jeudi 21 novembre 2024

Hercule en a un tout petit – Chronique du 22 novembre

Bonjour-bonjour

 

Tout au fond du parc du château de Vaux-le-Vicomte, en Seine-et-Marne, on peut admirer l’immense statue d’Hercule : silhouette athlétique, torse bombé, muscles saillants. Son corps est idéalisé, tout est bien proportionné sauf… son sexe qui est minuscule. 

 

Voici une des innombrables copies de cette statue intitulée « Hercule Farnèse » :

 


On y voit un Hercule fatigué s’appuyant sur sa massue. Dans sa main, cachée derrière son dos, les pommes du jardin des Hespérides. Il est doté d’une musculature impressionnante et … d’un micropénis.

Ce micropénis est-il une particularité anatomique propre à Hercule ? Non. Toutes les autres statues antiques sont au même régime pénien. Les grecs ont systématiquement doté leurs statues masculines d’organes virils plus petits que nature, façon de valoriser la tempérance sous le règne de la raison, par opposition au « gros sexe » des satyres qui sont supposés esclaves de leurs pulsions animales. (Lire ici)

 

 

Satyre ityphallique, 6ème siècle av. J-C

 

- Il y a une histoire des représentations du sexe masculin, avec au passage la phase de la censure totale quand les italiens ont affublé toutes les peintures de la Renaissance de feuilles de vignes. Par exemple avec le « Grand culottier » que fut Daniele Ricciarelli, un peintre et sculpteur italien de la Renaissance tardive. À la demande de Charles Borromée, il recouvrit les parties génitales des personnages du Jugement dernier de Michel-Ange par des « repeints de pudeur », ce qui lui fait gagner le surnom de Il Braghettone (littéralement : le « faiseur de culottes »).


Plus philosophiquement relevons ceci : l’opposition entre raison et passion chère aux philosophes antiques repose sur une hiérarchie des passions qui culmine avec la passion sexuelle. Il est donc manifeste que c’est la sexualité virile qui est directement opposée à la méditation philosophique, d’où la modestie de la taille du pénis supposée manifester la modération du désir copulatif.

Mais à ce compte les femmes auraient dû être considérées comme les mieux disposées pour user de leur raison, ce qui ne fut pas le cas.

Sans doute parce qu’à cette époque on estimait qu’elles ne possédaient pas de raison.

mercredi 20 novembre 2024

Ose penser ! – Chronique du 21 novembre

Bonjour-bonjour

 

Une émission de France culture aborde un phénomène largement méconnu : celui de l’incertitude devant l’avenir politique. Il faut dire que nous sommes envahis par des spécialistes qui ont la rhétorique nécessaire pour nous persuader qu’ils maitrisent la situation avec suffisamment de certitude pour en prédire l’évolution. Mais en réalité on reconnait les philosophes au fait qu’ils acceptent d’affronter l’incertitude où nous sommes devant cette évolution.

- Selon l’auteur de l’émission, le philosophe pensant l’avenir politique doit affronter l’incertitude de la pensée. Ainsi du philosophe Claude Lefort, qui s’oppose au surplomb des idées : "Il y a une distance (...), entre une philosophie politique de la raison, qui essayait de faire plier les événements aux catégories de la raison qu’ils avaient inventées par avance (...), et le travail de Lefort, c’est-à-dire qu’écrire à l’épreuve du politique, ça veut dire risquer constamment sa parole, l’engagement de sa parole, au contact d’événements qui ne cessent de nous déloger de nos certitudes politiques."

On retrouve cette exclamation de Kant (dans son article « Qu’est-ce que les lumières ») « Sapere aude ! », qu’on traduit par « Ose penser ! ». On songe assez platement qu’il s’agit simplement de dire qu’en mettant sa raison au service de sujets politiques on court de risque de déplaire au Prince. Certes – mais plus fortement, il s’agit aussi de sujets pour les quels on doit, en tant qu’individus prendre la responsabilité d’une conclusion que le recours à la raison ne suffit pas à confirmer. En démontrant un théorème je ne prends aucune responsabilité, parce que n'importe qui faisant la même démarche arriverait au même résultat. Mais en prévoyant l’évolution d’un régime précis, existant dans un pays donné, vers une démocratie ou au contraire vers le despotisme, je prends le risque de me tromper, erreur qu’on ne peut absolument éviter parce qu’aucun modèle ne vient diriger la pensée. Même la science n’échappe pas à cette incertitude : l’évolution du climat qui n’obéit pas tout à fait aux prévisions pâtit du fait qu’il n’y a pas d’autres planètes où les phénomènes climatiques de la Terre seraient testables.

J’aimerais aussi que cette incertitude devant l’avenir résulte simplement du fait que l’avenir n’est pas connaissable parce qu’il n’est pas encore écrit. 

Et si penser l’avenir c’était aussi (tenter de) le créer ? On sait bien que ça ne suffit pas, mais on voudrait quand même que ce soit un tout petit peu possible.

mardi 19 novembre 2024

Mon corps, mon choix – Chronique du 20 novembre (2)

Bonjour-bonjour

 

Les femmes ont pris pour slogan de leur indépendance par rapport aux hommes cette formule (« My body, my choice ») pour dire que tout ce qui concerne leur corps, comme la liberté de procréer ou de vivre là et comment elles le souhaitaient ne dépend que d’elles-mêmes. Leur corps est alors entièrement soumis à leur volonté exclusive, un peu comme un objet.

C’est cette définition comme objet, qui est pris par la justice comme donnant un statut au corps des femmes, excluant par ce fait qu’on attribue à celui-ci le statut d’une personnalité de droit. 

