mercredi 31 juillet 2024

Black or white ? – Chronique du 1er aout

Bonjour-bonjour

 

 Lu ce matin : « Le candidat républicain Donald Trump a accusé mercredi sa nouvelle rivale Kamala Harris d'être « devenue noire » pour des raisons électoralistes » (Voir ici)

Là vous vous dites peut-être qu’après Biden, Trump est à son tour affecté d’une pathologie cérébrale ? 

- Mais pas du tout. Lisez la suite : « Elle était indienne à fond et tout d'un coup, elle a changé et elle est devenue une personne noire », a assuré le candidat républicain, faisant allusion au fait que Kamala Harris, descendante d’une mère indienne et d’un père jamaïcain, pouvait appartenir à l’une ou à l’autre de ces communautés. (C’est d’ailleurs pour évoquer cette situation qu’on a forgé le mot « racialisation »)

 


 

Le point est que si Kamala Harris ne peut rien changer à son appartenance ethnique, en revanche elle peut se réclamer d’une communauté ou d’une autre selon les circonstances.

C’est pour cette raison que Karine Jean-Pierre, la porte-parole de la Maison Blanche a dénoncé ces commentaires en ces termes : « Personne n'a le droit de dire à quelqu'un comment il s’identifie ». 

--> Il ne s’agit donc pas de dénoncer le fait d’être assimilé à un groupe ethnique, mais bien de se voir assigné, de l’extérieur, telle origine plutôt que telle autre. Nous autres, français, universalistes comme nous affectons de l’être, nous croyons que ce qui compte c’est d’être un humain et voilà tout. Mais pour les américains, cela ne suffit pas.

Et c’est là que se situe le problème : derrière la question de savoir qui a le droit de définir le groupe par le quel on devient un individu, se profile celle de savoir s’il faut pour cela faire en plus allusion à des caractères qui sont pour nous (et non pour les américains) secondaires.

- Si je suis un homme, à quelle origine ce statut puise-t-il son existence ? Cette question n'est pas une question métaphysique tout à fait inutile. On sait que notre époque cherche à effacer la différence entre homme et femme pour définir les droits humains : les droits de l’homme sont les droits de tous les êtres humain, inutile de préciser : « Droits des femmes », et puis « droits des femmes afro-américaine » ou « droit des femmes d’origine indienne ». De même que les groupes « L.G.B.T.etc » ne se réclament de ces droits que pour supprimer les effets négatifs de l'assignation à leur choix sexuels : « Nous les LGBT-etc nous avons les mêmes droits que tout être humain. »

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N.B. sur le rôle de la couleur de la peau sur le destin des individus, voir mon Post du 30 juin 23 sur la discrimination positive.

 

mardi 30 juillet 2024

Le temps d’une marée – Chronique du 31 juillet

Bonjour-bonjour

 

Combien de temps dure une œuvre d’art ? Certaines durent des siècles, voire des millénaires, soigneusement restaurées au fil du temps. Elles sont portées par la conviction que le caractère exceptionnel de l’art leur confère une existence impérissable, marque de la beauté dont elles sont faites.

D’autres, tout au contraire, ne sont faites que pour manifester leur existence et elles ne durent que le temps d’être vues. 

C’est ainsi qu’à Saint-Malo à été réalisée une immense œuvre d'art éphémère sur la plage de l'Éventail : « Un immense dessin a été réalisé sur une plage de Saint-Malo dimanche 28 juillet. Cette œuvre éphémère a été réalisée pour soutenir Paul Watson, incarcéré depuis le 21 juillet. » (Lire ici le détail) (1)

 

 

Fresque de 28 mètres par 48 mètres.

 

Ce dessin sur le sable durera ce que dure le journal, juste le temps d’être lu, compris et puis jeté : on devine que mon propos est de dépasser ce caractère éphémère lié à la fonction de messager.  En fait je crois que c’est là l’occasion de réfléchir à la durée de l'œuvre d’art en général : pourquoi doit-elle surmonter les vicissitudes de l’existence, pour être admirée par des générations successives d’hommes et de femmes ?

D’ailleurs, est-ce là le propos ? Je veux dire : veut-on absolument produire pour les générations futures, ou bien n’est-ce pas plutôt la certitude que la beauté étant impérissable, l’œuvre d’art doit l’être aussi ?

Mais du coup, sommes-nous bien sûr que ce que nous appelons « œuvre d’art », « beauté », « éternité » a le même sens toujours et partout ? Quand les égyptiens construisaient leurs pyramides à l’épreuve du temps, qu’ils les remplissaient d’œuvres qui nous sont parvenues intactes, songeaient-ils qu’il fallait que nous, 4000 ans plus tard, puissions les retrouver pour les mettre dans nos musées ? Puisque les objets mis dans les tombes devaient servir pour l’éternité aux besoins du Pharaon, il allait de soi que ces objets, dont la beauté n’était qu’accessoire, devaient durer éternellement.

