samedi 7 août 2021

La liberté : sentiment ou concept ? – Chronique du 8 aout

Bonjour-bonjour

 

Hier j’arrive pour assister à un spectacle et je suis interpellé par deux hommes, tenue de combat et carrure ad-hoc :

- Votre pass sanitaire s’il vous plait !

Moi, un peu craintif, j’allume mon smartphone et j’affiche mon QR-code. Bien sûr en appuyant sur l’écran on n’affiche que l’image du code histoire de limiter la lecture du texte au seul possesseur du décodeur. Mais pour le contrôleur, c’est cela qui s’affiche :

 

 

« TousAntiCovid Vérif » révèle aux professionnels qui l'utilisent quatre informations. Les prénoms, le nom, la date de naissance et la validité du pass sont affichés à l'écran.

Avec d'autres applications de lecture, un simple scan sur une application lambda de lecture de QR Code révèle par exemple le type de pass sanitaire (vaccin, tests) et le nom du vaccin injecté (Pfizer, Moderna, Johnson & Johnson), la date de l’injection. » (Lire ici)

Libre à ceux qui ont l’intimité chatouilleuse d’y voir la divulgation d’informations sensibles. Quant à moi qui cherche à prendre un peu d’altitude, je laisse les cas les plus particuliers à leur place, et je me dis que ce refus du pass ne tient pas à ces infos, mais plutôt à l’usage qui en est fait. Hier quand j’ai franchi allègrement le contrôle j’étais certain que seules des personnes immunisées (en oubliant quand même les simples titulaires d’un test négatif) pouvaient accéder à cet espace. D’où l’idée que la protection des personnes n’est pas l’objectif ce pass : car si nous sommes effectivement immunisés, que nous importe que des gens non protégés nous côtoient ?  Ce n’est pas pour nous que cette vérification est faite, mais pour eux. Pour les empêcher de répandre le virus et de faire qu’un cluster ne puisse se créer à l’occasion de réunions publiques.

Et là on comprend le mouvement des manifestants qui crient à la volonté liberticide : on ne protège pas ceux qui ont le pass, puisqu’ils n’en ont pas besoin ; mais on veut empêcher la propagation de la maladie chez les non-vaccinés et pour cela on leur interdit de faire ce que bon leur semble. Alors, certes, l'épidémie constitue une explication de ces mesures. Mais est-elle suffisante? Sans doute, mais la liberté est un principe qui n'admet pas d'exception. Ce qui importe ce sont les conditions philosophiques auxquelles cette restriction des libertés publiques est compatible avec la liberté garantie par la constitution. J'ai déjà évoqué la question (ici) et je n'y reviens pas.

Reste que la liberté c’est aussi un sentiment -avant même d’être un concept.

Quand on lui demande son QR, l’homme de la rue crie instantanément « A bas la police ! »

Le citoyen-philosophe réfléchi d’abord.

vendredi 6 août 2021

La vaccination ? Du pipi de chat ! – Chronique du 7 aout

Bonjour-bonjour

 

Dans les Côtes-d'Armor, un abattoir a décidé de verser près de 200 euros pour les employés ayant reçus leurs injections vaccinales. Une première qui parait la bienvenue dans une entreprise (l’abattoir) où on a vu récemment que le virus circulait plus activement qu’ailleurs.

Toutefois les syndicats protestent estimant qu’il s’agit là « d’un chantage au porte-monnaie », et de toute façon cette mesure pourrait être retoquée par la justice. (Lire ici)

 

Curieux débat qui consiste à savoir si les syndicats vont obtenir que le patron ne donne pas une prime de 200 € à ses employés. 

- C’est contraire à l’égalité des traitements ! Nous exigeons que chacun touche le même salaire ! La misère doit être également partagée !

En réalité, la question est plus épineuse que cela : la prime est certes la bienvenue, comme toute prime, sauf qu’il s’agit de savoir selon quel critère celui-ci en aura une et celui-là n’en aura pas. Une prime est un « bonus » qui permet de récompenser une plus grande productivité. D’où la question : un employé non-vacciné a-t-il une moins bonne productivité que le salarié vacciné ? Oui, si l’on considère que le risque d’attraper la covid est plus grand pour lui : la prime récompensera ceux qui ont fait l’effort (le sacrifice ?) de se laisser inoculer. On ajoutera qu’on peut très bien continuer à refuser le vaccin, que de toute façon une prime n’est pas une contrainte, et que c’est à chacun de savoir si cette somme d’argent est motivante ou non. 

