Bonjour-bonjour
31 décembre : C’est le « moment double face », quand on peut faire en même temps des vœux prospectifs et des bilans qui englobent l’année passée. Mais la différence est réelle : alors que les vœux sont de l’ordre du possible, le bilan est de l’ordre du réel – raison pour laquelle on l’évite en cette période de fête autant que possible parce que le réel est rarement festif.
En sera-t-il ainsi ce soir avec les traditionnels « vœux du Président » ? Imaginez-vous que le Président Macron va nous dire : « Voici ce que j’avais promis d’engager comme actions il y a un an, classées selon que mes promesses ont été réalisées ou non, et réussies ou non. »
Bien sûr que non, mais vérifier, n’importe qui peut le faire. Comme cette station de radio qui, reprenant la promesse de désengorger les urgences prononcée il y a un an, s’est placée hier matin armée d’un micro à la sortie du service d’Urgence d’un grand hôpital pour demander aux patients qui en sortent comment les choses se sont passées. Le patient interrogé ce matin (et on veut croire qu’il n’a pas été sélectionné en fonction de sa réponse) répond : « 7 heures d’attente ». Certes il se peut qu’il s’agisse d’un jour défavorable, mais cette réponse recoupe l’expérience commune : rien n’a changé.
Et ainsi de bien des choses : si on ne s’intéresse ni à ce qui a réussi ni à ce qui a été raté et qu’on fasse un simple bilan qualitatif des engagements du Pouvoir, ce dernier risque bien d’être qualifié « d’impuissant ».
Et justement ce mot – « le pouvoir », désigne-t-il exactement la nature de cet exécutif qu’on a pris l’habitude de considérer comme responsable de tout ce qui arrive dans le domaine politique, juridique et économique ? Le seul qui pourrait détenir valablement ce titre serait un régime qui contrôlerait tout ce qui peut arriver dans le pays, y compris (si possible) les ouragans et les sécheresses, comme par exemple avec le régime de Pyongyang.
- Mais alors, c’est juste le contraire qui se passe dans une démocratie : pour obtenir un effet notable, les dirigeants démocrates doivent espérer que le seul fait d’énoncer des projets suffirait à les réaliser. Par exemple – croyant que les Urgences sont en train de se désengorger comme l’a promis le Président, les gens inquiets de leur santé s’abstiendraient de se rendre dans ce service pensant qu’il serait toujours temps d’y aller plus tard – si ça persiste. On sait que c’est le contraire qui arrive.
Allez – Bonne année quand même !
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La promesse du petit doigt – Chronique du 31 décembre (2)
(Re)-bonjour,
La promesse du petit doigt est une façon courante de promettre quelque chose, en s’appuyant sur cette comptine :
« Pinky, pinky bow-bell, / Whoever tells a lie / Will sink down to the bad place / And never rise up again. » (« Petit doigt, petit petit carillon / Celui qui dit un mensonge / Sombrera au mauvais endroit [ira en enfer] / Et ne se relèvera jamais [ne ressuscitera jamais] »)
Ferez-vous une telle promesse ce soir, au lieu de faire des vœux totalement irresponsables ?
C’est pourtant une curieuse façon de s’engager dans une promesse : geste fort certes puisqu’il évoque une alliance physique avec celui qui en est le bénéficiaire, mais aussi geste faible, le petit doigt étant le plus faible maillon de chair possible – que ne se serre-t-on pas la main ?
- Mais n’est-ce pas une manière réaliste de promettre quelque chose ? Je veux dire : l’union des petits doigts sont une façon de promettre quelque chose de ridiculement petit, mais qui peut être réitéré à n’importe quel moment la journée. Ça ferait comme si le Président nous annonçait le matin « Aujourd’hui les services d’Urgence seront engorgés mais que ça ne durera pas plus de 7 heures avant de pouvoir consulter. » Et l’après mdi : « Je fais le nécessaire pour que le RER n’ait pas de retard – sauf si quelqu’un se jette sur les voies »