Alors que pour nous, l’œuvre d’art qui n’a pas pour fonction d’apporter une satisfaction matérielle, dure ce que dure une marée.

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(1)  On pouvait y distinguer une baleine et le message « #freepaulwatson » (libérez Paul Watson) en soutien au fondateur de l’ONG Sea Shepherd, défenseur des baleines, incarcéré par la police danoise depuis le 21 juillet.

« Visé par une notice rouge d’Interpol émise à la demande du Japon en 2012, il est accusé de « conspiration d’abordage ». L’homme est âgé de 73 ans et risque d’y être extradé pour y finir ses jours en prison (article référencé)

lundi 29 juillet 2024

Tous en Cène – Chronique du 30 juillet

Bonjour-bonjour

 

Encore un billet inspiré de la cérémonie d’ouverture des J.O., ou plutôt par la polémique qu’elle a inspirée. (Toutes références trouvées ici)

Voyez ceci :


 

On reconnait la séquence où des drags Queens font un numéro avec le chanteur Philippe Catherine costumé en Bacchus.


- Là-dessus l’épiscopat a déploré « des scènes de dérision et de moquerie du christianisme », y voyant « l’image d’un groupe à table, dont plusieurs drag queens, faisant penser à "La Cène", la peinture de Léonard de Vinci évoquant le repas de Jésus avec ses apôtres. »

Comme cela :

 

 

 

- Certains y ont vu un rappel du tableau "Le Festin des dieux" peint au XVIIe siècle par Jan Harmensz van Biljert et exposé à Dijon : 

 


Thomas Jolly, le concepteur de la cérémonie a tenu à préciser ceci : « Je crois que c’était assez clair, il y a Dionysos qui arrive sur cette table. Il est là, pourquoi parce qu’il est dieu de la fête (…), du vin, et père de Sequana, déesse reliée au fleuve. L’idée était plutôt de faire une grande fête païenne reliée aux dieux de l’Olympe… Olympe… l’olympisme »

 

Et que dit le Gouvernement ? Écoutons Gérald Darmanin : « Les évêques de France font la communication qu’ils souhaitent […]. Depuis toujours l’art, et ce qu’on a vu était de l’art, a été critiqué par les responsables religieux et par d’autres, mais il faut accepter ce débat autour de l’art et cette liberté de création des artistes, sinon nous ne sommes pas la France", /…/ "les goûts et les couleurs ne se discutent pas". »

 

Et moi ? Qu’est-ce que j'en pense ? A vrai dire je n’ai pas une seule seconde douté qu’il s’agissait d’un pastiche de la Cène de Leonard, avec une mise à distance par les Drags Queens et Dionysos pour illustrer la fête - puisqu’il s’agissait visiblement en cette soirée d’incarner la fête. J’ai pensé que pour cela Philippe Catherine était bien à sa place. 

En revanche faire de la Cène quelque chose qui évoquait cette fête païenne évoquée par Thomas Joly , je n’y ai pas pensé du tout : ça n’a pas marché.

Du coup, ça a fait « flop ».

dimanche 28 juillet 2024

Chant et contre-champ – Chronique du 29 juillet

Bonjour-bonjour

 

Si vous avez veillé jusqu’à la fin de la cérémonie d’ouverture des J.O. vous n’avez pas manqué ce plan vertigineux de Céline Dion :


 



Face au vide, la chanteuse est installée sur la plate-forme de la Tour Eiffel. Devant elle, le vide, ou plutôt à la nuit ; un bref contre-champ montre en effet cet espace immense, sans limites, d’où monte pourtant à la fin de sa prestation les clameurs de la foule, devenues énormes et confuses

Ce vide, la chanteuse y est habituée, lorsqu’elle enregistre dans la solitude d’un studio. Pourtant, ici, il y a cette expérience d’une foule tendue vers elle, et pourtant perdue dans un lointain qui rend sa présence incertaine.

Pourtant, ce vide n'est pas rien du tout : il est plein d’énergie, un peu comme le vide quantique - et il est une bonne image de cet état où nous sommes la plupart du temps. 

Car, comme Céline Dion nous faisons comme si notre vie était reliée à d’autres vies, que nous ressentons, là, présentes et pourtant invisibles. 

- « Comme si », et non pas « évidemment », alors que nous sommes habitués à cette présence invisible ? Est-ce donc si peu sûr ? 

- Oui, car des robots peuvent nous tromper sur cette présence comme avec ces messages destinés à nous orienter lors des appels téléphoniques. 

