mercredi 7 juin 2023

Rugir comme un fauve – Chronique du 8 juin

A Roland Garros Alexander Zverev déclare : « Je suis en demi-finales de Roland-Garros et j’en suis très heureux ! ». L’instant d’avant il avait manifesté sa joie de la façon la plus expressive :


 

Le rugissement d’Alexander Zverev (vu ici)


L’idée que l’Homme possède un fond atavique animal n’est pas récente, tant s’en faut. Mais la voir revenir à l’occasion d’un sport aussi policé que le tennis étonne : pourquoi pas plutôt au rugby ou au judo ? 

Et puis de toute façon, quel animal inconnu jaillit à cette occasion sur les courts de Roland Garros ? Le primate qui sommeille en nous serait-il plus tigre que gorille ?


 

Vient la question : puis qu’il s’agit d’un fonds archaïque, il doit être présent en chacun de nous - alors et moi ? Oui, moi : en quelles occasions ai-je pu rugir ainsi ? Sous le coup d’un besoin urgent, par exemple lorsque la faim me tenaille ? Ou au contraire, comme Zverev, pour manifester la puissance qui se développe en moi, lors d’un accouplement réussi ?

Ne comptez pas sur moi pour vous révéler mon intimité : contentez-vous de rechercher la vôtre.

mardi 6 juin 2023

Bulles de savon – Chronique du 7 juin

 


Bonjour-bonjour

 

Hier le Président Macron a confié aux journalistes qui l’interviewaient une de ces formules dont il a le secret et qui résumait à ses yeux la situation des français arcboutés contre la réforme des retraites : « On fait des bulles de savon et on a même plus de mousse » ;

Alors que la bulle de savon est spectaculaire mais totalement inutile puis qu’immatérielle, la mousse qui l’a nourrie quant à elle est utile : on peut au moins se laver les mains avec.

Le débat politique se nourrit donc d’une opposition très ancienne entre le matériel et le spectaculaire, le paysan et le noble, l’opinion brillante et la vérité. 

Si on remonte à Platon on sait que Socrate luttait contre les rhéteurs qui par leur sophistique parvenaient à convaincre les citoyens qu’ils possédaient la vérité alors qu’ils étaient dans la totale ignorance : ils incarnaient les bulles de savon, alors que les philosophes qui eux, la possédaient, étaient méprisés comme inutiles et ennuyeux.

 

Nous sommes donc toujours attirés par les mêmes illusions qui séduisent sans jamais pouvoir réaliser ce que pourtant elles ont promis : et comme Ulysse attaché au pied de son mât supplie ses matelots de le laisser rejoindre les Sirènes dans leur gouffre mortel, nous voulons suivre ceux qui nous promettent le bonheur pour tout de suite. Les bulles de savon et la mousse.

Ne sommes-nous pas un pays riche ?  

lundi 5 juin 2023

Bonjour-bonjour

 

Voici des nouvelles … contrastées, à lire comme des visions tranchées, sachant quand même que les premières sont des informations sur ce qui est en train de se faire, et l’autre sur ce qui devrait se faire.

D’abord, la méga commande indienne d'Airbus : « Le constructeur aéronautique Airbus est en passe d’enregistrer une commande record de 500 appareils monocouloirs de la famille A320 pour la compagnie aérienne indienne IndiGo ». L’article poursuit : « D’après les analyses de l’avionneur européen, le pays pourrait avoir besoin de plus de 2.210 avions d’ici 2042, soit 1.170 court et moyen-courriers et 440 long-courriers, devenant ainsi le troisième plus gros marché domestique mondial après la Chine et les États-Unis. » 

Et de conclure « le trafic intérieur aérien de l’Inde devrait doubler d'ici vingt ans. » (lire ici)

 


Voici à présent l’opinion de Jean-Marc Jancovici concernant l’avenir de l’aviation civile : il faudrait « créer un quota de vols en avion par durée de vie : chaque personne aurait droit à 4 voyages aéroportés pendant la durée de sa vie. », sachant que les plus jeunes auraient droit à grouper un peu plus de vol « pour découvrir le monde »

 

 

Comment comprendre cela sans y perdre la tête ? S’agit-il de rêveurs confrontés à des acteurs de terrain ? Ou bien de démocrates confrontés à des staliniens en puissance ? Ou encore à des gens réalistes qui font face à des myopes qui ne veulent voir que ce qui est juste là, au bout de leur nez ? 

dimanche 4 juin 2023

Violence : quand la bêtise ne suffit plus – Chronique du 5 juin

Bonjour-bonjour

 

La nouvelle des violences subies par un enfant de 8 ans, malade du cancer et ses parents au stade d’Ajaccio durant le match entre l’équipe locale et celle de Marseille a figé d’effroi : comment une telle abomination a-t-elle pu être commise ? Ce pauvre enfant dont les parents pensaient réaliser le rêve de voir jouer l’OM a été violenté dépouillé de son maillot qui a été brûlé avec celui de son père : « Voilà on vous a brûlés, fils de pute », ont déclaré les supporters (notons que les responsables corses se sont empressés de dédouaner leurs supporters : « ce sont des hooligans » : qu’est-ce que ça change ?).

C’est le maire d’Ajaccio qui a eu le mot : « Devant cette abomination les mots manquent : même la plus basse bêtise ne suffit plus ».