Dit comme cela ça peut paraître bizarre mais ne l’oublions pas : l’objet est toujours défini par rapport à un sujet qui en use à sa guise : le galet sur la plage n’est un objet que lorsqu’un promeneur, attiré par sa forme, le ramasse. Le corps d’une femme est un objet par rapport à une personne qui en fait un certain usage : alors que les femmes considèrent qu’elles sont les seules à exercer légitimement un pouvoir sur leur corps, les hommes le contestent avec leur slogan démarqué de celui des femmes : « Your body, my choice »

On sait que les femmes font de leur slogan « My body, my choice » le fer de lance de leur droit à l’avortement, l’embryon qu’elles portent étant considéré alors comme une excroissance de leur corps et non comme une personne déjà autonome – ce que contestent comme on le sait les « pro-life » qui affirment que le fœtus est dès le premier jour un enfant dont la vie est sacrée.

Depuis l’antiquité à nos jours, les femmes ont revendiqué le droit d'exercer sur leur corps un droit inaliénable d'en user comme elles le souhaitent. C’est ainsi que de nos jours certaines parties du corps sont modifiées à volonté : ainsi des nez réduits ou des seins grossis, de ces fesses plates rendues rebondies ou de la peau avachie retendue.

On croira peut-être qu’il s’agit-là de transformations qui n’existent que depuis peu. C’est vrai qu’on a aujourd’hui le bistouri agile. Mais rappelez-vous : les amazones qui se coupaient un sein qui les encombrait fort pour tirer à l’arc ;




... ou ces petits garçons qu’on castrait pour conserver à l’âge adulte leur voix cristalline d’enfant. Ils étaient supposés en droit de le faire à condition d'avoir un droit total sur eux-mêmes, c’est-à-dire sur une partie de leur corps investi d’un projet. En tant que sujet humain, j’ai le droit de faire ce que je veux de mon corps-objet

Kant dira qu’il est immoral de considérer qui que ce soit comme un objet : le garçon de café est bien un objet puisqu’il est là pour me servir ; mais il est interdit de ne le considérer que comme tel : d’où le respect que je lui dois. Mais ce même principe s'exerce par rapport à moi-même : je dois me respecter.

La philosophe en tire une interdiction de la masturbation parce que cela revient à considérer son propre corps à un certain moment uniquement comme un objet : ainsi je n’aurais pas le droit de m’amuser avec mon kiki parce qu'il ne serait qu'objet séparé de mon corps-organisme. C’est très bizarre…

Affaire Pierre Palmade : n’y a-t-il rien entre l’être humain et la chose ? – Chronique du 19 novembre (1)

Bonjour-bonjour

 

Il y a des cas où le droit français est en contradiction non seulement avec l’opinion commune mais aussi avec la religion ou encore certaines conceptions philosophiques.

Un exemple ? Dans le procès intenté à Pierre Palmade qui provoqua comme on s’en souvient des blessures très graves à une femme enceinte qui perdit alors son bébé, le parquet a requis une mise en cause pour « blessures involontaires » et non pour « homicide involontaire » ne considérant pas l’embryon porté par la femme comme un être humain.

C’est qu’en effet en droit français, le fœtus et l’embryon sont caractérisés par leur absence de personnalité juridique ; que ce soit dans les textes ou dans la jurisprudence, il n’est jamais question de personnalité juridique pour l’enfant à naître. Leur statut juridique est celui d’une « chose ». 

Bien sûr il y a des cas où l’enfant à naitre est considéré comme un enfant comme les autres (lire ici) ; mais il semble que ces cas n’entrent pas dans la situation du jour.

Certes, si l’embryon était jugé comme étant un être humain, doté d’une personnalité juridique, cela remettrait en cause l’IVG qui repose sur l’absence de statu humain de l’embryon, qu’on peut alors détruire sans commettre un infanticide.

 

- L’avocat de la partie civile refuse cette conclusion qui ne prend pas en considération la situation de cette femme. Selon cette réquisition, la mort de l’enfant in utero, n’est rien d’autre qu’une blessure, comme la perte d’un organe dont la disparition ne serait pas létale. Provoquer la mort d’un enfant à naitre est un non-évènement, moins que la mort d’un chien ou d’un chat qui auraient été victimes d’un tel accident.

Il semble que la voie autorisant la prise en compte de l’enfant à naitre pourrait quand même être plaidée puisque, comme nous l’avons dit, le Tribunal peut selon la jurisprudence accepter qu’un enfant, dès lors qu’il a été conçu, soit considéré comme un enfant réel, même s’il n’avait pu naitre pour de bon. Les conditions assez générales pour le faire ont été signalées plus haut : la principale étant que cette décision soit dans l’intérêt de l’enfant. On voit qu’ici cette précision serait capitale pour définir l‘incrimination dont Pierre Palmade doit répondre.

lundi 18 novembre 2024

Parlez-vous franglais ? – Chronique du 19 novembre

Bonjour-bonjour

 

Il fut un temps où on pointait l’invasion du français par les mots ou les tournures anglaises comme une grave faute à corriger au plus vite. René Étiemble, un universitaire défenseur de la langue française, avait même trouvé un vocable pour désigner ces incorrections : il s’agissait du « franglais », mot-valise qu’on identifie facilement. On avait aussi trouvé l’idée de nommer un sous-ministre chargé de faire respecter l’obligation de rédiger en français et non en « sabir nord atlantique » (Etiemble dixit) les billets d’information.