- Mais qu’en est-il habituellement ? Par exemple, je parle à ma compagne, là, au saut du lit. Elle opine, en clignant des yeux comme si elle avait encore du mal à voir le jour. Sa conscience m’englobe-t-elle ? Suit-elle mon propos ? Vais-je être obligé de la rappeler à moi : « Tu m’écoutes ? Répète ce que je viens de dire ! »

Et pourtant un foi intuitive me certifie qu’elle est bien là, que nos consciences communiquent et qu’une certaine énergie circule entre elle et moi, assurant qu’une pensée commune est en train de s’élaborer.

 

Alors oui, cette foi en la présence des autres humains dans mon champ d’attention n’est cautionnée par rien du tout, sauf par le besoin que nous en avons. Nous sommes un peu dans la situation de Descartes concluant ses Méditations en constant que sans la foi nous sommes condamnés à planer dans l’irréalité.

samedi 27 juillet 2024

De Super-Dupont à Dupont - Chronique du 29 juillet



Chers concitoyens, bonjour !

Dévoyés par la dérision dont nos humoristes font usage pour se faire un succès à bon marché au près du public, vous avez ricané devant le spectacle trop souvent tricolore de la télévision qui, ces jours-ci, s'efforce de nous rendre fiers d'être français, nous qui sommes capables d'organiser des J.O. du millénaire.

Pour aller encore plus loin dans la dérision, aux petits drapeaux vous avez ajouté le personnage de Superdupont créé par Gotlib dans les années 70, quand tout était permis.

Oui, mais voilà : hier, le rugby à VII français sous l'impulsion d'un autre Dupnt, a réussi à battre les joueurs des îles Fidji, après 4 essais, dont deux plantés par Super Antoine.

Je sais, c'est mesquin de priver les fidjiens du seul succès planétaire dont ils se faisaient une gloire. Eux, ils n'ont pas besoin des 70000 spectateurs dans le Stade de France pour briller : quelques amis, un bout d'herbe au bout du potager, des cousins pour faire les équipes : voilà que la partie peut commencer.

Mais en même temps, pourquoi avoir fait du rugby à VII une discipline Olympique? Dès lors, on savait que  ça allait tourner comme ça : avoir des millions de spectateurs, on dirait que ça oblige à avoir des milliards de dollars d'investissement.

En tout cas, ça oblige à être fiers de notre pays qui parade ainsi devant le monde entier ! 

C'est Notre-Président qui doit être content.

Merci, (Super)-Dupont !


jeudi 18 juillet 2024

Et voilà les vacances....

Cher/e/s lecteur/lectrices, 

Le Point du jour prend des vacances bien méritées.

Retour le lundi 29 juillet - sauf imprévu...

Jean-Pierre Hamel

mercredi 17 juillet 2024

Et Dieu dans tout ça ? – Chronique du 18 juillet

Bonjour-bonjour

 

Un mythe s’écroule. Dans un rapport porté par les associations qu’il a lui-même créées, l’abbé Pierre, mort en 2007 à l'âge de 94 ans, est accusé d'agression sexuelle par sept femmes, dont une mineure au moment des faits, qui se seraient déroulés entre 1970 et 2005. (Lu ici) A noter que le plus récent témoignage porte sur des faits ayant eu lieu alors que l'abbé avait... 92 ans !

Baisers profonds, attouchements non consentis et tout cela de la part de celui qu’on avait fini par considérer comme un saint et qui était une conscience morale assez puissante pour aller faire la leçon jusqu’à l’Élysée – ajoutez à cela la sidération des victimes dont l’une s’est sentie harcelée par Dieu Lui-même : rien de cette situation ne parait imaginable

 

Sœur Véronique Margron, présidente élue de la conférence des religieuses et religieux en France (Corref), très en pointe dans le combat contre les abus sexuels dans l'Église exprime son désarroi : « ... son action – indiscutable – a interdit toute vigilance, tout esprit critique, tout courage peut-être même de ceux qui l'ont entouré, devant ses comportements indignes et coupables ». On comprend que l’aura de sainteté de l’abbé, a non seulement rendu possible l’abus de pouvoir envers les femmes victimes, mais a aussi interdit toute réaction de la part des témoins.

Dans un livre-confession publié en 2005 (1) l’abbé Pierre révèle son attirance sexuelle pour les femmes : « Il m'est arrivé de céder à la force du désir de manière passagère ». Pourtant il voyait dans la fugacité de ses pulsions un rempart contre le péché en empêchant l’enracinement d’une liaison profonde. Au fond, le harcèlement et l’agression étaient à ses yeux un motif allégeant la gravité de ses gestes : ça aurait pu être pire.

