palestinien ? Vous n’y serez pas seul : vos enfants et vos petits enfants vont vous accompagner. Et ils doivent le savoir : comme vous, ils seront dans 50 ans encore à défiler pour faire entendre « la juste cause du peuple palestinien »

La paix perpétuelle est sans doute une utopie. Malheureusement, la guerre éternelle n’en est pas une (1), et le conflit israélo-palestinien qu’on voit, après 75 années de cruels massacres renaitre plus vigoureux que jamais, en est le parfait symbole.

 

Pourquoi cette asymétrie entre la paix et la guerre ? Pourquoi la pérennité de la guerre ne se retrouve-t-elle pas dans la paix ? Y a-t-il donc un gène de la guerre qui n’aurait pas son correspondant pour la paix ? Peut-être que, comme la matière et l’anti-matière, les deux ont existé à l’origine, mais que l’un a mangé l’autre ?

 

Toutes ces question sont passionnantes, mais je n’aurai pas le temps de les traiter ici. Une réponse brève me vient pourtant à l’esprit : pour exister, la paix exige qu’un traité soit signé entre les parties concernées, un pacte de non-agression. En revanche, nulle source juridique n’est nécessaire pour permettre à la guerre d’exister. On peut évidemment lancer un ultimatum ; mais il n’a aucun rapport avec un quelconque droit à faire la guerre. Quant au « droit de la guerre », voyez je vous prie comment il est bafoué par la guerre du Hamas – on pourrait aussi parler du conflit entre la Russie et l’Ukraine – mais tout ça, on le sait déjà, ça a été documenté mille et mille fois.

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(1) La Guerre éternelle (Forever war) est le titre d’un roman de science-fiction ("fiction" : oui-oui) de Joe Haldeman, publié en France en 1976

lundi 6 novembre 2023

Des aurores boréales sur la France – Chronique du 7 novembre

Bonjour-bonjour

 

Des aurores boréales spectaculaires observées sur une grande partie de la France dimanche soir

Selon un expert, ce phénomène s'explique par "l’arrivée d’une vague de particules solaires", à l’origine d’une "tempête géomagnétique".

 

 

La roche de Solutré (vu ici)

 

- L’image a de quoi surprendre : elle montre la roche de Solutré telle qu’elle est apparue dimanche soir, illuminée par… une aurore boréale.

Inutile de rechercher des ours blancs rôdant dans les environs : il s’agit d’un phénomène lié à une activité solaire exceptionnelle et non d’un nouveau dérèglement du climat.


Je propose deux remarques :

            * D’abord que ce phénomène a pu se produire déjà dans le passé, simplement répertorié comme phénomène surnaturel, mis sur le compte d’un signe envoyé par Dieu ou quelque magicien. Cet évènement était alors porteur de signification qu’il était important de décrypter.

On voit combien la surnature était alors proche des hommes et combien les prophètes divinateurs de messages étaient importants. Rien n’arrive sans cause, rien n’arrive par hasard. Tout ce qui se produit est un présage destiné aux hommes.

            * Si cette image nous est parvenue, c’est parce que désormais des milliers d’objectifs photographiques sont en permanence braqués sur le monde. On est habitués à ces vidéos d’accidents ou de mauvais comportements des policiers, saisis à la volée par des passants porteurs de smartphones. On trouve normal de voir des tremblements de terre ou des incendies de forêts issus de caméras installées à demeure et qui filment des scènes vides de tout évènements jusqu’à ce que l’inattendu se produise.

Voilà : on a gagné en sensations, on a perdu en significations. Moins de cerveau « intellectuel », plus de cerveau « émotionnel ».

dimanche 5 novembre 2023

C’est d’la blague ! – Chronique du 6 novembre

Bonjour-bonjour

 

Une polémique qui semble être appelée à durer, c’est celle qui enfle autour du propos de Guillaume Meurice, qualifiant Benjamin Netanyahu « d’Hitler sans prépuce ». Objet de violentes critiques pour avoir identifié le 1er ministre israélien avec Adolf Hitler, Guillaume Meurice se défend un réclamant le droit à l’humour, et en postant la déclaration « Je suis Charlie ».

On polémique à perte de vue sur la question de savoir s’il est juste ou non de voir dans les juifs d’aujourd’hui des reproducteurs des nazis (avec pour horizon la « solution finale » appliquée aux palestiniens). Pour moi, je me contenterai de réfléchir à la question de comprendre pourquoi la pratique de l’humour ne couvre pas de son impunité les propos de l’humoriste français.

