mercredi 1 janvier 2020

Affaire Gabriel Matzneff : la réaction poignante de Christine Angot

(Alors que le livre de Vanessa Springora parait aujourd’hui (= 2 janvier) je reviens sur l’affaire Matzneff après mon Post d’hier)

- Lu dans cette tribune du Monde (reproduite ici - c'est Chrisitne Angot qui parle) : "Je ne le (= mon père) voyais plus à l’époque où je vous (= Matzneff) lisais. J’avais réussi à couper, à dire à ma mère. Mais je continuais à me raconter qu’il m’avait aimée, comme vous disiez aimer les jeunes filles dont vous parliez dans vos livres,"
"Vous réussissiez un bon coup. Maintenant, c’est fini. Le charme a dû se rompre dans le cabinet du psychanalyste." Et conclut : "On ne peut pas jouir tout le temps."

- La tribune de Christine Angot est un peu embrouillée, c’est du « brut d’émotion », mais on s’y retrouve quand même assez bien. Il s’agit en l’occurrence d’une double illusion : 
- illusion du pédophile qui « croit » être aimé de sa victime ; 
- illusion de la victime qui croit aimer en étant subjuguée. (1) 
Mais tout cela vole en éclat dans le cabinet du psychanalyste (dans le cas de Christine Angot) :  "Son consentement (= celui de la victime) était une fiction, un leurre pour se protéger. (...) Et vous (= Matzneff), candide, « aussi naïf que peut l’être un pervers », comme aurait dit Nabokov, vous y avez cru."

J’avais proposé hier une lecture du décalage  entre le temps de la faute et celui de la souffrance ; en voici une autre plus classique, et qui repose sur le refoulement et le mensonge à soi-même. Mais alors que ma propre interprétation était toute littéraire – voire même théorique – celle de Christine Angot, victime des abus commis par son père sur l’enfant qu’elle était alors, emploie les mots crus de la réalité vécue : « Vanessa (= Springora, auteure du livre dénonçant Matzneff), beaucoup d’autres, moi-même, c’est exactement ce qu’on a ressenti, une tristesse qui suffoque, quand on avait la queue d’un père ou d’un homme qui aurait pu l’être dans la bouche. Pendant que nos copines vivaient leur adolescence »
Qu’est-ce que vous voulez ajouter ?
… Rien si ce n’est le récit de Vanessa Springora elle-même (résumé ici), où l’on comprend que ses relations charnelles avec l’écrivain n’ont pas été très « romantiques ».
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(1) Extrait de la lettre de rupture envoyée par Vanessa Springora à Gabriel Matzeff : «Tu es mon premier amant, mon tendre initiateur, celui qui a fait en sorte que je garde toute ma vie un beau souvenir de ma découverte de l’amour. Tu m’as ouvert les yeux, je suis née dans tes bras.»

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