Cette volonté est bien oubliée aujourd’hui si l’on en croit le vocabulaire des joueurs du XV de France. Écoutez plutôt les discours faits au XV de France tenus samedi dernier par deux joueurs de l’équipe, Antoine Dupont et Gaël Fickou, qui se sont ainsi adressés à leurs camarade de jeu :

- Antoine Dupont à propos des All Blacks « Ils attaquent tous les rucks et ils nous ferment les extérieurs. - Ils nous splittent à chaque fois et on subit toutes les collisions. – Qu’on fasse les efforts de déplacements pour être bien en face et les catcher »

- Et Gaël Fickou d'insister : « Les deux qui sont dans le contact, ils fightent. Les autres, ne regardez pas le ruck, circulez s’il vous plait ! – Le seul problème, c’est du sprint autour des rucks, c’est pas en marchant ... Donc on sprinte à chaque fois autour des rucks »

 

Les progressistes font remarquer que les emprunts d’une langue à l’autre est un phénomène constant et que, s’agissant de l’anglais et du français, les emprunts au voisin sont constants et même plus nombreux du fait des anglais que des français. Mais le problème réside dans le degré d’intégration à la langue d’accueil. Ainsi quand Gaël Fickou demande à ses coéquipier de « sprinter » on n’a même plus conscience de l’origine anglo-saxonne du mot, parce qu’il est devenu un verbe conjugué avec le 1er groupe, de verbes, selon l’ordre voulu par notre propre grammaire. Mais il n’y a pas que cela : car « fighter », soumis à la même règle parait bien étranger et impénétrable au français du 21ème siècle.

Vient alors la difficulté qu’Étiemble avait combattue : les emprunts à la langue anglaise ne se transforment plus en mots de la langue courante parce qu’ils sont relayés par des médias qui en conservent la tournure originale. Alors qu’autrefois ces mots circulant de bouche à oreille dans une prononciation strictement française se déformaient rapidement, ceux qui apparaissent aujourd’hui vont garder leur allure exotique en raison du relai de la presse imprimée. C'est ainsi qu'on prononce « cleub » ce mot qu’on écrit toujours « club ». 

Il y a toutefois quelques exceptions, dues aux phonèmes anglais absents du français, comme le « the », transformé en "ze".

C'est également l'occasion de jeux sur les mots anglo-français comme avec l’amusant « of course » que San Antonio avait déformé en « œuf corse » qu’on prononce d’ailleurs souvent aujourd’hui sans y penser.

 

 

Mais cet oeuf corse n'est qu'une amusante exception : le problème avec le franglais, c’est qu’on prononce l’anglais trop bien. 

dimanche 17 novembre 2024

Le mercosur est-il un bon traité ? – Chronique du 18 novembre.

Bonjour-bonjour

 

Lisant le titre, chers amis, vous avez dû sursauter : quelle audace, quelle arrogance est la mienne pour prétendre me prononcer sur la valeur d’un traité que l’Europe négocie depuis 1999 ? A supposer que je n’aie fait que cela pendant les 25 dernières années, quel titre pourrais-je m’attribuer pour faire accepter mes conclusions ?

 

En fait, il s’agit plus modestement de réfléchir à la logique de tout traité : comment arriver à faire que chacun gagne tout en maintenant l’égalité entre les signataires ? Dans un traité, chacun accepte de faire des concessions sur certains points – donc de perdre – tout en enregistrant des gains sur d’autres – donc de gagner. Par exemple, nous accepterions de perdre la bataille de la concurrence sur la viande ou les céréales, à condition de gagner sur les exportations de voitures ou de machines-outils en Amérique du Sud.

Simple ? Pas tant que ça, parce que de chaque côté il y a des perdants et des gagnants mais que ce ne sont pas les mêmes qui perdent ou qui gagnent. Pour faire simple les agriculteurs sont en France et les fabricants de voiture en Allemagne. Bien sûr la synthèse de toutes les clauses se fait quand même au plus haut niveau : si les agriculteurs français demandent à voir comment ils peuvent être jugés bénéficiaire de la signature du mercosur, il faut qu’ils s’adressent à l’Europe. La réponse va s’appeler indemnités, et les agriculteurs français vont vivre de subsides qu’ils refusent à l’avance disant (très fort depuis le printemps dernier) qu’ils veulent vivre de leur travail et non de la mendicité.

 

Faut-il en conclure que cet accord avec le mercosur dépend de la qualité des négociations qui devraient assurer à chacun de ressortir gagnant – y compris les agriculteurs français comme brésiliens ? – Oui, mais ça, on n’y est pas encore.

samedi 16 novembre 2024

Faites des bébés – Chronique du 17 novembre

Bonjour-bonjour

 

Les campagnes natalistes qui se développent un peu partout dans le monde (de l’Europe à la Corée du sud) cherchent le biais capable de motiver le passage à l’acte (sexuel) qui faciliterait la naissance des bébés. D’autres, bien que soutenant le même objectif, estiment que c’était mieux avant, quand la nature était seule à gérer les familles, et que la procréation n’était là que parce que le Bon Dieu l’a voulu.

Mais aujourd’hui, il en va tout autrement : le calcul économique vient se mêler à l’affaire, comme le montre cette publicité pour Durex (= marque de préservatif)

 



On objectera que ce calcul peut être contrebalancé par bien d’autres comme celui de laisser une trace qui nous survivra, ou celle d’un amour fusionnel avec le gamin produit par cette fusion. Mais, dans tous les cas, on aura toujours la même situation : une volonté éclairée à l’origine de la procréation – ou de son refus.

 

- Or la situation la plus courante est justement qu’à l’inverse, la relation sexuelle soit exclusive de ce qu’elle va engendrer. Nos penchants sensibles n’impliquent généralement pas la représentation du mécanisme déclenché par leur satisfaction : l’alcool consommé fait oublier la gueule de bois et la repas plantureux les kilos en trop. On irait même jusqu’à insinuer que ce souci (« Chéri, tu as un préservatif ? ») serait le signe d’une tiédeur de mauvais aloi. 

