vendredi 31 mai 2024

Pour savoir, faut-il tout savoir ? – Chronique du 1er juin

Bonjour-bonjour

 

« Plus on en sait, moins on comprend. » : cet adage parait faire partie de la recherche fondamentale en génétique et en physique : la science marcherait-elle à reculons, du moins quant au domaine inconnu ? Chaque découverte serait alors payée du prix d’une extension du domaine ignoré.

 

- C’est ainsi qu’on apprend que le plus long génome connu appartient à une fougère néo-calédonienne qui dépasse de 50 fois le génome humain.

« Mais attention : on sait par exemple que le génome humain est composé d’environ 20 000 gènes codant les informations nécessaires pour produire des protéines, mais ceux-ci ne représentent seulement que 2 % de notre génome. À quoi servent les 98 % restants ? Une question à laquelle il est difficile de répondre quand on sait que la moitié d’entre eux ne sont que des copies de gènes existants, voire des copies de copies » (Art. cité)

Nous faisons de la science avec 2% de la connaissance du domaine étudié. Et ça marche !

- La validation de cette hypothèse vient de la physique fondamentale où la matière noire associée à l’énergie sombre étend à 95% le domaine inconnu. Voir ce schéma :

 


 

Le problème ne vient pas seulement de l’incertitude des résultats que la science parvient à obtenir : le succès des prévisions sont d'un certain point de vue au contraire des échecs, tous les laboratoires qui font de la physique fondamentale s’efforçant de faire craquer les modèles existants qui n’intègrent pas ces inconnues dans leurs prévision. 

Le problème est donc de savoir pourquoi ces expériences qui impliquent l’hypothèse de la matière noire et de l’énergie sombre ne bloquent pas le fonctionnement du modèle standard de la physique des particules.

- Selon la théorie poppérienne la science doit tenir compte des expériences cruciales qui en cas d’échec remettent un cause les hypothèses étudiées. Pourquoi donc l’ignorance de ces 95% de l’univers n’invalide-t-elle pas la connaissance des 5% restant ?

jeudi 30 mai 2024

« Nul n’est au-dessus des lois » - Chronique du 31 mai 2024

Bonjour-bonjour

 

La condamnation au pénal de Donald Trump, l’ex-président des États-Unis d’Amérique le rappelle : la loi s’applique à tous les citoyens américains, quelque soient leur fonctions ou leur fortune. 

 


Cette condamnation est si forte juridiquement que D. Trump n’a pu l’attaquer qu’en niant la légitimité des juges qui l’ont condamné : « juges corrompus, procès politique, la honte d’un pays démocratique ». Pour nous, français, la sentence qui rappelle que « Nul n’est au-dessus des lois » est particulièrement importante, puisqu’elle a porté la condamnation des privilèges d’ancien régime. 

Car la démocratie n’est pas seulement un pouvoir réparti également entre tous les citoyens, elle est aussi le refus de voir la volonté particulière d’un souverain, fût-il légalement élu, l’emporter sur la volonté générale. Les rois de France avaient ce pouvoir qu’ils exerçaient par les « lettres de cachet » leur permettant de faire enfermer leurs sujets selon leur « bon plaisir ».

Cette particularité de la démocratie ne déroge cependant pas à la logique du pouvoir souverain qui est de formuler des lois absolument universelles – et donc s’appliquant à tous les citoyens selon la volonté de celui qui détient le pouvoir suprême. La différence, on l’aura compris, tenant dans le fait que d’un côté il s’agit de la volonté despotique d’une seul individu et de l’autre de celle d'un peuple entier.

 

Toutefois si personne n’est au-dessus des lois, même celui qui a le pouvoir de les édicter, il n’en reste pas moins que ce pouvoir est quant à lui au-dessus de celles-ci. Car si le peuple de citoyens doit obéir aux lois, ces mêmes citoyens ont aussi le pouvoir de défaire la loi pour en édicter une autre éventuellement opposée. Sinon la souveraineté serait freinée par la volonté des juridictions antérieures. On l’a bien vu chez nous avec cette inscription du droit à l’avortement dans la constitution, empêchant son abrogation sans passer par une modification de la constitution qui réclame une majorité des 3/5ème des suffrages exprimés.

mercredi 29 mai 2024

La Corée du nord bombarde le sud – Chronique du 30 mai

Bonjour-bonjour

 

PQ, déchets, excréments d'animaux : La Corée du Nord envoie des ballons remplis d'immondices au Sud 

 

Ces photos montrent des ballons blancs transportant des sacs-poubelles remplis de détritus et ce qui semble être des excréments.

 

« Déchets, papier toilette et d'excréments d'animaux. Ce mercredi 29 mai, des médias ont rapporté que la Corée du Nord avait envoyé vers le Sud des ballons remplis d'immondices, dans le cadre d'une opération selon l'armée sud-coréenne. » (Lire ici)

Les actions du Nord « violent clairement les lois internationales et menacent sérieusement la sécurité de notre peuple », déclare l'état-major interarmées, qui affirme que certains des ballons contenaient des déchets.


- Cet étrange procédé pourrait constituer une réponse aux militants sud-coréens qui lâchent parfois des ballons transportant des tracts de propagande contre le pouvoir nord-coréen et de l'argent destinés aux personnes vivant au nord de la frontière.

- De la m*** en échange d’argent : voilà qui aurait ravi Sigmund Freud. Mais si ces bombardements paraissent être de la propagande, ce n’est certes pas pour propager la théorie psychanalytique, mais bien pour faire connaitre l’idée que le Nord se fait du Sud.