Toutefois on se rappellera cette circulaire québécoise qui permet aux néo-vaccinés de participer gratuitement à une loterie pouvant rapporter jusqu’à 150000$ : on pourrait admettre que tout peut s’obtenir pour de l’argent, la seule question étant de savoir combien de zéros il faut mettre sur le chèque pour obtenir ce que l’on veut. Tout s’achète et tout se vend, tel est le principe qui règle depuis la nuit des temps les rapports humains.

Mais à ce compte, une jeune femme pourrait s’attendre à ce que son contrat d’embauche lui promette une prime en cas de non-gestation. D’ailleurs c’est peut-être ce qui existe déjà ? On sait qu’Apple propose aux femmes de l’entreprise de financer la congélation de leurs ovocytes, leur permettant ainsi de repousser une grossesse lorsque leur travail le leur permettra. Alors vous pensez : à côté de ça, encourager la vaccination ce n’est rien du tout – du pipi de chat.

jeudi 5 août 2021

On ne commande la nature qu’en lui obéissant – Chronique du 6 aout

Bonjour-bonjour

Il arrive que la nature nous oblige à reconnaitre notre faiblesse quand nous l’affrontons directement : c’est ce que Dixie fire, l’incendie géant de Californie nous force à constater.

 

 




Dixie fire a ravagé Greenville, 800 habitants (voir ici)




Ce réverbère tordu jusqu’au sol par la chaleur, cette Jeep calcinée alors que les forces les plus performantes de la luttes anti-incendie étaient rassemblées nous le rappellent : face à cette force de la nature que constitue un pareil incendie, nous ne sommes rien, et le mythe de Prométhée nous revient à l’esprit : malgré toute notre industrie (1) Dieu nous a créés faibles et sans défenses, obligés de quémander Son assistance pour obtenir de quoi survivre. Et finalement notre prétention à nous affranchir de cette sujétion retombe inexorablement. Plutôt que de lutter par la force, nous devons biaiser pour prévenir le danger ou encore l’empêcher de se déchaîner, par exemple en plantant des essences d’arbres incombustibles – et si ça n’existe pas encore, mobilisons notre ingéniosité pour la créer.

 

Un autre exemple est en passe de le prouver : alors que le moustique tigre se propage indifférent aux attaques dont il est l’objet, une découverte qui consiste à répandre chez les moustiques un virus capable de neutraliser les maladies dont ils sont le vecteur permet de les supprimer. Ici, pas d’attaque frontale, le moustique continue de nous piquer, mais la dengue et le chikungunya disparaissent.

 

C’est Francis Bacon qui disait en 1620 dans le Novum organum « « On ne commande la nature qu’en lui obéissant ».

Depuis nous nous sommes efforcés de démentir cet aphorisme, mais nous y sommes toujours revenus. 

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(1) Terme que je prends ici au sens premier « Habileté à réaliser un travail, à exécuter, à faire quelque chose. » (CNRTL)

mercredi 4 août 2021

Météo France avait raison à 10% – Chronique du 5 aout

Bonjour-bonjour

 

Un été pourri, voilà ce qu’on nous réserve cette année. Et météo France, vous croyez qu’ils nous auraient prévenus ? Mais non ! Fin avril ils nous servaient la prévision d’un été chaud et sec ; sinon, pourquoi on serait aujourd’hui à Plougastel ?

 


Été 2015 : un apéro à Plougastel

 

Alors, voilà que maintenant on nous dit « qu'un scénario plus chaud que les normales saisonnières avait 50% de chance de survenir, une météo proche de la normale 40%, mais aussi un scénario plus froid 10%. » (lu ici). Ils n’ont donc tort qu’à 90% - on devrait se contenter de ça ! 

Météo France nous explique patiemment, comme si on était des nuls que "le scénario le plus probable ne se réalise pas systématiquement", et "le moins probable peut se réaliser".

Oui sauf qu’avoir chaud à 50% et froid à 10%ça nous laisse de marbre : nous ce qu’on veut, c’est savoir ce qu’on va mettre dans la valise ; des maillots ou des cirés ?

Conscient de l’insuffisance de ces explications, les prévisionnistes de Météo France précisent : « /pour les prévisions saisonnières/ on ne peut pas faire de prévisions déterministes comme on le fait à courte échéance, c'est simplement les probabilités de différents scénarios ». Il y a donc deux sortes de prévisions : les déterministes et les probabilistes. Pour les premières l’évolution de la situation résulte de facteurs déjà présents : le conflit entre des masses d’air conduit à des orages c’est une certitude – simplement leur occurrence ici où là-bas, 10 km plus loin, n’est que conjoncturelle. 