 

- Déjà, notons que Riss (le Directeur de Charlie Hebdo) refuse d’accepter cette identification : « L'esprit Charlie, ce n'est pas une poubelle qu'on sort du placard quand ça vous arrange, pour y jeter ses propres cochonneries », ajoutant « On n'a pas eu besoin de dire que c'était un nazi ni de préciser qu'il était circoncis pour faire comprendre aux lecteurs ce qu'on en pensait. C'est ça, l'esprit Charlie. C'est plus subtil et plus difficile à maîtriser qu'il n'y paraît. »

 

La Une de Charlie Hebdo, avec le dessin de Riss


Moi, je trouve ce dessin de Riss bien anodin : il s’agit simplement de montrer le 1er ministre d’Israël, indifférent au sort des otages, mais suant de peur d’être jeté dehors par la foule : il n’y a que la conservation du pouvoir qui l’intéresse. Par contre l’identifier à Hitler, c’est un peu plus violent. Pourquoi donc ne serait-ce pas de l’humour ? D’ailleurs Charlie Hebdo en a fait par le passé tout autant – voire même pire.

Dans le dessin de presse, l’humour a pour rôle de critiquer l’actualité et de faire rire en la tournant en dérision. Sa recette est la caricature qui dévoile ses traits les plus problématiques.

Le problème avec le propos de Guillaume Meurice, c’est qu’en matière d’humour, le compte n’y est pas. A part son mot d’esprit (« Hitler sans prépuce ») rien d’humoristique ne vient caractériser la formule : ni le dérisoire (parler du prépuce d’Hitler ne parait pas suffisant), ni – surtout – la caricature ne sont présents.

Il ne suffit donc pas de se défiler en se couvrant de l’excuse d’inessentialité ; la phrase de l’humoriste aurait pu venir dans une discussion qui prétendrait à critiquer le réel.

Ne s’agirait-il alors que d’un cas comme il y en a des milliers d’autres, de propos ayant atteint le « point de Godwin » ?

samedi 4 novembre 2023

Éloge de la charentaise – Chronique du 5 novembre


 


 

Charentaise, toi sans qui l’hiver ne serait pour nos orteils qu’un long frisson, toi que même les boomers révèrent, je te salue, toi qui pars aujourd’hui conquérir le monde !

Tout français sait te reconnaitre et te distinguer des contrefaçons : conçue en Charente-Périgord ton authenticité n’est pas seulement garantie par ton origine géographique mais aussi par ta technique de manufacture qui reprend le procédé de fabrication originelle du cousu-retourné

Née au cœur du Périgord, tu poursuis ta vie chez Airplum, dont la société Sodopac a été créée en 1947, à Augignac. Pourtant tu es, comme beaucoup de produits de notre terroir, aujourd’hui menacée. « En 1999, la Dordogne comptait encore une soixantaine de fabricants de chaussons – aujourd’hui, nous ne sommes plus que 10 en France. » déplore Frédéric Guiral de Haas, qui préside à ta fabrication.

C’est pourtant toi, Charentaise-de-France qui porte l’esprit de notre Nation, toi dont le confort abandonne toute prétention à la modernité pour ne conserver que ce que notre tradition a de meilleur. Oui, si les babouches sont musulmanes, les chaussons sont français.

Mais le pessimisme ne saurait durer dès lors qu’il s’agit de ton avenir : les couturières qui te façonnent depuis plus de 40 ans savent aussi te rendre compétitive. Usinant 600.000 paires par ans elles te mettent sur le marché international à un prix moyen de 27 euros la paire.

 

La charentaise, c’est la France à nos pieds pour le prix d’une bouteille de champagne.

vendredi 3 novembre 2023

Un bon dessin vaut mieux qu’un long discours (épisode 2) – Chronique du 4 novembre

Bonjour-bonjour

 

La guerre entre le Hamas et Israël suscite bien des commentaires assez primaires : quel que soit le camp choisi, on devra être pour la victoire totale de l’un ou de l’autre des protagonistes.

Seulement la guerre n’est pas si simple que cela : en réalité elle ne fait que des victimes.

Pour dire ça, on peut publier un long article, ou bien…

... Ou bien on peut faire un dessin, qui, pour un regard distrait montre Netanyahou entrain de dézinguer les femmes palestiniennes comme par jeu.

 


Et puis, en regardant mieux, voici le dessin complet, tel que publié :  


 

Par le dessinateur singapourien Heng (Publié ici)

 

Et là, la complexité de la situation apparait, mais elle se révèle en toute simplicité, comme un fait évident.

Certes, on n’a là qu’un début de compréhension : le long discours va être encore nécessaire pour expliquer ; mais au moins on n’aura pas besoin qu’on nous explique la réalité : la voilà étalée sous nos yeux.

On dira que ce dessin peut-être mensonger, qu’il est une interprétation de la réalité et non la réalité elle-même. 

