lundi 30 septembre 2024

Bon mari, bon père, et odieux violeur – Chronique du 1er octobre

Bonjour-bonjour

 

Ce matin, je lis ceci : « /Au procès de Mazan/ la sidération des épouses reste entière face à ces faits qui ne collent en rien avec le bon mari et le bon père qu’ils (= les hommes mis en cause) ont été par ailleurs. La plupart ignoraient même qu’ils étaient infidèles, mais leur pardonnent, évoquant un moment d’égarement et un « piège » dans lequel ils seraient tombés par naïveté. »

Si nous laissons de côté les observations qui, en soupçonnant la volonté de mettre à l’abri le chef de famille, banalisent les faits, tentons de comprendre ces affirmations dans leur sincérité. Ces femmes maintiennent que leurs maris sont des hommes tout à fait « normaux » et donc qu’ils ne peuvent être des violeurs. On ne peut être à la fois et un homme normal et un violeur. Pour parler comme les physiciens, cette « superposition d’état » est radicalement impossible. Si vous êtes un violeur, vous l’êtes dans votre substance du matin au soir et du soir au matin. Vous parlez comme un violeur, vous regardez les gens comme un violeur – et même vous mangez et vous buvez comme un violeur, vous dormez comme un violeur, vous vous brossez les dents comme un violeur. Aucune place pour ces pervers qui voient dans les femmes des objets dont la capture et l’utilisation à des fins de jouissance est absolument licite.

- Et c’est là que le soupçon de dérive face aux valeurs de l’humanité apparait. La cloison entre la femme-sujet respectable et la femme-objet manipulable est peut-être moins étanche qu’il n’y parait. On a l’habitude d’établir une frontière entre ces deux visions en traçant une démarcation entre la femme honnête et la femme de mauvaise vie. C’est bien commode. Et si, parfois, au cours de la même journée ces deux femmes n’en faisaient qu’une ? Impossible ? Pourtant face au désir charnel, le partenaire amoureux est parfois transformé en objet de jouissance faisant oublier dans la fureur de l’assaut l’être aimé.

 

- Ne sommes-nous pas en train de banaliser les violeurs de Mazan admettant au contraire de leurs épouses que tout homme honnête est un violeur qui reste ignoré ?

Puisque nous sommes dans l’évidence de l’expérience quotidienne allons jusqu’au bout des faits. L’amour fusionnel a ceci de remarquable qu’il réalise justement la superposition d’état : au cours des ébats sexuels, la pulsion qui « utilise » le corps de l’autre comme un objet est toujours en contact avec l’amour du sujet – auquel on offre son propre corps.

Ceci bien sûr avant que le temps ne dégrade l’amour en acte machinal pour qui la jouissance ne repose plus que sur des fantasmes : plus de sujet aimé, mais aussi plus de violence : le corps avec lequel on fait l’amour est juste un support pour un acte imaginé.

Sorti de la période fusionnelle, considérer le corps de l’autre comme un objet est permanent : il est la surface sur laquelle vient de projeter le fantasme. 

Et l’amour, b*** ? N’est-il que la réciprocité des fantasmes ? 

Peut-être. En tout cas « la réciprocité des fantasmes » serait une bonne définition du consentement.

dimanche 29 septembre 2024

Qu’on le pende ! – Chronique du 30 septembre

Bonjour-bonjour

 

Les passions sont funestes dans la vie politique de terrain. Ainsi, embrasée par la haine des étrangers, l’opinion publique se déchaine actuellement contre le criminel qui a assassiné Philippine après l’avoir violée. Étranger sur le point d’être expulsé, il n’aurait pas dû être sur le territoire au moment où il a commis son crime. Le ministre de l’intérieur lui-même n’hésite pas à attiser cette haine, allant jusqu’à promettre dans cette occurrence d’outrepasser les règles de l’État de droit.

- Dehors les étrangers !

Mais qui donc s’en prend à la récidive d’un violeur qui a été condamné pour ce même crime en 2021, qui viole et tue Philippine 3 mois après avoir été libéré en 2024 ? Car enfin, qu’importe la nationalité du criminel, seule compte son existence. 

 

La question a été quand même soulevée par la première victime du violeur qui écrit cette lettre à l’AFP : « Je suis la première victime de Taha O. /…/  J’ai tout fait pour que ce qui m’est arrivé ne se répète pas. Pourquoi le système pénitentiaire a-t-il failli à prévenir cette récidive ? Pourquoi n’a-t-on pas su arrêter cette escalade de la violence jusqu’au meurtre d’une jeune femme ? ».

- Le risque de la récidive est souvent – très souvent – dénoncée contre ces criminels qui semblent irrécupérables. Dans ces cas, l’opinion publique réclame en général le rétablissement de la peine de mort : « À mort les assassins d’enfants, de flics, de femmes » - j’en oublie mais on a déjà un portrait de ces détenus qui sont maintenus en prison non seulement pour expier leur faute, mais encore pour les empêcher de nuire encore et toujours aux honnêtes gens.

On sait que la prévention de la récidive est prise en charge lors de l’exécution de la peine par des services compétents. L’obligation de soins est même imposée dans certains cas ; mais les psychiatres le disent : « On ne peut maintenir en prison tous ceux qui présentent des risques car il faudrait priver de liberté 99% de ceux qui se révèleront inoffensifs ».

Mais ce petit 1% d’échec suffit à déchainer les protestations. Car chacun imagine sa femme, sa fille, sa sœur – sa mère ! – victime des violeurs en série.

Je ne donne pas longtemps pour entendre le ministre de l’Intérieur (celui qui réclame d’outrepasser l’État de droit) réclamer le rétablissement de la peine de mort. Seul moyen d’empêcher quelqu’un de récidiver.

samedi 28 septembre 2024

La grossesse serait-elle une maladie ? – Chronique du 29 septembre

Bonjour-bonjour

 

En survolant les titres de la presse-Google j’aperçois cette déclaration d’une star du cinéma française : « Je suis tombée enceinte… », la suite pour les abonnés – dont je ne fais pas partie. Mais qu’importe : l’essentiel est dit.

On comprend que je vise l’expression « être tombée enceinte », utilisée au lieu de formules plus corectes, telles que « devenir enceinte » ou « être enceinte » tout simplement.