Pour les secondes, on n’a pas de données semblables, on ne peut que se référer à ce qui arrive habituellement, comme le froid en hiver et la chaleur en été. 

Vous en voulez des prévisions saisonnières ? En voici une : « Noël au balcon, Pâques au tisons » : c’est elle aussi une probabilité statistique ; mais elle coûte beaucoup moins cher parce qu’elle n’a pas besoin de satellites ni de super-ordinateurs pour être fabriquée.

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P.S. Ajoutons qu'on peut espérer que les prévisions "probabilistes" deviendront un jour des prévisions "déterministes". Pour cela il faudra simplement que la connaissance des mécanismes du climat soient plus finement connus. Sauf si ces mécanismes entrainent une indétermination structurelle, comme avec ces situations qui produisent du chaos déterministe (plus connu sous le nom "d'effet papillon").

L'avenir n'est peut-être pas écrit...


 

mardi 3 août 2021

Ça, c’est français monsieur ! – Chronique du 4 aout

Bonjour-bonjour

 

On ne voudrait pas être à la place du Président obligé de faire de la « pédagogie » encore et encore pour convaincre les récalcitrants d’aller se faire vacciner. Faut-il dire que c’est le seul moyen pour être immunisé ? Le seul pour continuer de profiter des terrasses et des cinés sans craindre le reconfinement ? Que se faire vacciner ce n’est pas seulement penser à soi mais aussi penser aux autres, en bon citoyen ?

Tous ces arguments ont été serinés ad nauseam. Il ne reste plus qu'un seul argument : dire que le vaccin anti-covid est français et que se faire vacciner c’est n'est pas seulement faire confiance à la science : c’est le génie français que l’on honore en se faisant inoculer.


Ici, on sursaute : on croyait que lrecherche française s'était lamentablement vautrée dans la création du vaccin anti-covid, et que même l'Institut Pasteur avait jeté l'éponge ? 

Mais, vous n'y êtes pas du tout ! La France a inventé le vaccin - une fois pour toutes ! Et maintenant les autres pays ne font qu'appliquer servilement la géniale invention de Louis Pasteur - on ne va quand même pas s'attarder là dessus : laissons les autres appliquer nos recettes ! 


- Vous ne me croyez pas ? Écoutez un peu les propos du Président de la France sur Tik Tok ou Instagram. Pour convaincre notamment les plus jeunes de se faire vacciner, il invoque le scientifique du XIXe siècle Louis Pasteur et son vaccin contre la rage : « Le vaccin, d’abord, c’est français, c’est Louis Pasteur, ça fait un petit moment ». Du coup on comprend qu'en se faisant vacciner on bénéficie du bien fait d'un produit français. Exactement comme si, ouvrant une bouteille de vin on disait « Allez-y ça ne peut pas vous faire de mal, c’est français ». D’ailleurs comment oublier qu’à Arbois, la patrie de Pasteur, on produit également un fameux vin.

 



Et ce n’est pas tout : à ceux qui redoutent que le vaccin à ARN-messager ne trafique leur ADN, Emmanuel Macron lance : « l’ARN messager, technologie utilisée par plusieurs vaccins anti-Covid, c’est à nouveau une découverte française et ce n’est pas d’hier, c’est de 1961 ». Et c’est vrai que lorsque - en 1961 - Jacques Monod, François Jacob et François Gros  tous chercheurs de l’Institut Pasteur avaient démontré l’existence de cet ARN, on n’avait pas été peu fiers !

Au fond, quand on ne peut réfuter avec des arguments rationnels, reste à convaincre en se plaçant dans le même background que les contradicteurs. Le nationalisme cocardier peut-il en faire partie ? Pas sûr, mais qu’est-ce qui nous reste ? 

Attendons les résultats.

lundi 2 août 2021

La force de la loi – Chronique du 3 aout

Bonjour-bonjour

 

Et revoilà le décret qui autorise les deux roues à pratiquer la circulation la circulation « interfile », c’est-à-dire entre deux files de véhicules.

Comme ça :

 

 


 

Tous ceux qui ont quelque peu circulé sur les autoroutes périurbaines, en particulier dans la région parisienne, savent de quoi il s’agit : ces deux-roues qui vous doublent là où vous ne les attendez pas, ont maintenant le droit de le faire, du moins provisoirement et en quelques lieux. 