- Pour nous qui ne sommes pas coréens, le message porte plutôt sur la révélation de l’état dans lequel nous mettons la planète, à savoir qu’elle est tellement saturée d’immondices que ceux-ci nous reviennent par un effet boomerang.

Ce « retour à l’envoyeur » se produit dès maintenant sans aucun procédé artificiel, par le simple effet de la mondialisation : le CO2 produit ici s’échange avec celui qui est produit en Chine ou ailleurs, mais c’est toujours du CO2.

mardi 28 mai 2024

Pénis de Titan : et en plus, il pue – Chronique du 29 mai

Bonjour-bonjour

 

"Pénis de Titan" : c’est le nom donné à cette fleur gigantesque qui n’apparait que tous les trois ans et qui a une odeur putride. Et pourtant elle attire les foules.

 


S’agit-il d’un engouement suscité par l’imagination d’un véritable pénis gigantesque et érigé de façon solitaire ? Son odeur nauséabonde serait-elle pour quelque chose dans l’imagination d’un rapport entre l’organe mâle et la puanteur ?

Quelque chose, je ne sais quoi me retient sur cette pente. Et me voilà tenté de philosopher sur l’appréciation des odeurs selon qu’elles sont perçues comme étant bonnes ou mauvaises. 

Et je me rappele alors aussi du livre d’Alain Corbin « Le miasme et la jonquille » où il étudie l’évolution au 17ème-18èmesiècle de la valeur des odeurs. Le siècle de Louis XIV, jugé un sommet de la civilisation ne brille pourtant pas pour son raffinement en matière d’odeurs. Etaient alors appréciés le musc et la civette qui sont exécrables pour nous aujourd’hui (1).

- Mais le cas du pénis de Titan nous rappelle que ces odeurs sont appréciées en raison de leur fonction attractive ou répulsive. Le « parfum » de la civette, nous l’avons vu (cf. note infra) est là pour écarter les prédateurs supposés effarouchés par sa puissance. En revanche imitée par le Pénis de Titan elle est là pour faire venir les insectes pollinisateurs qui sont supposés attirés par cette odeur.

Le parfum un donc rôle bien précis pour attirer ou pour repousser.

- Et c’est là que je comprends mon trouble lorsqu’il s‘agit de juger du caractère nauséabond de l’odeur du pénis : c’est qu’on se demande « ... et si c’était là juste pour attirer les femelles ? »

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(1) Wikipédia précise : « L'odeur de la civette provient de la civettone, substance contenue dans un liquide blanc produit par les glandes anales de tous les Viverridae. Ce liquide possède à l'état brut une odeur très forte, avec des relents d'excréments, » : pas attirant… Toutefois le même article nuance : « Mais une fois dilué il dégage une odeur de musc et de fleur »

lundi 27 mai 2024

Des éditeurs remplacent leurs traducteurs par l'IA - Chronique du 28 mai

Bonjour-bonjour

 

Votre BD, ou votre livre acheté au kioske de la gare sont des ouvrages traduits par une machine IA. Est-ce que ça vous gêne ? (Lire ici)

Même si une œuvre littéraire ne risque pas pour le moment de subir le même sort (imaginez les ouvrages d’Elfriede Jelinek, le Nobel autrichien, traduits comme cela) nombre de livres le sont déjà au point que les traducteurs humains perdent peu à peu leur emploi.

Mon avis ? Il importe peu sauf à dire qu’il illustre une réaction générale. Je dirai donc que pour moi, la seule question est de savoir si les traducteurs humains faisaient mieux que les machines.

Parce que c’est là la vraie question : lorsque les métiers à tisser se sont mis à fabriquer de la dentelle aussi belle à regarder que les dentelles courantes des vêtements pas chers, pourquoi aurait-on privilégié les dentelières « humaines » ? Quand je lis les infos-Google, mal rédigées et bourrées de fautes d’orthographe, je me dis également que ces pigistes peuvent bien aller pointer au chômage alors que les machines prennent leur relai : ce n’est pas que la machine soit géniale, c’est que les hommes sont mauvais.

Encore une fois, ces machines inventées par les hommes ne les dépassent pas substantiellement : Proust restera intraduisible par l’IA, mais aussi difficilement traduisible par des traducteurs professionnels. L’IA est un défi lancé à la capacité créatrice des hommes : si c’est pour faire la même chose qu’avant, l’IA devient une concurrence menaçante ; mais si c’est pour inventer de nouvelles œuvres, alors les hommes supplantent les machines. C’est vrai depuis que les machines existent et personne ne s’en est vraiment ému, sauf quand les canut lyonnais ont jeté dans le Rhône les métiers à tisser mécanique qui les mettaient au chômage. Mais la vérité oblige à dire que ce ne sont pas les canuts qui ont finalement gagné.

« Tu ne tueras pas sauf si… » – Chronique du 27 mai 2024

Bonjour-bonjour

 

Y a-t-il un comportement humain qui échappe au droit, que la loi ne réglemente pas, sachant que réglementer peut aussi dire « interdire » ?

Eh bien non ! Même de l'interdiction, la guerre est exempte : il n’est pas interdit de faire la guerre à un autre pays, et c’est même l’objet d’une légalité spécifique : il y a un droit de la guerre, comme il y a un droit du travail. 