Si je réagis, c’est que la formule « tomber enceinte » signifie quelque chose quand elle n’est pas simplement une incorrection de langage. Tomber, c’est être diminué, perdre quelque chose. En disant qu’elle est « tombée enceinte » la femme dit en même temps qu’elle est dans une situation qu’elle déplore – du moins qu’elle n’a pas choisie.

Alors, bien sûr l’actrice nous explique peut-être que justement elle est tombée enceinte alors qu’elle ne le souhaitait pas, qu’elle avait autre chose à faire. Mais l’usage devenu courant de cette formule avec une signification neutre laisse planer un doute assez fort, comme si être enceinte était naturellement une situation regrettable : « je suis tombée enceinte », comme on dirait « je suis tombée malade ». La grossesse serait-elle une maladie ?

Une vision optimiste consisterait à croire que cette formule est utilisée sans qu’on pense forcément à une pathologie, qu’on est devant une de ces corruptions du langage comme lorsqu’on dit que quelque formules sont « entendables » (= audibles) ou « regardables » (visible, appréciable).

Le vérité, c’est que les langues ne cessent d’admettre des incorrections qui deviennent correctes du fait de l’usage. C’est un peu ce que disait Wittgenstein avec ses « jeux de langage » : lorsque nous parlons, point de dictionnaire : nous parions sur le sens des mots selon le contexte de la discussion, et si un sens admissible apparait, hé bien nous considérons notre hypothèse comme valable. Alors, bien sûr, toute sorte de quiproquos peuvent intervenir, des significations précises peuvent s’éliminer au profit d’à peu près. Mais ces fautes ne sont que des formules encore jeunes ; lorsque le temps aura pérennisé leur signification, alors il sera correct de dire « je suis tombée enceinte » pour dire simplement qu’on « est » enceinte.

 

vendredi 27 septembre 2024

« L’erreur est humaine – persévérer par arrogance est diabolique » – Chronique du 28 septembre

Bonjour-bonjour

 

Il y a des sujets d’actualités qui nous font brûler d’émotions et puis qu’on oublie au bout de quelques jours. C’est d’ailleurs ce qui arrive dans la plupart des cas. Et puis il y a des sujets qu’on n’oublie pas parce qu’ils nous affectent dans la vie pratique bien après leur révélation.

- A n’en pas douter ce sera le cas pour la dette publique, bien après que l’ensemble de son montant aura été révélé. C’est que nous devrons alors continuer de payer l’impôt « exceptionnel » voté pour la rembourser ainsi que supporter les lacunes du service public raboté par les diminutions de subventions.

- La question qui vient en premier est « Qui est responsable ? » - car les élus ou les hauts fonctionnaires, ceux qui ont le pouvoir décisionnaire, ont forcément vu passer le déficit, mais ils ne l’ont pas arrêté, soit qu’ils ne l’aient pas voulu, soit qu’ils n’en aient pas eu le pouvoir.

- Toutefois ne risquons-nous pas d’oublier le bénéfice de certaines dépenses qui nous ont permis d’éviter les pires évènements, comme la misère épargnées aux catégories sociales les plus fragiles durant le Covid grâce au « Quoiqu’il en coûte » ? 

--> Restons donc objectifs en gardant en mémoire l’ensemble de la situation.

 

Par ailleurs, ne risquons-nous pas de reconstruire l’histoire en commençant par la fin, comme si c’était nécessairement en toute connaissance de cause que des erreurs de cette taille ont pu être commises ? 

- Oui, certainement, car certains évènements majeurs ont été formés à partir de l’agrégation d’évènements qui, pris un à un et au gré de leur venue, ont pu paraitre impossibles à percevoir et à comprendre. 

Toutefois, le fait qu’on ne les ait pas vu venir ne signifie nullement qu’ils aient été imprévisibles. Tel est le cas des Gilets-Jaunes dont l’existence comme groupe revendicateur a été ignorée, alors que compris comme classe défavorisée, on aurait pu au moins éviter de provoquer leur colère comme avec la hausses de la taxe carbone.

- Et le chef de l’État, lui qui décide de tout, n’est-il pas responsable de la perte de contrôle des comptes publiques ? Bien sûr un homme seul ne peut décider du budget de la nation à lui tout seul. Pourtant c’est bien lui qui oriente la politique du pays, par exemple en définissant la politique économique. Or le Président considérait que, soutenue par une baisse des taxes et des impôts, l’économie devrait tourner plus vite.

Je ne dis pas qu’on aurait pu prévoir que ça ne marcherait pas, mais au moins prendre en compte l’échec dès qu’il est apparu.

On reconnait la sentence de Saint-Augustin : « L'erreur est humaine, mais persister dans l'erreur par arrogance, c'est diabolique »

jeudi 26 septembre 2024

Avez-vous la foi ? – Chronique du 27 septembre

Bonjour-bonjour

 

Vous allez me croire complètement à sec d’inspiration, mes chers amis, mais oui, je vais vous entretenir encore aujourd’hui d’une péripétie concernant l’affaire de l’Abbé Pierre. 

C’est que l’affaire remue des émotions et des doutes qui ne datent pas d’hier.

Voici de quoi il s’agit : un homme, âgé aujourd’hui de 70 ans répète depuis des dizaines d'années qu’il est le fils caché de l’Abbé qui du reste a toujours nié le fait ; il triomphe aujourd’hui où l’on imagine facilement que des bâtards, l’Abbé a dû en semer plein derrière lui : il ne serait donc pas étonnant qu’il en fasse partie.