 

Oui – mais comment ses victimes ont-elles vécu ces situations ? Après avoir gardé le silence depuis près de 50 ans, elles parlent à présent, portées par la vague #meetoo. Certaines soulignent leur désarroi d’être ainsi agressées : « J'ai l'habitude de me défendre, mais là, c'était Dieu. Comment faites-vous quand c'est Dieu qui vous fait ça ? » s'interroge l'une de ces femmes.

Au-delà du sacrilège contenus dans ces propos, nous devons nous interroger. C’est en effet une prétention des gourous qui imposent des rapports charnels à des femmes membres de leur secte : par leur intersession, c’est Dieu en personne qui les féconde. On a l’habitude de prendre cette soumission comme une situation imposée par le dominateur sectaire. Ici et pour autant qu’on sache, l’Abbé Pierre n’a pas eu cette prétention, mais pourtant elle a été bel et bien ressentie.

Aurait-on ici une réaction féminine en présence d’un rapport sexuel imposé ? Quelque chose qui relèverait de la psychologie des profondeurs ? En tout cas on doit profiter de cette situation pour s’interroger : 

Et Dieu dans tout ça ?

 

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(1) Frédéric Lenoir « Mon Dieu… pourquoi ? » (Plon) (Publié en 2005

mardi 16 juillet 2024

Casse-toi, pauv’con – Chronique du 17 juillet

Bonjour-bonjour

 

« Menteur, lâche, traitre ! » : ces insultes valaient autrefois un duel à leur auteur. Par contre aujourd’hui, l’insulte politique est plutôt animalière : « Cloporte, vipère lubrique, rat visqueux,… punaise de lit » (1) : la nature des insultes change en fonction des valeurs fondamentales qu’a la société à un moment donné. Ces données sont évoquées par Cédric Passard maître de conférences en sciences politiques et auteur de Usages politiques de l’insulte à qui nous empruntons les principales données de ce billet (voir ici).

Selon lui il y a une histoire de l’insulte en politique non seulement dans la nature des attributs insultants mais aussi dans leur usage ou leurs effets. Certes, si l’insulte politique a toujours existé, « il y a eu au fil du temps une forme de bienséance politique qui s’est mise en place. Les insultes sont devenues plus feutrées, moins franches, moins directes. Toutefois elle s’est développée chez les « outsiders politiques », qui ont moins à perdre en insultant » (ref. ouvrage cité) : ça peut même être une manière de gagner de la visibilité médiatique. Raison pour laquelle le « casse-toi pauv’con » de Nicolas Sarkozy avait choqué en son temps. On voit que l’utilisation de l’insulte a depuis lors été généralisée afin d’attirer la lumière sur ses auteurs. Procédé qui entraine, comme on l’a bien vu lors de la dernière session de débats de l’Assemblée Nationale, une surenchère afin d’éviter l’épuisement de l’effet.

 

- On réclame aujourd’hui comme un enjeu de la vie démocratique le retour à des débats apaisés grâce au renoncement à ces insultes qui hystérisent le débat sans véritable raisons.

On apprécie généralement cet appel à la raison. Toutefois certains (dont l’auteur cité ici) relèvent dans ce cas de l’apathie politique et des discussions trop lisses : « Au Parlement européen, sans que l’insulte soit complètement absente, on a souvent des débats un peu atones, qui ont du mal à attirer l’intérêt des citoyens. »

Pigé, bande de nazes ?

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(1) Sophia Chikirou affirme : « Le hollandisme c'est comme les punaises de lit : tu as employé les grands moyens pour t'en débarrasser, tu y as cru quelques temps et tu as repris une vie saine (à gauche) mais en quelques semaines, ça gratte à nouveau et ça sort de partout... »

lundi 15 juillet 2024

Peut-on annuler la dette ? – Chronique du 16 juillet

Bonjour-bonjour

 

Selon Thierry Breton, le commissaire européen : « Une réduction du déficit public français est « nécessaire » – et ce malgré l’instabilité institutionnelle » 

 

… Bernard Maris, ce nom vous dit-il encore quelque chose ? Victime de l’attentat contre Charlie, il était l’un des économistes qui affirmaient que la dette souveraine française ne serait jamais remboursée (comme l’ont été celles issues de la guerre). D’autres économistes soutenaient le même paradoxe (à savoir : de l’argent prêté et jamais remboursé) et c’était alors un sujet de débat très actif, au point qu’aujourd’hui encore on l’évoque (voir ici l’article d’Agnès Bénassy Quéré).