Que devons-nous faire ? Écouter notre cœur ou suivre notre intérêt rationnel ?

Nous avons opposé la nature qui nous porterait par ses impulsions et la culture qui nous guiderait par ses déductions. Mais c’est oublier un peu vite que la nature elle-même, grâce au mécanisme de l’évolution nous a doté d’un cortex préfrontal « qui joue un rôle dans le contrôle exécutif tel que la planification et le raisonnement déductif (changement de l'ensemble des règles en cours set-shifting, résolution de problèmes complexes, récupération de souvenirs en mémoire à long terme, stratégies d'organisation et mémoire de travail). » (Art Wiki ici)

Ainsi, même quand nous n’avions aucune possibilité de savoir si un rapport sexuel aurait une chance d’être ou non fécond, toutes sortes de règles culturelles nous gouvernaient déjà.

vendredi 15 novembre 2024

Les Immortels – Chronique du 16 novembre

Bonjour-bonjour

 

L’Académie française, créée en 1635 par Richelieu, vient de publier le quatrième et dernier volume de la neuvième édition de son Dictionnaire, 90 ans après la précédente.

 

Deux questions se posent : que vaut cette dernière mouture ? Et que va-t-il se passer maintenant ?

- Pour la première, notons que les critiques pleuvent sur l’Académie. Ce dictionnaire est périmé avant même d’être publié : commencé il y a 90 ans il se distingue par le fait que les Académiciens ne l’ont pas revu, ni même réellement collaboré à son écriture, puisqu’ils ont délégué cette tâche de recherche à des groupes de professeurs détachés spécialisés en lexicographie (lu ici). A l’étranger les Académies en charge de tels travaux sont beaucoup plus réactives et bien mieux documentées.

- Quant à savoir ce que l’Académie va devenir, et à quelle tâche elle va s’atteler pour justifier son existence et son prestige, on entend de toute part des voix réclamer qu’elle fasse un peu la police de l’orthographe qui, avec ses irrégularités vient mettre le désordre dans un pays où on considère justement les fautes d’orthographe comme la marque infamante de la sous-culture du fautif.

Prenant fait et cause pour les conservateurs les Académiciens ont refusé la moindre modification, justifiant à leur corps défendant le reproche de fossilisation qui leur est adressé. Il est vrai qu’adossée à leur « Immortalité », ils ont à présent une aura grotesque de vieillards desséchés.

 

(Présentation du 4ème volume de la 9ème édition du dictionnaire, le 14 novembre dernier)


Une proposition ? Demandons au Musée Grévin de faire 40 statues de cire pour représenter une séance du dictionnaire : ça fera pareil et ça coutera moins cher.

jeudi 14 novembre 2024

Pour néant pense qui ne contre-pense – Chronique du 15 novembre

Bonjour-bonjour

 

Adèle Van Reeth, la directrice de Radio-France est une femme heureuse. Bien que chahutée par le personnel des stations de radio-France à la suite de sa réorganisation de l’antenne –  avec à la clef une motion de défiance votée par le personnel –  la voici à la tête de France-Inter et de France-info, les deux meilleures audiences mesurées par Médiamétrie.

Dans son élan d’enthousiasme, elle a déclaré : « Le cap que nous suivons est plébiscité : être un média ouvert, joyeux, populaire, qui invite à penser contre soi-même et à se tourner vers l’avenir… sans oublier tout le plaisir que la radio peut procurer. Quelle joie ! ».

« Penser contre soi-même » : diable ! D’où lui vient ce paradoxe, et comment peut-elle se féliciter de pouvoir l’appliquer aux antennes que sont France inter et France info ?

- Notons d’abord que la formule « pour néant pense qui ne contre-pense » est connue pour venir de Montaigne et plus largement, car c’est une formule assez diffusée à l’époque, de la philosophie médiévale, quand des professeurs de scolastique utilisaient la méthode des débats avec argumentation « pro » et « contra », à savoir qu’on devait aléatoirement soutenir les points de vue favorable ou au contraire défavorable à la même thèse. Montaigne qui est en effet imprégné de cette méthode, admettait que nos points de vue habituels sont peut-être relatifs et que le point de vue contraire au notre pourrait bien être recevable : son relativisme était en fait nourri de l’idée que la vérité déborde peut-être le champ de notre savoir, et que des thèses apparemment opposées n’y sont en réalité que les divers aspects de la réalité.

- Bref : comment comprendre que ce soit là un secret de la réussite des stations radios ?

Faudrait-il admettre que le statut de service public comporte l'obligation de donner une  pluralité d'informations parce que c’est justement cette largeur de vue qui permet aux citoyens de forger leur opinions ? Les auditeurs de radio France se verraient proposé une ouverture la plus large des problèmes actuels, alors que ceux des autres médias seraient comme des indiscrets qui se contentent de ce qu’on voit par le trou de la serrure.

 


Dans ce cas, nous ouvrir à la complexité du monde serait bien un service à demander au service public.

mercredi 13 novembre 2024

Un jour de travail en plus pour renflouer la Sécu – Chronique du 14 novembre

Bonjour-bonjour

 

Quand on a besoin d’argent, on peut aller en demander à sa banque, laquelle vous satisfera si et seulement si ses dépositaires sont d’accord. Le banquier ne sort pas de sa poche l’argent qu’il vous prête, pas plus que l’oncle qui vous a à la bonne. L’agent sort des mains de ceux qui produisent et voilà tout.