- Mais si la guerre est légale, néanmoins certaines de ses modalités ne le sont pas. Il y a donc des « criminels » de guerre, ce qui signifie que tout le monde ne l’est pas nécessairement en allant tuer des hommes sous un uniforme.

Tuer des hommes est donc possible sans offenser la loi ? « Tu ne tueras pas » connait donc des exceptions, au point qu’il faudrait réécrire sur ce point le décalogue : « Tu ne tueras pas sauf si tu es un soldat qui obéit aux ordres »

En Israël, les intégristes religieux refusent cette exception, mais plus généralement elle constitue l’enfreinte d’un tabou majeur qui déstabilise les anciens combattants, au point qu’il ait fallu, après la fin de la guerre de Corée, retenir les soldats démobilisés dans des camps avant de les rendre à la vie civile, le temps de les réhabituer à la civilisation.

 

- Alors certes, si la guerre est légale, il reste interdit d’enfreindre le droit, dès lors que l’adversaire n’est pas directement concerné. Ainsi durant la Grande guerre, les soldats ne pouvaient saisir des ressources alimentaires sans donner un dédommagement aux paysans.

Mais hélas ! à la guerre, tuer n’est pas le seul crime qui soit permis : peut-on avoir le devoir de tuer autrui sans se sentir autorisé à commettre d’autres crimes ? La pillage sévèrement interdit est-il si sévèrement réprimé ? Ces dédommagements dont nous disions qu’ils étaient donnés en échange d’une saisie, auraient-il été consentis en territoire ennemi ? Plus généralement, quelles sont les limites de la légitimité quand on sait que des viols peuvent être commis « légitimement » dès lors qu’il s’agit démoraliser l’adversaire ?

Le droit international s’efforce de poser ces limites et de les faire respecter : la CPI porte des incriminations de dirigeants dès aujourd’hui pour les actes horribles commis depuis le 7 octobre au Moyen-Orient. 

On en cherche encore les effets positifs.

samedi 25 mai 2024

C’est toi, maman, la plus belle du monde – Chronique du 26 mai 2024

Bonjour, chers petits amis.

Aujourd’hui vous allez, offrir à votre maman un joli dessin sur lequel vous aurez écrit « Maman je t’aime ! », ajoutant en dessous « A la plus jolie maman du monde »


Si vous êtes un garçon, ça passe encore. Mais si vous êtes une fille, alors gare à la secousse. Car rappelez-vous de Blanche-Neige : n’était-elle pas en compétition avec sa maman pour savoir qui était la plus belle ?

« Miroir, mon beau miroir, dis-moi, quelle est la plus belle ? » disait la Reine dans le conte de Jacob et Wilhelm GRIMM intitulé « Blanche-neige »


« Blanche neige est un drame de la vie quotidienne transfiguré par le conte, qui met en scène dans le merveilleux et le narratif un traumatisme de la vie infantile et sa résolution » : on aura reconnu la référence à la Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim. Ici nous nous intéressons à un fragment de cette histoire : les démêlées de la reine mère avec sa fille, où le traumatisme est pour l’adulte et non pour l’enfant.

 

La reine, mère de Blanche-Neige, veut chaque jour la confirmation de sa beauté, et elle questionne pour cela son miroir. Elle veut que ce Maître du reflet la confirme dans la certitude de sa beauté ; que cet émerveillement qu’elle suscite soit, en plus, une réalité objective, définie par Celui qui possède la science des apparences.

 

Mais la reine ne se contente pas d’être belle ; elle veut être « la plus belle », et on sait que le drame de Blanche-Neige est d’être devenue plus belle qu’elle. On devine ici le drame familial que constitue la rivalité mère-fille : la mère veut être la référence absolue, indépassable, essentielle. Mais elle ne peut l’être que si sa fille ne reste, au mieux, que l’imparfaite copie du modèle qu'elle constitue ; et du jour où cette enfant devient une femme adulte autonome, vivant à sa manière sa propre vie, de ce jour-là tout s’effondre pour elle.

 

Il ne s’agit donc pas, dans la vie quotidienne, de savoir si la fille est « plus » que la mère ; car il suffit qu’elle soit autre pour qu’elle perdre son rôle de modèle. Supposons que Blanche neige soit un laideron. La méchante reine pourrait triompher d’elle facilement ; le Miroir la désignerait toujours comme étant la plus belle. Mais que Blanche neige lui dise : « Mère, vous êtes plus belle que moi, c’est vrai. Mais vous êtes aussi une vraie gourde, vous faites des fautes de français à chaque mot, et mes amis - étudiants de Harvard - se tordent de rire à chaque fois que je leur raconte vos bourdes. » ; on la verra s'effondrer.

 

… Chers petits amis, sur votre joli dessin ajoutez donc plutôt « À mon incomparable maman »

vendredi 24 mai 2024

Le comte de Monte-Cristo débarque sur la Croisette – Chronique du 25 mai 2024

Bonjour-bonjour

 

Après les Misérables, et plus récemment les Trois mousquetaires, voici une nouvelle adaptation du Comte de Monte-Cristo avec la brillante distribution qu’on trouvera ici.