 

- Je ne peux reprendre le débat à mon compte faute de compétence. Par contre je peux m’étonner qu’il ne soit pas évoqué. Comment se fait-il que ceux qui défendent un programme envisageant des dépenses publiques largement au-dessus des ressource du pays n’évoquent pas cette hypothèse ? Ce serait certes maladroit de contracter des emprunts en annonçant par avance qu’ils seraient accompagnés de la mention : « Non remboursable ». Nos candidats à gouverner le pays en sont restés à l’annonce d’un financement par une augmentation des recettes, souvent associées à des économies telles que « Arrêter de financer l’immigration » ou encore « Faire payer les riches » : qu’importe ? Le débat français en est resté au déni de l’endettement : on aurait pu l’éviter – et on l’évitera – grâce à ces recettes si faciles à imaginer : je manque d’argent, tu en as trop : je te prends ce qui me manque – et basta !

Alors, c’est vrai que l’économie est comme on dit parfois, une science molle, ce qui signifie que ses prévisions ne sont pas aussi certaines que celle de l’astronome qui prévoit le retour de la comète de Haley. Par exemple on n’a pas vu venir la crise des subprimes. Mais de telles erreurs, largement évitables d’ailleurs, ne se produisent pas régulièrement. 

Aujourd’hui le leitmotiv est : pas besoin d’emprunter, il suffit de faire payer les riches.

Et en plus c’est vertueux !

dimanche 14 juillet 2024

Un homme tout à fait ordinaire – Chronique du 15 juillet

Bonjour-bonjour

 

Le tireur qui a failli tuer Donald Trump a été identifié comme étant Thomas Matthew Crooks. 

 Ses motivations sont toutefois pour l’instant encore inconnues. (Lu ici)

* Les enquêteurs n’ont pour le moment « pas identifié » d’affiliation idéologique, mais ils envisagent la piste d’un « acte potentiel de terrorisme intérieur ».


Le profil du tueur surprend également par sa banalité : 

* Au lycée, Thomas Crooks aurait été régulièrement victime de harcèlement : les moqueries visaient la manière dont il s’habillait, notamment des vêtements de chasse.

* Thomas Crooks a grandi dans un quartier de la classe moyenne, peut-être même de la classe moyenne supérieure

* Il n'a pas de problème de santé mentale

* Il n’a aucun passé militaire. 

      * Voyez plutôt combien son visage respire la plus rassurante banalité

 



- Nous avions peut-être imaginé dans l’instant où la nouvelle nous est parvenue qu’il s’agissait d’un mexicain, ou d’un militant des droits des femmes, ou encore d’un paranoïaque halluciné ?

Éh bien pas du tout. 

Alors, comment comprendre qu’un jeune homme bien sous tout rapport, qui coche toutes des cases de la normalité, prenne le AK 15 de son père qu’il enfile un treillis pour aller ramper sur le toit d’un hangar surplombant le rassemblement de campagne de Donald Trump pour tirer, le blesser et tuer un spectateur ?

Naïvement nous voulons que tout s’explique - en particulier que le comportement des individus soit non seulement déterminé, mais encore que ces motivations soient inscrites dans l’ADN du meurtrier, qu’il soit né comme ça, et que ces gènes maléfiques passent un jour à l’acte, à moins qu’on ne les ait dépistés avant.


- Et qu’est-ce qui nous prouve que ces actes monstrueux sont pré-déterminés ? Un homme tout à fait « normal » le matin au lever, ne pourrait-il donc pas devenir un criminel à l’heure du repas ou de l’apéro ?

Et nous-mêmes, que savons-nous de nos actes ? Parfois certains nous échappent et, même anodins, nous ne pouvons les expliquer. « Coup de folie » disons-nous alors.

Bien commode la folie !

samedi 13 juillet 2024

Qu’est-ce qu’une fête ? Chronique du 14 juillet

Bonjour-bonjour

 

Hier nous nous interrogions « Qu’est-ce qu’une crise ? »

Aujourd’hui l’interrogation est « Qu’est-ce qu’une fête ? »

- « Bof dira-t-on. Nous sommes le 14 juillet, il n’est que de regarder par la fenêtre pour voir des guirlandes, des petits drapeaux, et aussi pour entendre de la musique miliaire diffusée par toutes les télé du quartier – Qu’avons-nous besoin d’une telle interrogation ? »

Admettons. Mais reste que tant de choses différentes peuvent s’appeler « fête » que l’idée – voire le concept de fête – fait problème.

L’idée de réjouissance populaire ne suffit en effet pas à définir le fête. Cette idée de joie peut très bien caractériser un évènement comme le 14 juillet et faire défaut à quelque chose comme la fête des mères. De même que la débauche de consommation, pour célébrer des fêtes gastronomiques – ou encore la fin de l’année voire même le 25 décembre – qu’est-ce que ça a à voir avec les réjouissances de la Fête nationale ?