D’où la réponse la plus sommaire et la plus honnête à la question « Comment renflouer les caisses de la Sécu ? » : « En travaillant d’avantage »

--> La rapporteure du budget de la Sécurité sociale, Elisabeth Doineau, ainsi que les sénateurs ont soutenu mercredi l'idée d'augmenter la durée annuelle du temps de travail de sept heures. (Lire ici) Reprenant l’idée de la journée de travail supplémentaire dans l’année et évitant la maladresse de parler de journée fériée travaillée pour le système de santé (1), mais supprimant quand même un jour chômé dont le bénéfice produira 2,5 milliards d'euros pour la Sécurité sociale. 

 

Voilà un exemple bien clair de la méthode de travail du gouvernement pour trouver la somme XXL de milliards indispensables, non seulement pour combler le « trou de la sécu » mais aussi pour rembourser la dette. Toute l’habileté est d’habiller des ponctions de différentes manières, sachant qu’au bout du compte et comme on vient de le rappeler, seuls les hommes et les femmes qui travaillent produisent des richesses. Ça mérite quand même un peu de respect.

Comme par exemple de nous demander comment nous voulons être plumés ? Par l’impôt ou par les taxes ?

 


Ou encore de passer sous silence que ce grignotage des jours chômés n’est que la face émergée de l’iceberg de l’augmentation du temps de travail sans lequel le système capitaliste qui demeure le nôtre ne saurait produire suffisamment pour remplir le vaste estomac du Marché.

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(1) Après Raffarin supprimant en 2004le chômage du lundi de pentecôte. Il s’agissait à l’époque de protéger les vieux de la canicule. 

mardi 12 novembre 2024

« On dirait qu’on est député » - Chronique du 13 novembre

Bonjour-bonjour

 

En ce moment il ne se passe pas de jour sans qu'on apprenne un coup d’éclat à l’Assemblée Nationale durant la débat sur le budget : telle taxe supprimée, tel impôt voté, telle subvention accordée aux pauvres, aux chômeurs, aux entreprises.

Le citoyen ébahi apprend que le gouvernement a été battu par le NFP, par le RN, voire même par le centre – et bientôt par les macroniens ? Et pourtant de ce côté, rien ne bouge, Michel Barnier monte à la Tribune de temps à autre pour recentrer les débats, affirmant qu’in fine son projet passera.

Et il a raison : mettant en fin de débat un coup de 49.3, il est assuré de le voir adopté, tous les votes précédents étant renvoyés aux oubliettes. Du coup, plus personne ne peut prendre au sérieux ces nouvelles lois qui d’ailleurs sont adoptées par une assemblée clairsemée : les députés, connaissant l’issue inévitable du vote final, ne se dérangent même plus pour prendre part au vote.

 

Alors, pourquoi donner à la Nation le spectacle désolant d’une assemblée qui dérive sans boussole, même pas celle du sérieux ? Aymeric Caron a même proposé un amendement au budget 2025 pour soulager les Français qui ont un chien ou un chat – à quand un avoir fiscal pour ceux qui doivent nourrir un canari ?


- En fait c’est tout simple : il s’agit de votes obtenus sans grande difficulté par des représentants du peuple qui se savent déchargés de la responsabilité du budget, qui a été préparé par le gouvernement qui a les moyens d’en forcer l’acceptation (sachant qu’une coalition qui renverserait le gouvernement chasserait tous les députés de l’hémicycle pour un nouveau tour devant les électeurs). Dès lors il s’agit de jouer à faire semblant d’être en effet un député en charge du véritable budget de la Nation en faisant « comme si » - « on ferait comme si on était vraiment députés », comme si on avait un pouvoir de décision.

Ce spectacle navrant serait en fait plutôt amusant si on le replaçait dans une cours de récré, là où les scénarios les plus fantaisistes peuvent être crus.




lundi 11 novembre 2024

De la Kro’ dans son Bib’ – Chronique du 12 novembre

Bonjour-bonjour

 

Ce matin, je suis un peu à sec d’évènements d’actualité stimulants. Marre de l’Ukraine, de Trump, du Parlement, etc-etc…

 

Du coup, me tournant vers mes archives, je retrouve cette photo publiée dans mon blog le 17 juin 2015 :

 



Oui, ça ne date pas d’hier, mais les choses ont-elles changé depuis ? Voyons le commentaire d’époque :

« Cette photo vous choque-t-elle ? Pas du tout ? Un peu quand même ? Allez, parlez sincèrement : est-ce que ça ne provoquerait pas chez vous un sursaut, quelque chose de viscéral et de spasmodique ?

1 – Déjà, on aurait une réaction moins dégoutée si ce couple était fait de deux femmes. Après tout, l’une d’entre elle a sûrement mis au monde ce ravissant bébé, elle l’a bercé, elle l’a allaité comme n’importe quelle maman depuis que le monde est monde. Et l’autre dame à côté d’elle ? Une amie sûrement. Oui, mais elle la tient par le cou, est-ce normal ? Qu’importe, ce qui compte c’est que ce petit soit sur les genoux de sa maman.

2 – Du coup, on est renvoyé à l’impossibilité pour ces deux messieurs de procréer un enfant. Ce petit peut bien avoir l’air heureux choyé par ces hommes : on peut quand même penser qu’il le serait encore plus si on ne l’avait pas arraché à sa vraie maman pour le confier à ce couple contre-nature.