- Imaginer un prêtre père d’un enfant, ça fait tâche aujourd’hui, mais autrefois, ça n’étonnait personne. En témoigne cet article du Dictionnaire philosophique où Voltaire définit la foi :« La foi consiste à croire, non ce qui semble vrai, mais ce qui semble faux à notre entendement » 

Là-dessus, il donne l’exemple suivant (cf. art foi du dictionnaire philosophique à lire ici) :

« Pic de la Mirandole rencontre le pape Alexandre VI Borgia, alors que sa fille ( !) est en train d’accoucher.  « Petit Pic, dit le pape, qui crois-tu le père de mon petit-fils ? — Je crois que c’est votre gendre, répondit Pic. — Eh ! comment peux-tu croire cette sottise ? — Je la crois par la foi. — Mais ne sais-tu pas bien qu’un impuissant ne fait point d’enfants ? — La foi consiste, repartit Pic, à croire les choses parce qu’elles sont impossibles ; et de plus, l’honneur de votre maison exige que le fils de Lucrèce ne passe point pour être le fruit d’un inceste. »

L’ironie voltairienne s’exerce ici ; qu’aurait pu dire Voltaire de cet paternité putative de l’Abbé Pierre ? Que, comme du temps d’Alexandre VI, on croit une chose non pas parce qu’elle est vraie, mais parce qu’elle est convenable.

Croire que les haïtiens mangent les chiens et les chats domestiques est tout aussi incroyable que de croire qu’un impuissant soit capable de faire un enfant. Du temps de Voltaire il s’agissait de disculper le Pape du péché d’inceste. Aujourd’hui il faut comprendre que cette « vérité » convient pour permettre à Donald Trump d’être réélu.

--> C’est ça qui devrait paraitre incroyable.

mercredi 25 septembre 2024

La faute de l’Abbé Pierre – Chronique du 26 septembre

Bonjour-bonjour

 

Émile Zola a écrit « La faute de l’Abbé Mouret » (Livre de Poche), l’un de ses plus beaux romans, pour célébrer l’ouverture d’un jeune abbé à la sensualité de l’amour et à la luxuriance de la nature. Ce roman, bien peu lu aujourd’hui, devrait-il être comparé aux débordements sexuels de l’Abbé Pierre ? J’avoue en avoir eu la tentation, mais si l’œuvre de Zola nous dépeint l’émerveillement d’un homme face à la sensualité, le cas de l’Abbé Pierre nous oriente plutôt vers une grave perversion, qui le mène à la violence infligée aux plus faibles, voire même à celles qu’il était en train de secourir.

Là-dessus l’impossibilité de comprendre confine à une sidération qui paralyse les commentaires qui font suite à la révélation des agressions sexuelles dont s’est rendu coupable l’Abbé Pierre.

--> Etant si bon, comment peut-il avoir été si mauvais ?

--> Ou alors : étant si mauvais, comment peut-il avoir été si bon ?

Les seules observations qui viennent à l’esprit font écho au débat qui a suivi les récompenses attribuées à Roman Polanski : comment les films qu’il a tournés ne seraient-ils pas contaminés par le viol d’une jeune fille qu’il avait droguée ?

- Ces deux affaires ont en effet en commun de soulever la question de la cohérence entre les œuvres et la vie criminelle du créateur qui les a portées. Dans le cas de l’Abbé Pierre il faut « penser ensemble » l’Abbé qui a sauvé de la rue des pauvres qui sans lui y seraient restés, et les violences qu’il leur a parfois infligées.

Le débat resté ouvert à propos de Polanski peut-il être tranché s’agissant de l’Abbé ?

Il se peut qu’on refuse de voir le moindre rapport entre le talent nécessaire au cinéaste et la perversité dont il a fait preuve envers sa jeune victime ; par contre, l’œuvre charitable peut-elle être remise en cause par l’indifférence aux souffrances infligées aux victimes de l’Abbé qui pourtant soulève des montagnes pour les soulager ? Peut-on mettre en balance la commisération pour les SDF et la cruauté des agressions contre certaines femmes ? 

Le principe de la solution à ce dilemme consiste à établir si l’indignité du pervers contamine la charité admirable dont le Curé des pauvres (comme on l’a surnommé) a fait preuve. 

- Emmaüs serait-il donc moins admirable pour être l’œuvre d’un « grand malade » ?

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N.B. Je reprends le titre de l'édito de Raphaël Enthoven qui est visiblement une allusion au roman de Zola.

mardi 24 septembre 2024

Rester debout - Chronique du 25 septembre

Bonjour-bonjour

 

Il semble que de nos jours les migrants soient considérés comme des envahisseurs, des barbares qui, méprisant les règles de la civilisation viennent voler aux habitants légitimes d’un pays leurs mœurs, leur ressources, leur vie.

On ne les considère jamais comme des victimes, des exilés, auxquels devrait s’appliquer le statut de demandeur d’asile. C’est que le statut d’exilé porte en lui la chance d’avoir été hébergé par une terre accueillante, mais encore d’y trouver une liberté véritable.  

Ainsi, Hannah Arendt qui a vécu exilée une grande partie de sa vie, a considéré ce statut comme une chance : « Aimer la vie est facile quand vous êtes à l’étranger. Là où personne ne vous connaît, vous tenez votre vie entre vos mains, vous êtes maître de vous-mêmes plus qu’à n’importe quel moment. » Hannah Arendt – (Biographie de) Rahel Varnhagen

L’exil est en effet la meilleure image de l’autonomie qu’on puisse trouver : vécu d’une part sous l’aspect d’un isolement ruineux pour l’individu qui passe sa vie à reconstruire ce qu’il a perdu en quittant son pays, l’exil pourrait néanmoins apparaître aussi comme une liberté qui lui est laissée de vivre sa vie comme bon lui semble. On n’attend rien d’un étranger, pas même qu’il se soumette aux règles qui oppriment les autres.

- L’exil pourtant s’inscrit en faux à cette image rassurante. Non, être réfugié quelque part ce n’est pas être dans une situation positive, même si on est accueilli par un peuple bienveillant.

Parce que même alors, on reste sous la pression des autres, qui, s’ils n’exigent pas que vous soyez comme eux, vont néanmoins s’attendre à ce que vous coïncidiez avec l’image qu’ils ont de vous, en raison de votre nationalité. Si vous êtes français par exemple vous serez aux Etats-Unis l’éternel Frenchie, collection de tous les clichés bon ou mauvais qu’importe : ce seront de toute façon des clichés.

 

Alceste, le Misanthrope de Molière, choisit de se réfugier au désert, pour éviter la fréquentation des humains qui le dégoutent : il faut croire que la solitude est moins pesante que l’ennui. Il en va de l’exil comme de la solitude : ruine du prisonnier contraint à l’isolement, ou bien salut du moine qui a choisi sa cellule comme lieu propice à son ascèse. D’ailleurs la solitude est toute relative : le moine est face à Dieu ; quant à Victor Hugo, photographié ici tourné vers la France, il est visité par ses compatriotes qui lui ont gardé leur estime.