Après l'avoir annoncé avec dédain, les critiques de Télérama sont revenus (une fois n’est pas coutume) sur leur désaveu : « On reste toujours aussi dubitatifs quant à la nécessité de porter à l’écran pour la trente-neuvième fois (au moins) le destin tragique d’Edmond Dantès – mais, au vu de l’engouement suscité à Cannes mercredi soir par la projection du film hors compétition, on semble bien les seuls… »

 

- D’où cette constatation : oui, refaire vivre une histoire archiconnue comme celle-ci, c’est quelque chose qui répond à une demande du public. Au point que, pour faire une comparaison dont on nous pardonnera la démesure, je rappellerai le succès constamment renouvelé des adaptations indiennes du Mahabharata, spectacle qui dure des heures, voire des jours et qu’un public attentif, capable de réciter chaque vers de ce poème fleuve (80000 strophes réparties en 18 livres) suit avec ferveur.

Et au fond si l’histoire ne réserve plus aucune surprise, le spectacle n’en est pas moins une source d’émotions constamment renouvelées. C’est ainsi que, de même que dans Don Giovanni – l’opéra de Mozart, les scènes où Don Juan opère ses séductions ont toujours la même puissance captatrice, les moments forts où Edmond Dantès est jeté en prison et celui où il retrouve Mercédès ont toujours le même pouvoir émotionnel. L’émotion ne s’émousse pas à la différence de la curiosité intellectuelle.

 

- On reprochera quand même la volonté de faire une nouvelle mouture de cette histoire : le critique de Télérama, qui doit être bien informé, en a dénombré 39 : pourquoi une 40ème ?

Eh bien je suppose que ce renouvellement c’est ce qui introduit le cinéma dans le spectacle vivant. Faire que les acteurs qui font vivre ces personnages soient eux-mêmes vivants et non des anciennes gloires de la Comédie Française, c’est cela qui produit la nouveauté de ce spectacle nécessairement ancien : ce pourquoi le cinéma se rapproche du théâtre.

jeudi 23 mai 2024

Milei : un Mélenchon à la puissance 10 – Chronique du 24 mai 2024

Bonjour-bonjour

 

Que doit-on penser du gouvernement mis à la tête de l’Argentine sous la présidence de Javier Milei depuis le 10 décembre dernier ?

Si j’en crois cet article, après avoir crié à l’attentat à le Nation argentine et à la menace sur la vie du peuple argentin, les résultats sont à la fois surprenants et balancés. 

- Ainsi des résultats très positifs en matière d’économie ont été enregistrés : baisse des déficits publics et de la dette, diminution de l’inflation, 50% des réformes structurelles abouties… Mais aussi casse sociale, avec la pauvreté, le chômage, le manque de soins, tout cela est vrai. Toutefois Javier Milei garde une bonne image de dirigeant dans le pays : « Un sondage de l’institut Proyeccion Consultores de début mai crédite Milei de 50,2 % d’opinions favorables (contre 38,7 pour Kirchner). Pour 53 % des sondés, Milei tient ses promesses ; pour 52 % il a un plan cohérent ; pour 49 % il est honnête ; pour 47 % il est crédible ; mais seuls 38 % lui accordent une stabilité émotionnelle et un sens du dialogue et à peine 35 %, de l’empathie pour les milieux sociaux les plus vulnérables. » (Article cité)

L’Argentine va mieux – mais les argentins vont mal, tel est la conclusion qu’on pourrait risquer, sauf que les argentins qui votent pour Javier Milei sont dans le secteur « dérégulé » (= entendez qu’ils travaillent au black) sans aucun secours de l’État, ni aucune garantie sur leur emploi. Milei, pour eux, ça n’empire pas leur situation.

 

Bref : et nous, dans tout ça ? Serions-nous également susceptibles de subir sans secousses monstrueuses de telles réformes ? Pourrions-nous avoir comme président un homme aussi radical et aussi hystérique que lui ? Une sorte de Mélenchon puissance 10 ?

mercredi 22 mai 2024

" Je " est un autre – Chronique du 23 mai 2024

Bonjour-bonjour

 

On peut lire dans cet article les découvertes concernant le mécanismes de la mémoire, comment le cerveau trie, organise et conserve les souvenirs parmi la totalité des perception récentes. Où l’on voit comment notre cerveau agit de façon tout à fait raisonnée tandis que notre conscience s’est éclipsée dans le sommeil. Or, celle-ci est bien le siège de notre personnalité, de notre moi, du fameux « Je pense » cartésien.

- Pour le dire de façon poétique il faudrait comme Rimbaud, affirmer : « Je est un autre ». Développant sa pensée, le jeune poète poursuit : « Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bond sur la scène ». Je suis à moi-même objet de perception, pendant que le sujet de l’action est décentré dans ce « remuement des profondeurs ». On peut d'ailleurs, ajouter Nietzsche : « Une pensée vient non quand « Je » veut, mais quand « Elle » veut » (Par-delà le bien et le mal – 1886)

- Alors bien sûr les philosophes soutiendront mordicus « qu’il n’y a pas de pensée ne nous, sinon par l’unique sujet « Je » (Alain – Éléments de philosophie).

Alain a raison : l’inconscient freudien n’est pas un autre Moi ; reste que, si le travail de la pensée implique un recentrement et un jugement, il n’est pas une production. Dans la lettre qu’on vient de citer, Rimbaud ne disait pas autre chose : « La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. Dès qu’il la sait, il doit la cultiver (…). ». 

- Bref : la science du cerveau, à travers son imagerie confirme ce que les poètes savaient depuis longtemps. Mais comment s’en étonner si l’on songe que notre cerveau est à lui-même son plus proche objet d’étude ? Pas besoin de lunettes pour l’observer.

mardi 21 mai 2024

Déclin de la population : un phénomène mondial – Chronique du 22 mai

Bonjour-bonjour

 

L’info détaillée est à lire ici, mais la leçon est fort claire : la démographie mondiale permet de faire des projections montrant qu’à l’échelle du siècle à venir la population sera en baisse partout dans le monde – ne permettant parfois plus son renouvellement.