3 – Oui, je sais… Mais quand même : tout le monde a l’air parfaitement heureux sur cette photo : les deux hommes et le bébé – deux mecs et un garçon, ça va faire une sacrée équipe ! D’ailleurs, qui sait si la vraie maman dont on faisait l’éloge il y a un instant aurait été si attentionnée pour lui ? Peut-être l’aurait-elle déposé dans une crèche ou des nourrices mercenaires lui auraient filé son bib’ sans même le regarder. Et le soir venu, la mère, un peu éméchée, l’aurait ramené à la maison comme un paquet de linge sale et elle se serait enfermée dans sa chambre avec un sale type. »

 

Question : que dirait-on de plus (ou de moins) aujourd’hui ?

- Déjà on mettrait en avant le genre de ces messieurs-papas : gros bras et débardeur ? C’est leur choix au point qu’on imagine que ce nourrissons aura bientôt de la Kro’ dans son Bib’ : mais on pourrait avoir des mecs qui assument leur part de féminité - maquillage et frou-frou pourquoi pas ? La seule question est alors de savoir lequel de ces couples serait le meilleur pour le bébé.

- On se demanderait aussi qu’en pensent les dames ? Hé bien elles seraient d’accord ! Du moins celles dont j’ai relayé il y a peu (ici) le comportement. Il s’agit de ces femmes américaines qui refusent tout rapport avec des hommes, au point que la procréation devrait se faire par insémination et le soin des petits assumés par des femmes exclusivement.

- Et les bébés ? Car je suis sûr que, passé les passions des conflits au moment de la « Manif pour tous » (c’était en 2013 – comme le temps passe !) on ferait des enquêtes scientifiques pour savoir ce que deviennent ces enfants issus de couples « lesbi-gays ».

J’ai déjà entendu des enfants élevés par de tels couples qui, devenus grands, s’en félicitaient. 

A vous de vérifier.

dimanche 10 novembre 2024

Dans quel sens va l’histoire ? – Chronique du 11 novembre

Bonjour-bonjour

 

 

Le 11 novembre 1918, les soldats sortis vivants des tranchées ont crié « Cette guerre, c’est la Der des Der ! » Ils ont cru maitriser la marche de l’histoire - qui n’a pas demandé plus de 20 ans pour les démentir. 

En 1990, la chute de l’Empire soviétique a fait croire qu’on venait d’enterrer le totalitarisme. Après la chute du régime soviétique, Francis Fukuyama, politologue américain publia en effet un livre qui fit beaucoup de bruit. Il s’agissait « La fin de l’histoire et le dernier homme » dans lequel il soutenait que la dislocation du bloc soviétique marquait la dernière étape de l’histoire. Plus précisément « la fin de l'Histoire ne signifie pas, selon lui, l'absence de conflits, mais plutôt la suprématie absolue et définitive de l'idéal de la démocratie libérale, lequel ne constituerait pas seulement l'horizon indépassable de notre temps mais se réaliserait effectivement. » (Art. wikipédia)

Et pourtant…

Les récentes élections américaines ont plongé les démocrates dans un profond désarroi. Certes on sait que, ce qu’un vote a fait, un autre peut le défaire. Mais on ne peut manquer d’être frappé par ce mouvement général qui, à travers le monde entier, pousse nombre de démocraties historiques (celle des Etats-Unis date de 1787) à renoncer aux libertés civiles (telle l’IVG) pour aller vers plus d’autorité, allant jusqu’à l’illibéralisme, voire même la dictature pure et simple.

30 ans plus tard on ne parle plus que des autocrates, des tyrans, des gouvernants illibéraux. 

Pour quelle raison ce mouvement s’est-il inversé ? L’histoire revient-elle sur ses pas par un mouvement de balancier qui la ramène vers ses positions passées ? Ou bien faut-il avouer notre myopie qui nous condamne à voir la marche de l’histoire sur des périodes de quelques dizaines d’années où elle est insignifiante ?

Cette dernière hypothèse nous invite à suspendre notre réponse, car – ou bien c’est en effet un vaste mouvement de balancier et alors l’histoire ne peut signifier qu’existe une marche en avant, mais seulement enregistrer nos efforts pour juguler les malheurs dont notre espèce est affligée et qui renaissent périodiquement ; ou bien la responsable c’est notre ignorance totale, masquée par notre arrogance à vouloir connaître ce qui nous reste inaccessible.

Une autre réponse reste pourtant possible et cela depuis l’antiquité : c’est Platon qui nous l’explique. Chez lui, la démocratie marque non pas la fin de l’histoire, mais son avant-dernière étape. Et cette évolution n’est pas celle d’un progrès mais celle d’une chute, car le peuple étant incapable de se gouverner lui-même, il doit remettre son destin entre les mains d’individus qui ne sont pas plus savants que lui, qu’il nommait les "démagogues" et que nous nommons aujourd’hui les "populistes" (lire ici). 

- Et pour Platon, la dernière étape de l'histoire quelle est-elle ?

Pour lui, la démocratie (avant-dernière étape) met en place la tyrannie qui signifie l’écrasement du peuple par un pouvoir non seulement absolu, mais surtout illégitime. C’est sous ce double aspect qu’il revient aujourd’hui encore au premier plan : « /les grecs/ donnaient indifféremment /le nom de tyrans/ aux bons et aux mauvais princes dont l’autorité n’était pas légitime. » disait Rousseau. C’est ainsi que les américains sont prêts à renoncer à quelques-unes de leur libertés, à condition d’avoir le pouvoir d’achat promis.

samedi 9 novembre 2024

Un monde sans hommes – Chronique du 10 novembre

Bonjour-bonjour

 

Après la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine, « qui a été alimentée par les électeurs masculins et qui, pour beaucoup, a ressemblé à un référendum sur les droits reproductifs » rappelle npr (une radio américaine) certaines jeunes Américaines parlent de boycotter les hommes,