 

L’exil réuni la perte de soi et liberté dans la mesure où il est vécu comme la condition de la liberté : Rester debout, dit Victor Hugo qui fit de son exil à Guernesey le totem de sa liberté politique associée à l’ostracisme dont il fut victime. 

 

Victor Hugo au « Rocher des proscrits » à Guernesey

 

lundi 23 septembre 2024

Big Brother, watch me, please! – Chronique du 24 septembre

Bonjour-bonjour

 

Les cérémonies de passation de pouvoir entre les ministres sortants/entrants sont souvent des solennités plutôt barbantes. Toutefois, on y trouve aussi des prises de positions fraîches et créatives car les manipulations politiciennes ne sont pas encore venu les corseter par des éléments de langage bien convenus.

Ainsi : la nouvelle ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet (ci-dessous) a déclaré, lors de la transmission de pouvoir : « Depuis sept ans, les gouvernements se sont beaucoup concentrés sur le plein emploi. C’est indispensable », appelant notamment à « poursuivre les efforts de la réforme de France Travail (ex-Pôle emploi, NDLR) ou de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA ». (Lu et vu ici)

 

 


 Jusqu’ici, rien de bien surprenant ; on a simplement affaire à l’éloge du précédent ministère. 

 

- Mais tout aussi traditionnel, le nouveau ministre doit s’appliquer à montrer son originalité - ce que madame Panosyan-Bouvet a fait ainsi : « Mais le plein emploi ne doit pas être la seule priorité », car il « n’est pas le travail », qui est « un lieu de construction de l’estime de soi et du lien social » et « le moyen d’une vie digne et décente ». 


Vous avez bien lu : pour définir le travail, l’emploi n’est pas le seul élément à prendre en considération parce que le travail intervient aussi pleinement dans l’édification des composantes psycho-sociales de la personne, ainsi que dans les conditions matérielles – non pas celles qui assurent la survie, mais aussi celles qui permettent de vivre de façon digne et décente.

Et donc, en perdant son travail du fait du départ en retraite, on fait bien plus que perdre son emploi : en réformant les retraites c’est tout cela que l’État doit garantir. 

Or la retraite telle que réformée récemment ne parait pas prendre en compte suffisamment ces variables. Que fait-on de l’estime de soi assurée par l’abandon de la tâche réalisée dans le cadre du métier ? Et les liens positifs avec des ex-collègues attelés à la même tâche ? Et les ressources suffisantes pour vivre décemment ?

Mais dire que l’État doit se charger de tout cela, c’est aussi lui confier la mission de s’occuper intégralement de la vie intime des individus. 

… Oui, mais d’ici qu’il la codifie il n’y a qu’un pas. Il ne faudra pas venir se plaindre alors que « Big Brother » s’occupe de vous.

dimanche 22 septembre 2024

La sobriété n’est pas l’abstinence – Chronique du 23 septembre

Bonjour-bonjour

 

En cette période de vendanges, le temps est venu de méditer sur les bienfaits du vin.

 

- « Les bienfaits du vin » : qui donc a réfléchi à la question ? Certes il y a eu des penseurs qui ont célébré les vertus libératrices de l’alcool : ainsi Freud qui notait : « La modification de l'humeur est ce que l'alcool peut offrir de plus précieux à l'homme […]. L'humeur enjouée, d'origine endogène ou toxique, abaisse les forces d'inhibition, la critique en particulier, et rend par-là de nouveau abordables des sources de plaisir dont la répression fermait l'accès. » Autrement dit, si l’alcool rend crétin, c’est pour le plus grand bénéfice de l’humanité qui, en régressant, retrouve des plaisirs interdits.

Hum… Il y a mieux comme compliment. Du coup beaucoup voudront évacuer ce jugement : on y parle d’alcool, et non de vin, dont les bénéfices sont incommensurablement plus généreux.

C’est ainsi que la tradition accorde à Platon ce jugement : « Le vin est le lait des vieillards ».

Entendez que si le lait est l’aliment générique des bébés, au point qu’ils n’ont besoin de rien de plus pour vivre, le vin joue le même rôle pour les vieillards, aliment universel et source de bien être total. 

Oui mais : Platon est peut-être un bon spécialiste des principes métaphysiques, il n’en est pas pour autant un si bon connaisseur des bienfaits du vin. En effet, si le vin est bénéfique, il n’en reste pas moins soumis à la règle de Paracelse : « C’est la dose qui fait le poison ». Trop de vin détruit ce qu’un peu de vin construit : le bien-être et la joie d’être ensemble.

Tout est donc question de limite. Mais de quelles limites parlons-nous ? Ne sont-elles pas affaire de caractéristiques strictement individuelles ?

* Selon Platon, Socrate pouvait repousser très loin ces limites sans cesser de disserter sur la perfection humaine. Vertu qui le rend supérieur aux autres hommes.

* Plus réaliste, Thomas d'Aquin recommandait la modération : « L'usage du vin est affaire de modération. Le vin réchauffe et réjouit, on en donne aux faibles pour les conforter mais aussi aux malades enfiévrés. La sobriété n'est pas abstinence, c'est la mesure de cette boisson délicieuse. » 

* L’évêque de Mayence concluait pour sa part cette réflexion sur le vin, avec ces propos connus encore aujourd’hui et qui sont contenus dans son « Joyeux sermon » (rapporté par Goethe) : « Que chacun de vous, mes frères, se fortifie donc le corps et se réjouisse l’esprit avec la quantité de vin que la bonté divine a voulu lui permettre d’absorber ».

 

- Si c’est Dieu qui nous éclaire, personne ne pourra contester la valeur de ces conseils.

samedi 21 septembre 2024

T’as pas 100 milliards ? – Chronique du 22 septembre

 

 


 

Bonjour-bonjour

 

Il nous faut 100 milliards d’€ d’ici 2027 pour combler notre déficit – et bien sûr cette dette ne date pas d’hier. On en est au point où il se murmure qu’on finira bientôt par ne pouvoir jamais rembourser ce que nous devons, acquittant chaque année seulement les intérêts de l’année écoulée.