- A quoi attribuer ce phénomène mondialisé ?

- Réponse : « L’éducation, le meilleur contraceptif – Depuis des décennies, un meilleur accès aux moyens de contraception et l’éducation des femmes entraînent une diminution du nombre de grossesses à l’échelle mondiale. »

« Plus les gens sont éduqués, plus on s'attend à ce que la fécondité baisse » nous dit Michaël Boissonneault (professeur à l’Université de Montréal)

 

Bien sûr des raisons économiques particulières accompagnent cette explication. Mais les faits restent les mêmes : tout se passe comme si l’évolution technologique donnait durablement le cap qui va vers une réduction de la fécondité humaine. La maitrise de la nature nous donne finalement à la maitrise des variables humaines, celles du moins qui entrainent un reflux de la natalité.


 

La population est une donnée productive parmi d’autres et elle évolue selon le même schéma : lorsqu'elle n'est plus suffisante, il faut aller chercher ailleurs ce qui ne se trouve plus chez soi. Autrefois le fer et la houille venaient de nos bassins miniers, maintenant ces ressources viennent de pays étrangers. De la même manière, les migrants sont nécessaires aujourd’hui pour faire tourner notre économie privée de la main d’œuvre locale ; mais voilà qu’un jour (prochain) le dépeuplement de ces pays sera tel qu’ils ne pourront plus permettre à leur population d’émigrer.

Oui, ces chiffres nous le prouvent : nous autres humains, avons les mêmes besoins et les mêmes ressources. Nous sommes en compétition mondiale pour cela et viendra le moment où les échanges économiques ne pourront plus s’effectuer du fait de la pénurie.

Il faudra alors beaucoup d’imagination pour inventer des alternatives à la guerre.

lundi 20 mai 2024

L’homophobie est-elle une opinion ? – Chronique du 21 mai

Bonjour-bonjour

 

Consultant pour Prime Video, l’ancien footballeur Jimmy Briand a défendu l’attaquant nantais Mostafa Mohamed qui a refusé de paraitre sur le terrain en portant le badge « Homophobie-Football » barré : 

 


Jimmy Briand a commenté ainsi son absence de l’équipe avant le début de la rencontre opposant l’AS Monaco à Nantes dimanche : « Il faut respecter. Chacun a le droit d'avoir ses convictions. C'est ça aussi le respect, c'est de respecter les gens qui ont d'autres convictions ». (Lire ici)

Traduction : il faut respecter les homophobes, parce que ce sont des gens qui ont simplement « d’autres convictions » : ils ne doivent pas traduire leurs convictions homophobes en agressions interdites par la loi ; en revanche leurs opinions homophobes sont protégées par le droit de chacun à la liberté d’opinion. Vous considérez que l’homosexualité est un comportement comme un autre : c’est votre droit ; lui ne le supporte pas, c’est aussi son droit. On ne saurait être plus clair.

 

Tout ça n’a rien de très nouveau : à la suite de la guerre contre le Hamas on a retrouvé ce discours aux Etats-Unis dans la crise des universités, où ceux qui réclament la disparition de l’État d’Israël sont considérés comme protégés par la liberté d’expression ; et bien avant lors de la criminalisation des opinons antisémites. C’est en 1946 que Sartre a publié dans son petit opuscule « Réflexions sur la question juive » une célèbre analyse où il démontre que l’antisémitisme est déjà un crime même quand il n’existe encore qu'en paroles. Car ces paroles sont des appels à la haine, à la violence - et pour finir au meurtre.

- Refuser de distinguer les opinions, qui ne sont que des façons de juger le monde, de celles qui appellent au meurtre de certaines personnes, ce n’est donc pas très nouveau. Mais qu'il faille encore en 2024 protéger des hommes et des femmes contre ces crises de haines est plus qu’inquiétant : on n’en finira jamais donc avec la haine ?

dimanche 19 mai 2024

Ces pays où la loi vous interdit de mourir – Chronique du 20 mai

Bonjour-bonjour

 

Lu ceci : « Que ce soit parce qu’il y fait trop froid pour que votre corps se décompose ou parce que cette zone ne dispose pas des infrastructures nécessaires… mourir peut bel et bien être interdit par la loi.

Ainsi de Svalbard, Norvège, où l’on interdit les enterrements en raison du permafrost qui empêche la décomposition des corps. À Miyajima, au Japon, on interdit naissances et décès pour préserver la pureté sacrée de l'île, en raison du manque d'infrastructures médicales.

Du côté de la France, en 2007 à Cugnaux, le maire, Philippe Guérin, avait pris un arrêté municipal qui interdisait à toutes personnes de mourir sur le territoire de la commune, car le cimetière était surchargé. Étaient exemptés les individus ayant déjà un caveau familial à disposition. 6 mois plus tard, la préfecture a annoncé la construction d’un nouveau cimetière et tout est rentré dans l’ordre. » 

 

Surcharge d’un cimetière à Hayange (Lors du tournage de « Leurs enfants après eux ») 

 

Il est amusant de constater la contradiction portée par d’une loi interdisant de mourir, car en cas de refus d’obéissance, qui payera l’amende ? La mort qui met un terme aux poursuites judiciaires peut-elle être elle-même l’objet de sanctions ?