L’idée, explique la radio américaine, vient du mouvement sud-coréen connu sous le nom de “4B”, ou des quatre “non” (bi signifie “pas” en coréen). Il préconise (lire ici)

1) le refus de sortir avec des hommes (biyeonae), 

2) d’avoir des relations sexuelles avec des hommes (bisekseu), 

3) de se marier de manière hétérosexuelle (bihon) 

4) de donner naissance à des enfants (bichulsan)

 


On va se récrier : ce refus de procréer est en même temps celui de ce qui constitue la nature même de notre espèce, et même de toute espèce vivante. Comment se prétendre mouvement de contestation et en même temps vouloir détruire ce qui fait la racine des groupes qui participent aux luttes émancipatrices ? Même Aldous Huxley avec « Le meilleur des mondes » sa célèbre dystopie publiée en 1931 décrivant un monde où toutes les caractéristiques des individus seraient contrôlées par le pouvoir, imaginait que la reproduction devait continuer à être assurée, mais seulement par des procédés artificiels (la sexualité restait active mais exclusivement avec préservatifs).

 

Si l’extrémisme des féministes américaines fait sourire (ou pas !), n’oublions pas que dès maintenant la ségrégation des sexes est revendiquée dans des réunions féministes où les hommes ne sont pas admis, qu'existent déjà des wagons de métro réservés aux femmes et voulus par celles-ci, des restaurants ou des pubs également uni-sexe. Cette radicalité signifie que les femmes ne croient pas en la capacité des hommes (= des certains hommes) de se réformer, dès lors que les circonstances leur sont favorables. 

--> S’agit-il de croire que les hommes sont par nature des prédateurs et les femmes, par nature, le gibier qu’ils convoitent ?

vendredi 8 novembre 2024

Du droit à l’erreur à Bercy et ailleurs – Chronique du 9 novembre

Bonjour-bonjour

 

Le citoyen reste bouche bée devant l’aveu d’ignorance et d’incompétence venu des plus hautes sphères de l’État : oui ce sont les services de Bercy qui ont fait l’erreur de calcul responsable du dérapage des comptes publics à 40 milliards d’euros.

Pour rappel, le déficit, qui était initialement prévu à 4,4 % dans la loi de finances 2024, devrait finalement atteindre les 6,1 %, selon les dernières données du gouvernement. Ce dérapage s'explique en grande partie par des recettes inférieures aux prévisions des services de Bercy. Un trou – comme on l’a dit hier – d'environ 40 milliards d'euros.

Laurent Bach (professeur de finances à l'Essec et coresponsable du pôle entreprises de l'Institut des politiques publiques (IPP)) fait l'autopsie du principal coupable : l'impôt sur les sociétés. Alors que cette taxe sur les impôts représente moins de 5 % des recettes, elle constitue pourtant plus du tiers de l'erreur de prévision en 2024. (Sur tout cela, lire ici)

Alors, on pourrait se réjouir : une erreur qui ne porte que sur 5% des recettes, voilà qui relativise ce dérapage : il aurait pu être bien pire !

Toutefois, une « petite » erreur sur les recettes de la France peut entrainer des différences de plusieurs dizaines de milliards au niveau du budget - et donc un endettement imprévu à financer ou à annuler.

Et puis prenons garde à l’effet d’entrainement causé par ce dérapage : il s’agit de centiles qui deviennent toxiques lorsqu’ils sont situés dans certaines zones. Je pense à la différence affectant une augmentation à 1,7% selon qu’elle fait passer de 1,4% à 3,1% ou (comme ici) de 4,4% à 6,1%.

En matière de finance, il n’y a donc pas d’erreurs « absolues » car leur effet dépend de la masse budgétaire qu'elles vont affecter. On dirait exactement la même chose en médecine avec les dosages sanguins : l’effet d’un excès de cholestérol n’est sans doute pas le même selon qu’on est à 1,5 gr par litre de sang ou à 2,5.


- On en vient ainsi à la question du « droit à l’erreur ». On questionne volontiers le rôle de certains métiers, comme médecin ou – comme on le voit ici – responsables financiers ; mais on oublie de vérifier dans quelles situations ces erreurs ont été commises : sur l’arrivée d’une course de sprint, la seconde est la limite tout juste tolérable pour l’erreur. L’effet d’une erreur de calcul de la vitesse n’est pas le même selon que je monte dans une diligence ou un supersonique.

--> Donc si on ne sait pas prévoir un déficit, mieux vaut revenir à la diligence.




jeudi 7 novembre 2024

Qu’est-ce qu’un trou (dans le budget ou ailleurs) ? – Chronique du 8 novembre

Bonjour-bonjour

 

Depuis quelques jours on entend parler que des « trous » budgétaires : celui des comptes publics, et puis celui de la sécurité sociale, et encore des caisses de retraites, etc.

La notion de trou est pourtant bien embarrassante : en parlant de « trou » on ne parle en fait que de l’absence de quelque chose (comme de l’argent, mais aussi des substances comme l’air ou comme des humains dans des effectifs). Comment savoir ce qu’est un trou s’il ne se définit que par ce qui l’environne et qu’il n’est donc pas ? Y a-t-il un philosophe pour se lancer dans cette recherche avec un équipement conceptuel capable de lui éviter le ridicule ?