C’est l’occasion de nous souvenir d’un débat très vif qui prit fin en 2015 consistant a soutenir que cette dette restera impayée, et que la France est un pays économiquement trop important pour être déclaré en banqueroute. Je dis « 2015 » car j’ai en mémoire l’attentat de Charlie Hebdo où fut tué Bernard Maris qui soutenait cette affirmation. Sans que je sache pourquoi, après sa mort je n’entendis plus jamais parler de cette hypothèse.

Autre étonnement, personne ne relance cette idée, comme si la dette s’était effacée d’elle-même, comme par magie – d’où l’impression que le « quoiqu’il en coûte » du Président n’aurait aucun effet économique.

 

On dit de nous que nous sommes un peuple de cigales, soumis aux fourmis de Frankfort : c’est seulement quand on nous tape sur les doigts que nous nous soumettons aux ordres de la BCE.

C’est un fait que l’endettement va souvent de pair avec une humeur joyeuse et une disposition à faire la fête : le labeur pour les uns, la fête pour les autres.

La réalité est hélas parfois plus sinistre. En témoigne l’histoire de l’affranchissement des esclave haïtiens : « Tout au long du XIXe siècle puis du XXe siècle, les esclaves haïtiens libérés par eux-mêmes à la suite de plusieurs révoltes et leurs descendants ont été contraints de payer une dette à leurs anciens maîtres français et à leurs familles, afin de les dédommager de la perte occasionnée. » (Histoire de Haïti à lire ici)

On voudrait croire que le long souvenir de la dette à payer c’est seulement pour les créanciers. On voit bien que non.

vendredi 20 septembre 2024

Le Sahara inondé – Chronique du 21 septembre

Bonjour-bonjour

 

C’est l’été : profitez-en parce que demain ce sera l’automne.

Bien… est-ce avec cela qu’on va révolutionner notre journée en renouvelant notre regard sur le monde ?

Non ? Un peu de patience, s’il vous plait. Car l’info-climat de ce matin c’est que le Sahara est inondé par des pluies incessantes et cela depuis plusieurs semaines. Ainsi, voilà ce que les chameaux découvrent à présent :

 


Bon : les chameaux ont les pa-pattes dans l’eau : et alors ? Risquent-ils d’avoir des rhumatismes ?

En fait la chose est un peu plus sérieuse que cela – Voyez cet article du Huffington post : « Des images captées par des satellites de la NASA avant et après ces pluies montrent le verdissement d’une partie du désert vu de l’espace au cours des dernières semaines. La comparaison avec des prises de vues à la même date, en 2023, ne laisse aucun doute sur les conséquences du temps plus humide cette année sur la végétation. »

Autrement dit, alors que nos régions méditerranéennes se dessèchent et deviennent de vrais déserts, le Sahara … verdit

 

Pour qui a la mémoire longue et se rappelle des images désolantes prises au Sahel entre 1970 et 1990, montrant le dessèchement progressif et semble-t-il irréversible des régions subsahariennes, les images du Sahara d’aujourd’hui ont quelque chose d’irréel.

- Peut-être est-ce l’occasion de réfléchir sur la temporalité des phénomènes climatiques : les effets du changement climatique sont sans doute parfaitement réversibles, tout dépend de la durée durant laquelle les modifications ont été enregistrées.

Alors, certes nous n’avons pas de témoignages observables sur le réchauffement climatique ; mais on peut quand même en observer certains aspects avec le phénomène de glaciation : voyez la végétation d’altitude au-delà de 2000 mètres, tels les edelweiss. Du temps de la dernière glaciation, ces plantes étaient tout ce que la nature faisait croitre au-dessus des glaciers, et encore aujourd’hui elles marquent la limite qui séparait alors la vie de la stérilité. Tout ce qui pousse en-dessous de cette limite est revenu du néant, tout comme la frange verte au sud du Sahara qui apparait sur la photo-satellite a surgi des sables stériles.

Bien sûr, le Sahara n’est pas prêt de redevenir vert, et la longue durée pour voir cela sera sans doute une « très-longue » durée : je ne veux pas dire que nous pouvons dérégler le climat tranquilou, assurés qu’un jour ou l’autre on repassera le film à l’envers. Mais rappelons-nous que malgré sa complexité, la nature est avant tout une grosse machine et que ce qui a fonctionné dans un sens pourra un jour re-fonctionner dans l’autre.

jeudi 19 septembre 2024

Le dernier examen de l’humanité – Chronique du 20 septembre

Bonjour-bonjour

 

Depuis Alan Turing, la question de la rivalité homme/robots est posée. Turing la posait de manière fort pragmatique : Quel est le test permettant de savoir si on a affaire à un homme ou à une machine. La réponse connue sous le nom de « Test de Turing » consistait à l’origine à déterminer si on dialoguait (via l’écran d’un ordinateur) avec un homme réel ou avec un ordinateur. On devine que les machine actuelles pourvues d’IA ont depuis longtemps triomphé de ce test devenant indiscernables des hommes véritables lors de pareils dialogues.

- Les tests actuels pour évaluer l’intelligence artificielle sont donc déjà dépassés. « Des spécialistes de l’IA viennent de faire appel au public pour créer un nouveau questionnaire bien plus difficile, baptisé « le dernier examen de l’humanité» » peut-on lire dans cet article.

Le fait de faire appel au public devrait répondre au souci de délaisser la compétition entre les super-capacités de certains hommes (joueurs d’échecs, mathématiciens, compilateurs de données, etc…), pour en venir à des preuves d’humanité plus essentielles. Car pour être homme il ne faut pas nécessairement être joueur d’échec ou rédacteur émérite de rapports.

On devrait donc se demander non pas : quel est le domaine dans lequel le plus doué de hommes est battu par la machine ; mais bien au contraire : quel est la plus élémentaire preuve d’humanité dont une machine est incapable ?