Il est une autre contradiction qui consiste dans le fait que les morts doivent laisser la place aux nouveau-nés : comment faire dans un lieux où personne ne mourait, pour accueillir les naissances ? On voit que seuls le japonais de Miyajima affrontent le problème en interdisant aussi les naissances.

Occasion de le rappeler : mourir est une forme de solidarité à l’égard des nouvelles générations. Vous-même, y avez-vous songé ? Je veux dire : avez-vous remercié vos grands parents pour être mort à temps pour vous laisser la place ? Et plus généralement, avez-vous remercié les fauteurs de guerre qui ont fait place nette pour votre génération ? 

Les boomers ne l’ont pas fait, je sais.

Mais ils auraient dû.

samedi 18 mai 2024

Décoré pour avoir tué – Chronique du 19 mai

Bonjour-bonjour

 

La tentative d’incendie volontaire de la synagogue de Rouen qui s’est soldée par la mort de l’incendiaire qui menaçait les policiers de son couteau a été largement relayée dans les médias ; on ajoutera que c’est après des sommations réglementaires que le policier menacé a « neutralisé » l’individu de quatre balles dans le corps.

On notera au passage les litotes dont le vocabulaire administratif est truffé. Ici on ne parle pas de tuer mais de « neutraliser » ; on ne dit pas que le policer a déchargé son revolver sur l’individu menaçant, mais qu’il « aurait fait usage de son arme à cinq reprises, touchant l’individu quatre fois ». 

- Ces précautions de langage sont elles là pour masquer la réalité ?

Sans doute car on apprend également que le policier qui a « neutralisé » (donc = tué) l’individu sera décoré par Gérald Darmanin pour avoir fait son devoir avec sang-froid et conformément à sa définition.

Décoré pour avoir tué : cet épilogue pourrait susciter la réflexion : certes dans la police on ne peut pas être missionné pour tuer, mais on peut avoir l’ordre de le faire sous réserve que la vie du fonctionnaire soit gravement menacée et de façon proportionnée. Dont acte.

- Reste que si monsieur Darmanin s’empresse de décorer ce policier c’est pour faire taire les critiques qui s’élèvent déjà : ce policier aurait dû effectivement faire usage de son arme, mais seulement pour immobiliser l’individu qui le menaçait et non le tuer. On met alors en cause la façon dont les policiers seraient entrainés au tir sur des cibles qui présentent spécialement les zones létales du corps, et non les jambes comme ce serait nécessaire pour éviter la mise à mort.

A quoi donc ressemblent ces cibles ?

 


 

La zone à viser pour avoir le maximum de point : le cœur ; sinon : entre les deux yeux.

 

vendredi 17 mai 2024

Je dis ça, je dis rien – Chronique du 18 mai 2024

Bonjour-bonjour

  

En Italie une série de miracles attribués à une statuette de la Vierge Marie, notamment celui de faire grossir une pizza, ont été dénoncés comme faux par le Vatican qui, dans la foulée a promulgué une mise à jour de la doctrine concernant les événements surnaturels, tels que les visions ou les miracles, en reconnaissant notamment que l’imagination débordante et le « mensonge » risquaient de nuire aux fidèles. (À lire ici)

- Des miracles seraient des mensonges ? Comment ça ?

Déjà on ne voit pas ce qu’il y a de choquant à croire que des pizzas grossissent de façon miraculeuse : le Christ lui-même n’a-t-il pas multiplié les pains ?

Mais peut-être s’agit-il de l’attribution jugée fantaisiste de ce miracle à une statue de la Vierge ? Dans ce cas il faudra dénoncer les miracles qui soulèvent la foi en Italie, avec toutes ces statues  qui pleurent des larmes de sang chaque vendredi saint ?


Notre-Dame de Lourdes


- Le Vatican habitué à la prudence fait de nouveau preuve de mesure pour faire passer son message sans faire de vagues.

Le cardinal Victor Manuel Fernandez s’est appliqué à gommer la frontière entre le miracle et les fantaisies humaines : « Dans certaines circonstances, tout n’est pas noir ou blanc … Parfois, une possible manifestation divine se mêle […] à des pensées et des fantaisies humaines ». On a donc une nouvelle catégorie de phénomènes paranormaux à propos des quels le Vatican prononcera un « Nihil obstat » indiquant que rien, dans le phénomène rapporté, n’est contraire à la foi et à la morale. Les fidèles peuvent donc « adhérer » à l’idée qu’il s’agit d’un phénomène surnaturel, mais il ne s’agit pas d’une déclaration officielle d’authenticité, qui est généralement à éviter en vertu des nouvelles règles, à moins que le pape ne l’autorise.

Bref, c’est sans doute de la couillonnade, mais « Moi, je dis ça, je dis rien »

jeudi 16 mai 2024

Le « congé malheur » - Chronique du 17 mai 2024

Bonjour-bonjour

 

L’idée que le bonheur au travail est déterminant pour les performances dans l’entreprise est familière car réitérée de temps autre. Par contre, la prise en compte du malheur, ou du moins de ces matins où, même quand on aime son job, il est bien difficile de sortir du lit et de démarrer sa journée, est moins fréquemment prise en considération – je dirai même pas du tout. C’est pourtant de Chine que vient l’information qu’il est possible de rester chez soi les jours où ça ne va pas.