 

- Sartre à l’époque où il écrivait l’Être et le néant, s’est mis à a tâche et c’est dans les Carnets de la drôle de guerre (1939-1943 : lire ici)

« Et certes, le trou du cul est le plus vivant des trous, un trou lyrique, qui se fronce comme un sourcil, qui se resserre comme une bête blessée se contracte, qui bée enfin, vaincu et près de livrer ses secrets ; c'est le plus douillet, le plus caché des trous, tout ce qu'on voudra. (...) Je vois en effet que le trou est lié au refus, à la négation et au Néant. Le trou, c'est d'abord ce qui n'est pas. Cette fonction néantisante du trou est révélée par des expressions vulgaires qu'on entend ici, telles que : "trou du cul sans fesses", ce qui signifie : néant. (...) Le vertige du trou vient de ce qu'il propose l'anéantissement, il dérobe à la facticité. Le trou est sacré par ce qu'il recèle. Il est par ailleurs l'occasion d'un contact avec ce qu'on ne voit pas. (...) Mais en même temps, dans l'acte de pénétrer un trou, qui est viol, effraction, négation, nous trouvons l'acte ouvrier de boucher le trou. En un sens, tous les trous sollicitent obscurément qu'on les comble, ils sont des appels : combler = triomphe du plein sur le vide, de l'existence sur le Néant. D'où la tendance à boucher les trous avec sa propre substance, ce qui amène identification à la substance trouée et finalement métamorphose. »

 Quand Sartre est lancé, on ne l’arrête pas si facilement : juste après la philosophie du trou, le voici qui en déduit la fonction de la sodomie. Nous ne le suivrons pas jusque-là. En revanche, nous aimerions bien l’entendre disserter sur ces tous remplis de plein que sont les « trous noirs »

Ce sera pour une prochaine fois.

mercredi 6 novembre 2024

L’invincible Donald T. – Chronique du 7 novembre

Bonjour-bonjour

 

Il est des hommes ou des femmes qui se permettent de dire ou de faire ce qui ruinerait la réputation de n’importe qui, sauf que ça ne leur occasionne aucun désagrément – quoiqu’on sache parfaitement ce qu’ils ont fait. On dit d’eux qu’ils ont « la carte » pour dire qu’ils bénéficient d’une véritable immunité ; ils peuvent tout se permettre comme Catherine Deneuve qui signe un manifeste pour dire que les hommes doivent pouvoir continuer à importuner les femmes en pleine vague #metoo. 

C’est bien sûr aussi le cas de Donald Trump qui en a profité pour mener une campagne électorale démente, après avoir été trainé devant les tribunaux suite à des délits qui auraient suffi à mettre en prison n’importe qui. Je ne reviens pas là-dessus, tout le monde a encore ces faits en mémoire.

Suite à sa réélection plus que confortable, voici deux questions : 1) Qui donne cette carte ? Et 2) Que vaut l’immunité qu’elle confère ? 

- Car en effet, la carte en question est politique et elle confère une immunité politique. Les tribunaux pourront bien continuer tant qu’ils le pourront leurs poursuites, Donald Trump continuera à avoir des partisans qui donneront le ton à l’opinion publique et il aura également leur vote comme on l’a vu aujourd’hui. 

- Qui donc attribue cette carte miraculeuse ? Ce n’est pas la Constitution qui confère cette immunité : dès lors qu’on a à faire à des délits majeurs pour un Président, tel que l’assaut du Capitole, celle-ci demande qu’il soit destitué. Mais rien n’y fait : l’opinion publique reste souveraine et c’est donc elle qui impose sa préservation.

L’erreur serait de croire qu’on a là un phénomène unique : on voit qu’un peu partout dans le monde des dictateurs sont acclamés malgré (ou : à cause) de leurs crimes aussi horrible que fut l’holocauste.

On n’en n’est pas là. Certes et heureusement. Mais où allons-nous nous arrêter ? 

mardi 5 novembre 2024

Tous au boulot ! – Chronique du 6 novembre

Bonjour-bonjour

 

Chaque français est affecté par le poids de la dette, la quelle est alimentée par le faible taux d’emploi qui grève la création de richesse globale et les rentrées fiscales.

Vous lisez bien : on vient de dire « le faible taux d’emploi » et non « la faible productivité du travail ». Ce qui veut dire que vous pourrez toujours être de plus en plus productif, - oui, vous, le Stakhanov de l’entreprise, ça ne servirait à rien. Ce qu’il nous faut ce sont des travailleurs qui payent sur leur emploi les taxes et les impôts afférents et qui aujourd’hui végètent au chômage de longue durée.

 

 


 

En tout cas, c’est le seul moyen selon les spécialistes de combler l’écart qui sépare le PIB de la France de celui des autres pays avec lesquels nous sommes en compétition (voir ici).

 

- Comment ! Ces sont ces fainéants qui ne f* rien qui ont le sort de la France entre leurs mains ? Et moi – moi le brillant commercial, moi le super-négociateur de l’entreprise je n’y serais pour rien ? Ce ne serait pas sur les gens comme moi que le sort de la France se jouerait ?

- D’une façon marginale, si, peut-être. Si vous travaillez plus souvent et plus longtemps dans votre vie, alors vous verserez plus de taxes, plus de cotisations, qui viendraient renflouer en partie les caisse de l’État et celle de la Sécu. Et c’est ce qu’on fait, car il est plus facile de faire payer ceux qui travaillent que de faire embaucher ceux qui sont en emploi partiel. Mais ça ne vaudra pas l’embauche du traine savate qui aujourd’hui se contente de vivre avec le RSA et quelques petits boulots au black.

 

- La preuve ?

- La preuve, c’est que puisqu’on vous tient on vous fait bosser encore et encore, avec le recul de l’âge de départ en retraite et aussi la proposition de supprimer une journée fériée. Mais encore une fois on préfère aggraver la misère des miséreux plutôt que de les soutenir dans leur état. C’est ça qui est bon pour la France.

Allez ! Tous au boulot !