La réponse à ce test pourrait bien avoir été fournie lors d’une fouille dans une grotte datant de plus de 35000 ans. « Les archéologues travaillant sur le chantier de fouilles de la grotte de Manot en Galilée occidentale, qui a déjà livré des trésors de vestiges paléolithiques, ont découvert les restes des ossements du pied d’un jeune adulte, datant de 36 000 à 38 000 ans, portant les signes d’une fracture grave remarquablement bien ressoudée. » (Lire ici) L’homme rendu momentanément invalide par cette fracture aurait succombé avant qu’elle ne se ressoude s’il n’avait pas reçu des soins suivis de la part d’autres hommes. La coopération et l’empathie font partie des éléments sans lesquels aucun homme ne pourrait faire partie d’une société humaine. Certes cet altruisme disparait du comportement des hommes dans certaines conditions ; mais cela ne signifie pas qu’il en était absent originellement – ni surtout que les sociétés humaines pourraient subsister sans cette capacité à secourir autrui. Rousseau avait déjà abordé la question.

Bref : cette empathie pourrait-elle venir des machines ? Serait-elle l'ultime test de Turing ?

mercredi 18 septembre 2024

Ça a fait BOUM ! – Chronique du 18 septembre

 

Bonjour-bonjour

 

Il est courant de souligner combien les hautes-technologies sont fragiles et, en temps de guerre, susceptibles de tomber en panne, voire d’être détournées par l’ennemi. C’est ainsi que le Hezbollah a vu dans les smartphones utilisés dans son armée des moyens pour Israël de pirater des informations sensibles. Au vu de quoi les chefs de l’armée ont imposé à leurs troupes l’abandon du smartphone remplacé par des antiques bipeurs. Mal leur en a pris : mardi ces appareils explosaient dans tout le pays occasionnant des blessés et des morts. Ces attentats ont été attribués à Israël, d'autant que le lendemain les talkies-walkies de l’armée connaissaient le même sort faisant des dizaines de morts et des centaines de blessés.

Après les smartphones, les bipeurs ; après les bipeurs les talkies-walkies. Au Liban, le Hezbollah a beau descendre les degrés de la low-tech, rien n’y fait : ses moyens de communications sont toujours vulnérables. Et là où les smartphones menaçaient la sécurité de l’information, la destruction des bipeurs menaçait le vie de ceux qui les portaient.

On a déploré la mort et les souffrances occasionnés par ces sabotages, mais on a passé sous silence leur effet le plus certain : la désorganisation des communications dans l’armée, devenue incapable de faire circuler les ordres – peut-être à la veille d’une attaque d’envergure.

 

- Que faire? Descendant encore un degré vers la low-tech, il reste encore au Hezbollah les pigeons voyageurs :


 

 

Plus lents à transmettre les messages, ils n’en sont pas moins un peu plus fiables. 

- Mais pour nous ces péripéties font apparaitre quelque chose de plus général : de nos jours, les armées obéissent à la même logique que les groupes de chasseurs paléolithiques : dans tous les cas il est nécessaire à ces hommes de se coordonner pour ne former qu’un groupe, agissant comme un seul individu. Les chasseurs de mammouth devaient sans doute agir comme les commandos qui combattent l’armée israélienne.

Certains paléologues cherchant une hypothèse pour expliquer l’irruption du langage dans les groupe d’hominiens, ont imaginé qu’un système de cri nommé « call-system » servait aux chasseurs à s’alerter mutuellement, ce qui aurait stimulé la production d’un « protolangage » – pourquoi pas ?

Plus sérieusement, en qualifiant ces sabotages d’actes terroristes on pointe effectivement l’effet le plus évident de ces explosions, mais on oublie quand même qu’ils constituent aussi un acte de guerre destiné à affaiblir l’ennemi.

… Et accessoirement à souligner le rôle de la communication en temps de guerre.

mardi 17 septembre 2024

La masculinité : une représentation collective – Chronique du 18 septembre

Bonjour-bonjour

 

L’un des sujets de débat autour du procès des viols de Mazan, est… la masculinité – et il s’agit d’une réflexion venue de la liste des violeurs recrutés par le mari de la victime, comme en témoigne ce passage venu de cet article de La Provence : « Ils sont 50, ils sont un peu tout le monde. Ils sont tous accusés de viol /…/ Ils n’ont pas de pathologie mentale et pour la plupart, pas d’antécédents judiciaires. Certains ont été victimes avant d’être bourreaux. Leurs vies sont à la fois singulières et banales » (Lire ici)

 

La question est alors : qui donc doit se sentir coupable ? Les seuls violeurs ou bien les hommes en général, tous les hommes y compris ceux qui ont respect et admiration pour les femmes ? Et en effet, la liste erratique des inculpés invite à croire que personne – à condition d’être un homme – n’est à l’abri ; par contre la généralité de l’accusation engendre le doute.

La réponse est complexe.

- Le responsable de ce crime est la manière dont le fait d’être un homme permet d’envisager le rapport aux femmes. L’un des accusés s’est défendu en disant que cette femme n’avait pas à être consentante, le consentement de son mari étant bien suffisant : « C’est sa femme, il fait ce qu’il veut avec ». Cette réflexion montre comment la masculinité apparait non pas chez tel ou tel individu, mais dans une représentation collective encore vivace dans certains milieux. 

Quels milieux ? En voici un échantillon tel qu’il apparait dans la liste des violeurs (« maçon, jardinier, journaliste, précaire, infirmier, militaire, ingénieur, gardien de prison, retraité, pompier, conseiller municipal » selon l’article cité). Une telle variété s’enracine dans une souche profondément enfouie dans l’histoire sociale.

- Mais cette représentation de la masculinité et le rapport aux femmes impliqué n’est pas du tout ce qui est vécu par les hommes. C’est là que le malentendu se noue : certes les hommes en général sont aujourd’hui respectueux avec les femmes et susceptibles de vivre avec elles des relations très positives. Mais le système de représentation sociale du rapport homme/femme comporte encore des images venues du patriarcat, qui surgissent de temps à autre et qui rendent possibles – ou du moins pensables – ces relations toxiques.