« Nul besoin d'avoir un fond dépressif pour connaître ce genre de sentiment, qui peut s'expliquer par un excès de fatigue ou une accumulation de mauvaises nouvelles – et qui peut aussi débarquer sans prévenir ni raison apparente. L'idée du « congé malheur » est d'autoriser les employés à s'absenter en cas de besoin sans avoir à entrer dans les détails lorsqu'ils en font la demande à leur supérieur » (Lire ici

Cette mesure nous vient de l'exemple de la chaîne de supermarchés Pang Dong Lai, situés dans la province chinoise du Henan. « The Independent explique que son patron, Yu Donglai, a mis en place un système permettant à ses employés de prendre jusqu'à dix jours de congés par an, destinés aux moments où ils ne se sentent pas heureux ». Yu Donglai, le chef de l'entreprise poursuit : « Nous connaissons tous des moments pendant lesquels nous ne sommes pas heureux et donc, si vous n'êtes pas heureux, ne venez pas au travail. » (Article cité)

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Bien sûr il n’est pas sûr que 10 jours de mise en retrait par an suffisent à dissiper les nuages qui assombrissent la vie quotidienne. Mais cette mesure exceptionnelle éveille quelques remarques.

    - On observe d’abord que, si les entreprises s’impliquent dans le bonheur de leurs employés par des mesures de management, en revanche elles ne peuvent que s’effacer lorsqu’ils sont malheureux. Ce n’est pas que chasser la tristesse de la vie au bureau soit inimaginable, mais pour la surmonter on ne peut se contenter de petites taches de joie ici ou là.

    - D’autre part pour la première fois il est reconnu qu’on ne peut travailler correctement si l’on est malheureux.

    - Il en résulte que, du côté de l’entreprise, la mise en retrait est la seule mesure valable. On ne dit pas que ça va aller mieux grâce à ça, mais on prend acte que tristesse et emploi ne sont pas compatibles.

Cette seule observation devrait suffire à faire réfléchir les philosophes.

mercredi 15 mai 2024

Le peuple néo-calédonien existe-t-il ? – Chronique du 16 mai 2024

Bonjour-bonjour

 

Certains déplorent que le calme établi depuis 40 ans en Nouvelle-Calédonie soit rompu avec les émeutes de ces jours-ci. On peut certes se demander si ce calme était véritablement authentique, mais on peut aussi s’étonner qu’il ait été rompu à l’occasion d’une modification du code électoral néo-calédonien visant un « dégel » : « Le mois dernier, des milliers de personnes se revendiquant "loyalistes" avaient défilé pour étendre le droit de vote. Le gouvernement souhaite mettre fin au gel du corps électoral, adopté il y a 26 ans. Ce texte empêche toutes les personnes arrivées depuis 1998 de voter. Gérald Darmanin souhaite y mettre fin. Le ministre de l'Intérieur y voit "une obligation morale pour ceux qui croient en la démocratie" » nous explique la presse. (Lue ici)


Ceux qui s'opposent à cette modification et qui ont défilé lundi dernier estiment que ce dégel réduirait l'influence du peuple kanak : s'il passe, « il éteindra la lutte du peuple kanak », prévient une manifestante. Les députés ont pourtant entériné cette décision hier en vue d’un vote en congrès à Versailles à la fin du mois prochain.

Autrement dit, alors que le peuple autochtone, qui s’estime le seul légitime, voit ses effectifs stagner, le reste de la population se développe par l’immigration, soit métropolitaine soit océanienne, minorant du même coup la place qu’il peut prendre dans les décisions votées par l’Assemblée de Nouméa.

On peut y voir une lutte d’influence dans le combat démocratique, les Kanaks s’estimant à titre de « peuple autochtone » le seul légitime pour exercer le pouvoir sur ce qu’ils estiment être leur territoire. Mais on peut y déceler aussi la fracture qui empêche le peuple néo-calédonien d’exister comme une entité souveraine. Car même dans l’hypothèse où la Nouvelle-Calédonie serait une fédération, il faudrait quand même que chacune de ses composantes soit unanime pour reconnaitre l’existence d’un État souverain au sein du quel ces différentes entités viennent prendre place : en démocratie, un État suppose toujours une unanimité inaugurale sans laquelle aucune décision ne peut être reconnue légitime. Nous acceptons d’obéir aux lois prise à la majorité parce que nous acceptons cette légitimité. Si une région considère qu’elle ne peut plus faire partie du peuple souverain, alors elle doit faire sécession – ainsi de la Corse dont les indépendantiste cherchent à rompre les amarres avec la « métropole » : définition d’un territoire sur lequel les lois de la République n’auraient plus cours ; reconnaissance de la langue corse comme langue officielle ; attribution de droits spéciaux aux autochtones ; corpus de lois conformes aux coutumes. 


- Bref : le peuple Néo-calédonien existe-t-il vraiment, ou bien faut-il admettre qu’il est scindé en deux – voire en trois – parties constituant autant d’entités souveraines ? Ce problème doit être résolu à Nouméa et non à Paris, sauf à prétendre que la France se comporte toujours comme une puissance coloniale.

mardi 14 mai 2024

Un passé qui ne passe pas – Chronique du 15 mai 2024

Bonjour-bonjour

 

Festival de Cannes : neuf femmes accusent Alain Sarde, un important producteur de cinéma français, de les avoir violées ou agressées sexuellement. Les faits dénoncés remonteraient pour la plupart aux années 1980 et 90. Lire ici un compte-rendu.