 

La fête est donc une notion polysémique ? Soit. Reste à trouver le plus petit commun dénominateur, ce sans quoi la fête n’est plus possible. Les réjouissances ? Mais la fête des morts ne suppose pas l’allégresse à chaque coin de rue, pour autant qu’on sache.

Le CNRTL propose : « Action de louer, d'honorer quelqu'un ou quelque chose. »

Et c’est vrai : qu’on en juge d’après l’illustration de la premier célébration de la Nation le 14 juillet 1880 :



 

Les symboles affluent, mais pourquoi alors évoquer la fête sous l’angle des bals populaires et des défilés de fanfares ?

- Soit le 14 juillet la liesse voulue pour cette grande réconciliation républicaine vient couronner l’élan unificateur évoqué par le vaisseau ramenant d’exil les « absents » ; mais on est alors dans l’abstraction et c’est une fête bien plus cérébrale que ce à quoi on assiste.

- Soit c’est au contraire ce besoin de fête populaire qui s’empare de la célébration nationale, vécue alors comme une revue militaire dont on sait qu’elle était une occasion de réjouissance : « Ma belle-mère pousse des cris, / En reluquant les spahis, / Moi, je faisais qu'admirer / Notre brave général Boulanger. » chantait-on pour évoquer la revue de Longchamp en 1886. Voir ici

Comme on le voit, lorsque la joie populaire est médiée par l’armée, la politique n’est jamais bien loin.

vendredi 12 juillet 2024

Qu’est-ce qu’une crise ? – Chronique du 13 juillet

Bonjour-bonjour

 

Le désarroi qui accompagne ces jours parait à son comble. Et chacun de se tourner vers les responsables politiques (ou ceux qui en ont la prétention), pour les interpeller avec irritation : « Qu’est-ce que vous faites ? Trouvez une solution à ce b** : c’est votre taf, pas le mien ! »

 

Là-dessus, le philosophe survient et sort de sa besace une citation archi-rabachée :

« J'avais vingt ans et je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. (…) Tout menace de ruine un jeune homme : l'amour, les idées, la perte de sa famille, l'entrée parmi les grandes personnes. Il est dur d'apprendre sa partie dans le monde. » 

Je dis que cette citation de Nizan a été « archi-rabâchée ». C’est vrai du début, mais moins de ce qui suit et qui peut pourtant éclairer la crise dans laquelle nous nous débattons.

La crise comporte deux éléments : l’instabilité, associée à l’imprévisibilité, et l’explosivité. Selon Nizan, il s’agit bien d’une propriété de la jeunesse qui, du fait de son inexpérience, découvre presqu’à chaque instant de tels évènements. Mais alors la crise suppose un angle de vue qui en fait une manifestation subjective : tel évènement surprenant et aux conséquences inquiétantes pour les uns, sera pour les autres un phénomène lié en réalité à des processus plus profonds et dont l’ambiguïté disparait pour qui sait mettre à jour les tenants et les (futurs)-aboutissants qui en accompagnent le surgissement.

A ce compte, c’est dans l’histoire qu’il faut chercher l’explication de ce qui nous arrive en ce moment, avec ces sursauts incohérents de politiciens égarés, qui cherchent comme des abeilles désorientées le chemin de leur ruche.

Avec ce « bémol » souvent évoqué en ce moment, que l’histoire ne se répète pas, sauf … comment dire ?

--> « Tous les grands événements et personnages de l’histoire du monde se produisent pour ainsi dire deux fois… la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide… » Oui, c’est cela et c’est Marx qui nous le rappelle dans « Le Dix-Huit Brumaire de Louis Bonaparte »

 

- Au fait je n’ai pas dit quel évènement pourrait nous expliquer ce qui se passe aujourd’hui ? Après avoir en tremblant évoqué la prise du pouvoir par Hitler, on rêve aujourd’hui d’un nouveau « Front populaire » ; et certains se rêveraient déjà en (nouveau) Léon Blum ? Pourquoi pas ? Mais n’oublions pas la rectification correspondant à la nouveauté : nous sommes en 2024 et pas en 1936. Autrement dit il est sacrément difficile aujourd’hui d’ignorer le monde dans le quel on vit. Et puis peut-être est-il difficile de dire à l’avance qui manipule qui ? Et si le peuple n’était pas si égaré qu’on croit ? S’il était en réalité en train de tester les différentes opportunités ? S’il cherchait à savoir non seulement qui est disponible pour vider les caisses en sa faveur, mais aussi qui est capable de les remplir en même temps ? 