C’est pour cette possibilité-là que les féministes invitent tous les hommes à réfléchir à la responsabilité de leur masculinité. Seulement certain(e)s oublient le coté culturel de la chose pour n'y voir qu'un fait naturel : ils (elles) mettent alors le curseur un peu plus haut : « Vous tous, les hommes, êtes des violeurs en puissance »

Et là, on ne se comprend plus.

lundi 16 septembre 2024

Ça va faire BOUM !!!! – Chronique du 17 septembre

Bonjour-bonjour

 

Une image vaut parfois mieux qu’un long discours. En voici une qui devrait décrire de façon figurée la vie politique française pour les mois à venir :

 


- Pour ceux qui le souhaitent, cette image peut être expliquée : le Rassemblement National s’organise pour faire sauter le gouvernement au moment qu’il aura choisi, provoquant une nouvelle dissolution qui lui permettra de se retrouver devant les électeurs au moment qu’il aura voulu, sur les thèmes qu’il aura pris soin, longtemps en amont, de mettre sur le devant de la scène.

- Elle peut aussi être commentée : alors que le Président avait semble-t-il finement joué avec la dissolution en juin lui permettant de ravir l’initiative aux partis qui voulaient mettre le gouvernement par terre lors du vote du budget en octobre, le voici confronté, cette fois de manière inéluctable, aux manœuvres de l’extrême-droite.

On souligne la brutalisation de la vie politique qui charrie les pires insultes et les fausses nouvelles à foison. Et si ces immondices cachaient quelque chose de beaucoup plus subtile, telle une partie d’échec ? On dit que le joueur d’échec doit prévoir les cinq coups qui vont suivre : nul doute que le Président savait que cette menace nucléaire pesait sur l’après-élection. Mais ce n’était qu’un scénario parmi bien d’autres.

Alors, maintenant que même nous, citoyens de base, pouvons prévoir cette future dissolution qui donc va nous annoncer les quelques coups suivant ? Je veux dire : « Suivant la démission du Président »

dimanche 15 septembre 2024

Éloge de la boite à chaussure – Chronique du 16 septembre

Bonjour-bonjour

 

A propos d’une exposition de photos j’entends parler des albums photos, eux-mêmes parfois recherchés par les collectionneurs. Dans une classification sommaire, on les oppose alors aux boites à chaussures où étaient entassées pêle-mêle les photos de la famille, laissant au hasard le soin de les ordonner.

J’en déduis que, du temps où on avait des photos-papier, il y avait deux catégories de gens : ceux qui avaient des albums et ceux qui préféraient la boite à chaussure.

 

- J’ai écrit « ceux qui préféraient la boite à chaussure » pour souligner que certains – et j’en fais partie – préfèrent ne pas anticiper l’apparition d’un élément dans un ensemble de photos ordonnées. C’est pour ceux-là que les platines CD d’autrefois avaient une fonction « hasard » pour diffuser les morceaux enregistré sur le disque de façon aléatoire. C’est une sorte de mixage sans D.J. qu’on attend du hasard, et c’est cela que rend possible la boite à chaussure.

 

- C’est l’occasion de mettre en évidence le rôle du hasard, souvent ignoré dans la vie quotidienne, mais présent un peu partout.

Telle est la fonction du jeu et de son double, le pari. Comme disait Kant si on attendait d’être certain du résultat, on ne ferait pas grand-chose dans notre journée. Par contre suivant pour cela la pente du désir, nous faisons comme si ce que nous espérons arrivera – justement parce que nous l’espérons.

Peut-on aller jusqu’à interpréter comme cela la dissolution de l’Assemblée qu’a actée le Président alors qu’il n’y était pas contraint ? Beaucoup le lui ont reproché, considérant qu’il s’agissait d’un pari – au demeurant très risqué.

C’est vrai. A condition toutefois de mettre cet aléa en balance avec une certitude : ce faisant, le Président retrouvait l’initiative dont il était privé.

Mais, rêvons un peu : le Président a une vieille boite à chaussure dans laquelle il a mis des bouts de papiers sur les quels sont inscrites des prescriptions, telles que « Dis oui », « Dis non » « Donne raison (ou tort) au prochain qui entre dans ton bureau », etc. Et lorsque la décision est en balance, il tire un papier de sa vieille boite à chaussure…

 

Tout cela a l’air bien farfelu, mais l’expérience a été tentée avec un résultat surprenant. Il ne s’agissait pas des décisions politiques, mais de la gestion d’un portefeuille bousier. Deux gestions virtuelles étaient testées avec le même portefeuille, l’une de façon rationnelle par des spécialistes et l’autre de façon aléatoire par des ignorants. Vous l’aurez deviné : c’est la seconde qui s’est révélée la plus performante.

samedi 14 septembre 2024

Des nouvelles de… Bruno Le Maire – Chronique du 15 septembre

Bonjour-bonjour

 

Lu ici : « À compter du 23 septembre, le ministre de l’Économie démissionnaire, Bruno Le Maire, débutera son nouveau travail loin de Bercy. Il interviendra à raison de deux fois par semaine en tant que « professeur invité » au centre Enterprise for Society (E4S), en Suisse. 

L’ex-homme politique contribuera à l’enseignement du master en management durable et technologie /…/. Il donnera également des cours de géopolitique aux étudiants de bachelor de la Faculté des HEC de l’Unil, ainsi que des cours de Business and Public Policy aux étudiants de MBA à l’IMD. Selon Jean-Philippe Bonardi, codirecteur d’E4S « Le partage de son expérience en tant qu’ex-ministre offrira aux étudiants des aperçus pratiques sur la manière dont les politiques peuvent être conçues et ajustées pour répondre aux besoins sociétaux ».

 

Ouf… C’est un peu long, mais il fallait bien ça pour tourner la page et prendre conscience qu’il y a une vie après la politique.

Quoique… Dire que Bruno Le Maire vient de « tourner la page » de la politique relève peut-être d’une approche superficielle. Car la politique, ce n’est pas seulement des responsabilités officielles ; c’est aussi une approche de la vie réelle, celle qui court tout au long de la journée pour chacun d’entre nous. Or que va faire l’ex-ministre de l’Économie ? Il va comme on vient de le lire : « offrir aux étudiants des aperçus pratiques sur la manière dont les politiques peuvent être conçues et ajustées pour répondre aux besoins sociétaux » Autrement dit, il fait ce que nous faisons tous : adapter les prescriptions officielles aux réalités de la vie quotidienne, qui consistent par exemple à fixer les choix du ménage en matière de budget : Le Maire a fait ça pour la France en tant que Ministre. Maintenant il fait la même chose pour aider les étudiants suisses à tirer parti de la théorie enseignée.