Comment comprendre que, plus de 40 ans après les faits, ceux-ci soient encore chargés d’émotion et de souffrance, au point que les victimes en soient éprouvées comme si leur agression avait été commise il y a quelques mois ? 

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Philosophiquement on distingue deux formes de passé : celui qui vient juste de s’écouler et qui reste confondu avec le présent – qui appartient donc encore à la durée présente. Et puis celui qui est connu comme appartenant au domaine du « déjà-plus », n’ayant pour existence que le fragile support de la mémoire. Le passé « qui est passé » n’est pas celui qui est en cause dans le cas des traumatismes de l’agression, sexuelle ou autre. Ce passé-là, c’est celui qui « ne passe pas ».

Or, voilà que le monde peut changer durant ces périodes longues, déplaçant la frontière entre le tolérable et l’intolérable. Car en même temps que la durée change, le monde des valeurs peut changer aussi, admettant parfois l’aliénation de soi-même en fonction d’avantages négociés ; ou au contraire le refusant par respect pour la personne humaine. 

 

Se superposent alors deux temporalité : celle du traumatisme, qui étend le présent sur la période qui va de l’agression à aujourd’hui ; et puis celle de ces valeurs qui, contrairement à ce qu’on imagine, peuvent être considérées parfois comme provisoires. C’est ainsi que les valeurs peuvent parfois avoir une durée d’existence fort courte, alors que pourtant elles sont ressenties comme impérissables.

Voilà une des raisons qui explique que la période #metoo que nous vivons actuellement soit si dérangeante : à l’époque des faits, leur gravité était toute relative : après tout c’est comme une coutume, quelque chose que l’on doit subir comme les rites initiatiques dans les populations premières. Que les femmes en soient les victimes, c’est peut-être regrettable : mais la coutume est de le supporter comme un mal qui ne doit pas tirer à conséquence. 

On peut aussi tolérer ces agressions à condition qu’elles soient liées à une sorte de contrat : on a même inventé pour cela une expression : la promotion canapé : canapé, hélas ! Mais promotion quand même.

- Oui, mais les valeurs de droits de l’homme, l’intégrité de la personne humaine, de sa liberté, vous n’allez pas dire que c’est négociable, et que pour le prix d’un rôle au cinéma on peut violer une femme, et qu’elle n’a plus qu’à fermer les yeux sur sa souffrance.

C’est que l’extension du présent sur le passé entraine la choc des valeurs : celui relatif, des intérêts qui mettent en présence des individus inégaux ; et puis celui, éternel, du sujet humain dont personne ne doit oublier la prééminence.

C’est cet oubli que le mouvement #metoo révèle au grand dam des oublieux.

lundi 13 mai 2024

Au Japon, les bébés qui pleurent grandissent le plus vite – Chronique du 14 mai

Bonjour-bonjour

 

Voyez cette photo montrant un sumotori amateur tenant un bébé lors du concours traditionnel de cris de bébé :

 


 

Un sumotori amateur lors de Nakizumo, en avril dernier. Issei Kato / REUTERS

 

Je le découvre en même temps que vous : au Japon ont lieu des affrontements qui ont pour objet de récompenser … les cris de bébés.

 

Il s’agit d’un festival japonais annuel au cours duquel des bébés sont tenus dans les bras de lutteurs de sumo dans un ring de sumo en plein air. Deux bébés s'affrontent dans un court match dans lequel le premier enfant à pleurer est proclamé vainqueur. Selon le folklore japonais, un bébé qui pleure a le pouvoir d'éloigner les mauvais esprits, tandis qu'un cri fort indique que l'enfant grandira fort et en bonne santé. L’objectif principal du festival Nakizumō est, grâce à des prières rituelles, de favoriser la bonne santé de chaque bébé ; un proverbe japonais affirme même que les bébés qui pleurent grandissent le plus vite.

Les concurrents éligibles doivent être âgés de 6 mois à 18 mois au moment du festival. Environ 100 bébés concourent chaque année et les parents doivent parfois traverser le Japon en entier pour trouver un sanctuaire disponible. Façon de le dire : ce sont les parents eux-mêmes qui font effort pour faire participer leur bébé à cette cérémonie. (Sur tout cela, lire ici)

 

L’idée que j’en retiens est que les pleurs des enfants sont interprétés de façon très différentes selon les civilisations. On l’a dit, pour le Japon traditionnel les pleurs sont des indices positifs marquant la bonne santé de l’enfant et pouvant attirer la bienveillance des divinités. D’ailleurs, lors du festival Nakizumo des rituels très particuliers (voir l’article référencé) ont lieu montrant que rien de profane n’intervient lors de ces affrontements – mais ne peut-on pas dire que des traumatismes peuvent néanmoins affecter ces bébés ? Devant la cruauté potentielle de telles pratiques on se demande pourquoi ce pays si soucieux de préserver la santé de chacun tolère de telles manifestations, même si la tradition vient d’un lointain passé.

 

Oui – le problème est là : non pas de savoir si les larmes des enfants sont des indices de traumatismes, mais plutôt pourquoi des traditions si contradictoires avec les règles actuelles continuent d’être respectées et pratiquées. Mais peut-être ferions-nous bien de nous regarder nous-mêmes : voyez le sérieux avec le quel on continue de prescrire et de prendre de dilutions homéopathiques ; dilutions qui sont telles que pour comprendre leur action il faudrait commencer par rejeter un bon nombre de lois de l’univers.

Au fond, ça ne nous trouble pas plus que ça.