Si c’était cela la sagesse, alors autant dire qu’en 2024 la politique n’impliquerait plus du tout la vertu.

jeudi 11 juillet 2024

D’une flèche l’autre – Chronique du 12 juillet

Bonjour-bonjour

 

A Rouen, la cathédrale dont la flèche (en fonte) culmine à 151 mètres, a été le siège d’un incendie qui n’a finalement affecté que le chantier des travaux dont elle était l’objet. (lire ici)

On frémit en comparant avec le sinistre de Notre-Dame de Paris qui a détruit totalement la charpente et la flèche.

 


 A gauche l’incendie parisien, à droite celui de Rouen

 

On apprend ainsi que, si la flèche de la cathédrale parisienne était telle que voulue au 13ème siècle, celle de Rouen était en fonte depuis le 19ème siècle.  Occasion de s’interroger : en matière de restauration, faut-il à tout prix reproduire ce qui a été fait dans le passé au lieu d’user de matériaux et de procédés qui seraient très probablement choisis aujourd’hui par les mêmes constructeurs s’ils vivaient encore ? On sait que la charpente de Notre-Dame de Paris a été reconstruite avec des troncs de chênes taillés à la serpette et percés à la chignole – quel avantage à faire ce travail avec de tels outils au lieu d’utiliser les machines en vente chez Leroy-Merlin ?

On peut certes considérer qu’un monument historique n’est pas là seulement pour réjouir les yeux, mais aussi pour documenter l’historien lui-même. La charpente de Notre-Dame de Reims, reconstruite en béton après 1918 manque à ce second principe, alors même que rien n’en transparait pour le visiteur.

A l’époque de Viollet-le-Duc, c’est le premier objectif qui s’impose : que la Flèche de Rouen soit en fonte ne change rien à son aspect vertigineux voulu par ses créateurs. D’ailleurs les travaux dont elle est l’occasion actuellement et qui ont été affectés par l’incendie d’hier ne visaient pas à lui restituer sa structure originelle mais à remplacer la fonte par d’autres matériaux.

Si l’on veut, comme à Paris restaurer à l’identique les monuments détruits par des accidents avec le souci de conserver le monument tel qu’il fut à l’origine, alors on doit méditer l’histoire du bateau de Thésée :

La légende rapporte que le bateau de Thésée a été conservé pieusement par les athéniens qui remplaçaient les planches pièces venues à s’abimer – si bien qu’au bout de nombreuse années il ne contenait plus aucune pièce d’origine.


--> " Le bateau de Thésée est une expérience de pensée philosophique concernant la notion d'identité. Elle imagine un bateau dont toutes les parties sont remplacées progressivement. Au bout d'un certain temps, le bateau ne contient plus aucune de ses parties d'origine. La question est alors de savoir s'il s'agit du même bateau ou d'un bateau différent " (Art. Wikipédia)

- Pas sûr que les touristes qui viennent cracher leur chewing-gum sur le parvis de Notre-Dame réfléchissent à ça.

mercredi 10 juillet 2024

Au ciné, le Comte de Monte-Cristo plus fort que les 3 Mousquetaires ? – Chronique du 11 juillet

Bonjour-bonjour

 

C’est à coup de millions d’entrées dans les salles obscures que le 19ème siècle vient faire la nique à nos écrivains. Car, qui de nos jours se permettrait de faire exploser le box-office grâce à des romans écrits juste au mitant du 19ème siècle ? Outre le comte de Monte-Cristo publié en 1846, Dumas avait publié en 1844 Les Trois mousquetaires, : c'est en l’espace de deux ans qu'il a publié ces chefs-d’œuvre qui aujourd’hui encore restent dans les meilleures ventes de librairie grâce aux adaptations cinématographiques.


Comment expliquer cet engouement qui laisse loin derrière les chiffre d’édition des auteurs récents, surtout auprès des jeunes lecteurs dont on a dit et répété qu’ils étaient inaptes à lire de pareils livres, et qu'ils auraient dû être découragés par leur longueur (768 pages chez Gallimard pour Monte-Cristo, et plus de 800 pages pour Les trois mousquetaires) ? Quant à leur sujet ils font vivre une aventure située au 17ème siècle pour l’un et au 19ème siècle pour l’autre : a priori pas de quoi enthousiasmer des jeunes qui sont très loin de la culture classique nourrie de l’engouement pour le passé de la France romanesque.

 

Au fond, seuls nos préjugés expliquent cette incompréhension. Comment savons-nous que les jeunes générations seraient inaptes à la lecture ? Simplement parce qu’elles ne s’intéressent pas à ce qui nous enthousiasme. Mais qu’un média tel que le cinéma leur donne envie de lire les livres dont l’adaptation les a passionnés et on voit qu’ils en raffolent. 