Oui, c'est vrai. Mais on n’en sera pas dupe, sachant que ce dessin exprime un point de vue, ce qu’une photo ne rend pas forcément manifeste

jeudi 2 novembre 2023

La femme n’est pas un homme raté – Chronique du 3 novembre

Bonjour-bonjour

 

« Les filles, ça casse tout ! » Vous connaissez ce principe qui permet, dans les cours de récré, de distinguer les filles des garçons ?

 

 

 

Éh bien une découverte scientifique déterminante va nous obliger à y renoncer, 

Vous ne me croyez pas ? Lisez donc ceci : « Le gène à l'origine du développement sexuel féminin découvert à Nice. L’orientation vers le sexe féminin est initiée par un gène spécifique. Une équipe niçoise abolit le dogme selon lequel on ne devient femme que « grâce » au défaut de déterminant testiculaire. » (lire ici)

On évitera de spéculer sur les conséquences négatives pour les féministes : certes on va devoir renoncer en apparence au jugement de Simone de Beauvoir : « On ne nait pas femme, on le devient ». Mais c’est en apparence seulement, car toute la question est de savoir quel rapport il y a entre le sexe et le genre, ce que cette découverte ne tranche pas.

- En revanche on peut en profiter pour revisiter les dogmes, aujourd’hui disparus, affligeant les femmes de statut d’« homme castré », principe encore porté par Freud et dont la conséquence était que les femmes ne pouvaient sortir de leur condition d’épouse et de mère sans se viriliser. 

--> Ainsi sous la plume d’Edmond de Goncourt, ce jugement à propos de George Sand : « Je suis persuadé que si on avait fait l’autopsie des femmes ayant un talent original, comme Mme. Sand, on trouverait chez elle des parties génitales se rapprochant de l’homme, des clitoris un peu parents de nos verges. »

On ne pouvait alors concevoir un talent véritablement féminin – d’ailleurs le choix d’un prénom masculin pour George Sand qui se prénommait en réalité Aurore vient confirmer ces préjugés (1). Et c’est de partout que ce parti pris a duré jusqu’à aujourd’hui – du moins dans la sphère scientifique – puisqu’il a fallu attendre 2020 pour découvrir le déterminant génétique du sexe féminin. Resterait à savoir ce que ce déterminant détermine outre le développement d’organes féminins.

Car au bout de ça il y a le genre.

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(1) Notez que la graphie « George » sans « s » signe le féminin de Georges (laissant choir Georgette). Reste que George Sand elle-même prétendait que ce nom lui permettait surtout de s’habiller en homme, ce qui était avantageux car les vêtements masculins étaient bien moins chers que les féminins. Mais surtout les livres se vendaient mieux s’ils étaient attribués à des auteurs qu’à des autrices.

mercredi 1 novembre 2023

La pathologie de la vengeance – Chronique du 2 novembre

Bonjour-bonjour

 

Rien ne justifie ce qui se passe en ce moment à Gaza, mais ça ne veut pas dire qu’on ne puisse tenter de l’expliquer. Car entre les massacres du 7 octobre et ceux perpétrés par l’armée israélienne, il n’y a que l’origine géographique et ethnique qui diffère : d’un côté les arabes ; de l’autre, les israéliens.

J’entends déjà les cris d’indignations : on ne peut renvoyer dos à dos l’agresseur et l’agressé ; l’inqualifiable des décapiteurs de nourrissons et les malheurs inévitables d’une guerre dont on ne voulait pas. Mais ce n’est pas à ce genre d’arithmétique de l’horreur que je pense ici : il s’agit de la dose de haine et de vengeance inclue dans ces opérations qui ne laissent aucune chance de survie à des civils pris au piège d’un conflit qu’ils n’ont pas vu venir. Et là, les teufeurs de la rave party sont à mettre sur le même plan que les habitants de Gaza.

Que veut dire cela ? Que l’atrocité de leur mort illustre une cause bien connue : la vengeance. Au-delà de la lutte, il faut faire payer l’adversaire : les souffrances infligées doivent être à la hauteur des celles qui ont été subies depuis des dizaines d’années. Et ça vaut bien sûr pour les palestiniens, mais aussi pour celles que subissent les israéliens qui cumulent les effets du terrorisme. Mais – et c’est là que les choses se corsent – quand sera-t-on suffisamment vengés ? A quel moment la haine sera-t-elle épuisée ?

S’il y a une pathologie de la vengeance, comme l’indique notre titre, c’est bien celle d’un cerveau qui se détraque et se met à produire de la violence à partir de lui-même ; un violence auto-centrée.

Alors, qu’on légitime, justifie, sanctifie même tous ces massacres tant qu’on voudra. Moi je demande seulement qu’on me prouve qu’il n’y a pas dans tout cela une once de jouissance. Pas de jouissance à perdre son temps à décapiter des enfants ; pas de jouissance à voir exploser des immeubles dont on sait qu’il abritent des femmes des enfants et des vieillards.