- Pourquoi faire appel à un Ministre expérimenté par sept années d’expérience à Bercy ?

Parce qu’à un certain niveau l’expérience individuelle ne suffit plus : ce qu’il faut gérer c’est la satisfaction des besoins sociétaux. Car à côté des besoins individuels, dont on vient d’évoquer la gestion avec la question du budget des ménages, il y a des besoins « sociaux »

« Les besoins sociaux incluent des aspects très diversifiés tels que différentes sortes de sécurité « (revenu, physique, psychologique) impliquant l’accès à des soins de santé, à des services sociaux, accès à des services juridiques, et même l’accès à des services de loisir, ou de développement de relations sociales » nous explique (ici) un réseau universitaire québécois.

On comprend donc que si la satisfaction des besoins sociaux est différente de celle des besoins individuels, en revanche l’arbitrage entre les injonctions extérieures et les besoins vécus suppose qu’on passe par-dessus la distorsion entre le collectif et l’individuel – ce que la théorie enseignée dans les universités ne suffit pas à faire.

Mais au fait : est-il sûr que l’expérience du gouvernement soit la meilleure possible pour arriver à répondre à ces besoins sociaux ?

vendredi 13 septembre 2024

La nature humaine est bonne, ses abus la rendent démoniaque – Chronique du 14 septembre

Bonjour-bonjour

 

Le Pape vient de dire ceci : « Les gens bons, les gens, les gens qui font le bien - tu as cité l’abbé Pierre - plus tard, malgré tout le bien (qu’il a fait), on découvre que cette personne est un terrible pécheur. C’est notre condition humaine »

Tout comme nous, le Pape François est incapable d’expliquer le double comportement de l’Abbé Pierre, considéré comme un saint pour sa bienfaisance et comme un « terrible pécheur » pour ses agressions sexuelles.

Soyons juste – François a quand même précisé ceci : « On doit être clairs sur ces choses, ne pas dissimuler, le travail contre les agressions est une chose que nous devons tous faire. Pas seulement contre les agressions sexuelles, mais contre tout type d’abus : l’abus social, l’abus éducatif, changer la mentalité des gens, attenter à la liberté… l’abus est, à mes yeux, une chose démoniaque ! »

Sans détailler les péchés énumérés ici (liste qui comporte les conversions forcées), notons qu’en l’homme le bien et le mal se côtoient sans se mélanger. L’homme créé bon par Dieu, a développé, sans que cela ne détruise le bien qui est en lui, une propension à faire le mal, sous l’effet du Tentateur. Plus explicitement, si le Créateur a donné à l’Homme des facultés bonnes en elles-mêmes, comme la sexualité, leur abus est radicalement mauvais.

Et c’est ainsi qu’on peut expliquer que l’Abbé Pierre soit devenu un agresseur sans cesser d’être un bienfaiteur (reste à expliquer qu’il fut parfois les deux en même temps, agressant des femmes qu’il venait de secourir). C’est à mon sens l’intérêt de la doctrine catholique que de donner à comprendre que c’est par essence que cette dualité est dans l’âme humaine. Dualité non pas faite d’un mélange de deux principes qui ne peuvent ni ne doivent se confondre, mais d’un principe (« Tout ce que Dieu a fait est bon ») et de son usage (« L’abus de ces facultés est démoniaque ») 

 

C’est difficile à comprendre ? C’est que nous sommes alors sommés de comprendre le Créateur 

jeudi 12 septembre 2024

Une espèce multiplanétaire – Chronique du 13 septembre

Bonjour-bonjour

 

Regardez-moi ça :


 


 

Cette capture d’écran montre le milliardaire américain Jared Isaacman, commandant de la mission Polaris Dawn de l’entreprise d’Elon Musk, sortir de la fusée de SpaceX lors la première sortie spatiale d'un civil de l’histoire. On le voit ici émerger de la capsule : « C’est magnifique », a-t-il déclaré.

La mission de l’entreprise d’Elon Musk marque une nouvelle étape dans l’exploration commerciale de l’espace : « Permettre à l’humanité de devenir une espèce multiplanétaire » 


… Et pendant ce temps-là, on lit dans le journal Sud-Ouest que « La grande pauvreté s’installe en France : 2 000 enfants dorment dans la rue, dont une soixantaine dans le Sud-Ouest » (selon le rapport de l’Unicef et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)). 

--> Ce n’est pas Bombay, mais on y pense quand même.

 

Le rapprochement de ces informations risque fort de faire jaillir des indignations porteuses de projets tous plus dystopiques les uns que les autres : au fond de tout ça un régime de dictature s’annonce, porteur de violence et de misères comme l’a montré le bolchevisme.

 

Bolchevisme? Comment cela?

Mais si, on le sait bien: on imagine un Etat capable de confisquer les profits des entreprises pour les redistribuer - ou pas - selon une logique qui lui appartient.

Bien sûr, mais ce n’est même pas cette dystopie qui nous fait peur. Sommes-nous prêts à cautionner un régime qui taxerait les revenus au point de supprimer les bénéfices au-delà d’un certain montant empêchant - par exemple - des fêtes dispendieuses d’advenir afin de secourir les nécessiteux ?

Les fastes exorbitants des Olympiades de Paris ont donné à voir ce que ça donne : beaucoup de joie pour presque tous et pour ceux qui n’ont rien le spectacle désolant d’un gaspillage gigantesque qui les prive des secours qu’on aurait pu financer avec tout ça. Non seulement on a toléré ça, mais en plus on a éloigné les SDF pour que leur spectacle ne gâche pas notre joie.

Et avec ça on n’avait même pas l’ambition de devenir « multiplanétaires » !

Vous vous étonnez peut-être qu’on ait toléré ça ; mais faites donc un référendum pour savoir qui est prêt - aujourd'hui même - à interdire les Jeux Olympiques tant qu’il y aura un seul SDF dans les rues de Paris. 

- Mais on reste une espèce multiplanétaire: ce sont les SDF de Mars qui vont se réjouir de nous voir arriver.