Mais plus généralement ne croyons pas que le futur passionne plus que le passé : sinon seuls les adaptations de roman de science-fiction seraient propre à attirer vers la lecture. On a bien vu avec le Seigneur des anneaux que ce qui donne la passion de la lecture ce n’est ni le passé ni l’avenir : c’est le monde imaginaire que fait naitre l’écrivain et c’est bien ce que les romans de Dumas mettent en jeu. Car après-tout la France de d’Artagnan n’existe pas plus que celle d’Edmond Dantès ; par contre le monde que nous leur fabriquons grâce aux pages des romans de Dumas, lui, il existe et nous y croyons plus fort encore car c’est nous qui l’avons finalement imaginé.

mardi 9 juillet 2024

La politique et l’art de défaire des nœuds – Chronique du 10 juillet

Bonjour-bonjour

 

Le Président de la République se trouve dans le dilemme qui consiste à sauvegarder grâce à une négociation particulièrement habile, ses prérogatives menacées par les élections récentes. Plutôt que de négocier peut-être devrait-il s’inspirer de la légende du nœud gordien ?

 


 

Le nœud Gordien

 

Cette légende raconte qu’Alexandre le Grand arrivant dans la cité de Gordion apprit que celui qui saurait défaire une nœud inextricable attachant au timon le joug  du char du roi de Phrygie, serait le maitre du monde.

Après avoir vainement tenté de défaire le nœud, Alexandre tira son glaive et le trancha, à la suite de quoi les Dieux lui envoyèrent des présages favorables.


Aujourd’hui certains fantasment sur un pareil affrontement entre le Président de la République et le pouvoir législatif à l’issue du quel le Président ferait appel à l’article 16 de la Constitution lui donnant tous les pouvoirs - y compris le pouvoir qui relève du législatif.

- Les philosophes, moralistes ou politiciens ont au cours de l’histoire raisonné sur la question, tel Joseph Joubert avertissant : « Garde-toi de couper ce que tu peux dénouer. » 

Tel est aussi l’avis de Charlotte Girard (constitutionnaliste) dans les colonnes de la revue Politis (voir ici) :

« - Politis : Quels moyens existe-t-il de trancher un conflit important entre le président et le gouvernement ? Faut-il en passer par le recours au peuple ?

- Charlotte Girard : Avant le référendum, il y a un truc qui existe entre représentants politiques, cela s’appelle la négociation. Dans la logique d’une démocratie représentative, les gens donnent mandat à des représentants pour qu’ils se mettent d’accord sur un certain nombre d’orientations politiques. C’est quelque chose que l’on connaît très mal depuis l’avènement de la 5ème République puisque tout était fait pour éviter que les parlementaires parlementent, y compris discutent avec le pouvoir exécutif. » (article cité)


Autrement dit, tentons d’imiter nos amis allemands dont la constitution impose ces négociations qui obligent les membres de la coalition qui brigue le pouvoir à s’engager à respecter les termes de la négociation qui leur en permet l’accès. 

Pour des gens plus habitués à faire des nœuds qu’à les défaire, apprendre ce genre d’exercice serait un exercice profitable.

lundi 8 juillet 2024

En toute modestie – Chronique du 9 juillet

Bonjour les fashion victimes ! 

 

Avez-vous complété votre garde-robe pour l’été ?

Non ? Il serait temps ! Alors voici le magazine Vogue qui vient à votre secours.

Vous pourrez y lire en effet cette information : « Après le tee-shirt à messages, accessoire manifeste utilisé pour exposer des missives publicitaires ou même politiques, calqué sur le retour des tendances des années 2000, c'est au tour de la chemise et du top brodés de faire son grand retour mode. » (Lu ici)

Et d’ajouter : « La chemise brodée a aussi fait une entrée remarquée. Mieux que le tee-shirt immaculé ou à messages, elle apporte à l'allure une touche fun et bohème pile dans la tendance du moment. »

 

Pour être plus explicite, voici une illustration du propos :

 

 

A gauche la chemise brodée d’Ermano Scervino, à droite celle de Max Mara 

 

… On dira ce qu’on voudra mais si on gagne en esthétique, on voit bien qu’en perdant le T-shirt à message, on perd aussi de l’originalité. 

J’aime en particulier ces T-shirt vantant le mérite de celui qui le porte – comme celui-ci :

 


Remarquez que ce T-shirt est vendu sur catalogue directement avec ce patronyme, qui est, vous l’aurez deviné, également le mien. Si l’on prend au sérieux cette proclamation, on doit noter qu’au minimum on a quelque chose à faire savoir aux autres à propos de soi-même - mais qu’en déclarant que l’on est presque parfait, on conserve la modestie sans la quelle cette proclamation serait vaine.