 

Et là, on s’étonne : sur une file il y a la place pour une voiture, ou pour une moto, mais pas pour les deux en même temps. A moins de décréter que, sur cette file, il y a une autre file virtuelle qui se place dans l’interstice qui sépare cette file de sa voisine. Cet espace, non utilisé parce que les voitures sont généralement moins larges qu’une file d’autoroute, prend alors une existence autonome, elle acquiert une réalité sur laquelle on va pouvoir légiférer. 

- C’est cela qui frappe surtout : pour que la loi s’exerce il faut encore que ce soit sur quelque chose qui existe réellement. Imaginez que par la loi il soit interdit aux fantômes de se balader partout et d’importuner les gens le soir d’Halloween. Ridicule n’est-ce pas ? Hé bien, voilà qu’il devient permis de circuler en moto là où rien n’existait, et qui du coup se met à exister : étrange, non ? 

Sauf si avant de formuler cette loi, une autre était publiée, stipulant que dans chaque file il existe une voie virtuelle susceptible d’être occupée par un deux-roues.

Et là, chapeau bas devant cette force de la loi qui peut légiférer sur l’interstice. Preuve que le législateur peut conférer une existence en séparant en deux une réalité autrefois unique. Cette force est positive si elle permet à ce qui se trouve ainsi isolé d’exister vraiment ; mais aussi négative si elle fait basculer dans le néant ce qu’on sépare, comme lorsque les nazis ont tracé une frontière entre l’humanité et la bestialité à l’intérieur du genre humain désignant ainsi les juifs comme des sous-hommes.

Je sais ! On va me reprocher de me ridiculiser en me soumettant à la loi de Godwin à propos d’un sujet aussi futile. Oui… Mais c’était bien tentant.

dimanche 1 août 2021

Demain, mettrons-nous encore un tigre dans notre moteur ? – Chronique du 2 aout

Bonjour-bonjour

 

Vous avez vu ? En France, depuis le mois dernier, chaque week-end on mesure par centaines voire par milliers les kilomètres de bouchons. Des voitures, parechoc contre parechoc sur trois files dans la vallée du Rhône de Lyon à Orange.

Et c’est le moment que choisit la Fédération des constructeurs automobiles pour nous avertir : il se vend de moins en moins de véhicules neufs, et si ça continue comme ça bientôt ne rouleront dans nos rues que de vieux tacots surannés = 1000 kilomètres de vieilles guimbardes toussant et fumant le long de nos autoroutes toutes neuves : ça vous dit ?

Quelle horreur ! Comment comprendre la baisse inédite des ventes de véhicules neufs ?

On nous l’explique par le souci de mettre de la thune de côté pour se protéger si d’aventure le virus bouffait nos entreprises – soit. Mais les euros détournés de l’achat de voiture ne restent pas toujours dans la poche de l’Écureuil : certains s’orientent vers la rénovation et l’équipement de la maison, comme si, suite au Grand Confinement, alors que leur voiture restait au garage, des gens, du fond de leur canapé, s’étaient mis à gamberger sur un salon tout neuf ou une terrasse-piscine. 

Disons-le : la voiture ne fait plus rêver, les plus neuves, bardées de gadgets électroniques et super-connectées risquant même de ne plus pouvoir circuler en centre-ville du fait que celles-ci mettent en place des zones à faible émission de CO(1).  Les gens ne savent pas si la voiture sera rentable, si elle va perdre de la valeur, si elle pourra encore circuler en ville d’ici à 2024 etc.

Et pourtant… Je connais un jeune de 16 ans qui voue une admiration sans limites à la voiture-essence, qui rêve d’avoir 18 ans pour s’en acheter une et qui espère qu’on va arrêter avec cette folie destructrice à l'encontre de la voiture thermique : on oublie selon lui qu’en additionnant toutes les pollutions venues de la fabrication et du recyclage, le véhicule électrique est aussi polluant que la voiture ordinaire. Mais ce n’est pas tout : ce qu’il veut lui, c’est une voiture avec un gros moteur qui fait vroum-vroum ; son rêve c’est la voiture des années 70 qui faisait encore la course à la cylindrée, la plus grosse étant la plus bruyante… et la plus polluante ? Certes, mais on peut sans doute s’en contenter, vu le plaisir qu’il y a selon lui à dominer la puissance d’un moteur qui rugit. Car, a-t-on déjà entendu un moteur électrique rugir ? Ce qu'il fait, lui, c'est tout juste un couinement de souris.

Il y a 50 ans, Esso nous proposait de mettre un tigre dans notre moteur (grâce à son carburant bien sûr)

 

 

Ah… C’était le bon temps !

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(1) Il s’agit des Zone à Faibles Emissions Mobilité (ZFEm) mises en place dans la plupart des grandes villes.