On aimerait le croire pourtant : la bêtise signifiant un manque d’intelligence, on aimerait supposer que celle-ci suffirait – si elle était présente – à arrêter ces actes inhumains. Seulement voilà : de toute façon ça ne suffirait pas, car il y a autre chose à la base de cette violence.

Alors, quoi ? La haine ? Oui, bien sûr, la haine, cette passion sans doute liée au centres des émotions du cerveau, et qui s’imposerait en écartant le contrôle du néocortex, pourrait suffire à enflammer une telle barbarie. 

--> Seulement on est pris d’un doute : ce fameux cortex, est-il vraiment innocent ? N’est-il pas enrôlé au service des émotions violentes, non seulement pour calculer la méthode la plus efficace pour détruire et faire souffrir, mais aussi – pire encore ! – pour la justifier ?

Relisez le passage ci-dessus : les supporters ont violenté le père et le fils qui portent des maillots de l’OM. Ils les ont arrachés et les font brûler. Et que disent-ils ? « Voilà on vous a brûlés, fils de pute » Autrement dit les maillots et ceux qui les portent ne font qu’un : ce sont des objets haïssables dont on peut se défaire de la façon qu’on voudra : ces malheureux ont eu beaucoup de chance, car pour leurs bourreaux ils n’étaient plus que des objets qu’aucun droit, aucun respect, aucune valeur ne pouvait protéger.

 

Alors, je disais plus haut : supporter ou hooligans, quelle différence ? Ne suffit-il pas d’être un homme pourvu d’un cerveau laissé en friche – ou pire, endoctriné – pour fonctionner comme cela ? Nous autres gens ordinaires, nous n’avons pas l’excuse d’être supporter de quoique ce soit, ni fanatique de quelque cause que ce soit : nous risquons pourtant nous aussi de ne voir dans l’autre qu’un objet détestable à détruire absolument.

samedi 3 juin 2023

Une petite histoire du harcèlement – Chronique du 4 juin

Bonjour-bonjour

 

Parmi les chansons de Berthe Sylva il en est qui sont classées « Chansons narratives compassionnelles » (1927-1939) : dont les célèbres « Roses blanches » et le non moins célèbre hymne au vieux Pataud dont je vous régalais il n’y a pas très longtemps (voir ici).

Mais aujourd’hui je reviens avec du « encore plus lourd » : non il ne s'agit pas des "Roses blanches" qu'avec un esprit taquin on pourrait proposer en ce jour de Fêtes des mères ; il s’agit de la triste histoire du P’tit Boscot ainsi nommé parce qu’il a une bosse dans le dos. Si vous ne me croyez pas, lisez plutôt ces paroles – tout en les écoutant.

 

- Pourquoi celle-ci plutôt qu’un autre ? Eh bien parce qu’elle nous raconte un cas de harcèlement moral datant d’il y a un siècle – et on songe à la pauvre Lindsay dont le suicide a atterré tout un établissement scolaire – et au-delà.

Oui, l’histoire du P’tit Boscot est celle d’un très méchant harcèlement – écoutez plutôt : « Eh ! p’tit Boscot c’est-il qu’ta mère / Aurait eu peur d’un dromadaire  / Pour te coller cett’ boss’ la sur l’dos ?  / Laisse-moi toucher, j'gagnerai l'gros lot! » 

Résultat ? Le pauvre petit Boscot essuie furtivement une larme de chagrin tout en murmurant : « … Qu’ai-je donc fait pour que chacun me raille ? / Je sais pourtant qu’ils ne sont pas méchants / Mais c’est mon sort / Il faut, vaille que vaille, / Subir les mots les plus désobligeants. »

Transposez ça de nos jours et vous trouverez des adolescents tourmentés par les réseaux sociaux qui se préparent au suicide tout en excusant à l’avance leurs tourmenteurs : après tout ce sont eux – les victimes – qui ont commencés avec leur corps ridicule ou leur sensibilité excessive. C’est leur sort, il n’y a plus qu’à dire adieu au monde ? On est révolté par un tel renversement des rôles : comment imaginer cela ? On n'y crois pas un instant.

- L’auteur de la chanson a quand même voulu justifier ces méchants camarades : en découvrant le P’tit Bosco qui dépose ses fleurs blanches sur la tombe de sa « Chère Maman », ils sont pris de remords : preuve qu’ils n’étaient pas si mauvais ? En serait-il de même aujourd’hui avec le cas des harceleurs de Lindsay ? 

Ce qui nous mène à la question qu’on ne pose pas aujourd’hui : que disent ces auteurs de ces messages haineux, maintenant que cette malheureuse lycéenne s’est suicidée ? Ont-elles (-ils) pris conscience de la cruauté de leurs actes ? Ont-ils (elles) tenté de s’en excuser ? Ou bien ont-ils chargé la victime en lui reprochant de s’être suicidé pour rien du tout – puisque ça les amusait, pourquoi pas elle ?

vendredi 2 juin 2023

« AA » : ouiiiiiiii ! – Chronique du 3 juin

Bonjour-bonjour

 

Contre toute attente, l’agence de notation S & P Global maintient la note de la France à « AA ». (1) 

- Et ça grâce à qui ? 

 

C'est moi qui l'ai fait !

Oui, vous l’avez deviné : Bruno Lemaire dont l’expression de fierté n’a échappé à personne.

 

- Mais, est-ce un bon point politique pour le pouvoir ? Lisons le commentaire de l’agence de notation : « Cela est principalement dû à la révision de la stratégie de consolidation budgétaire du gouvernement », écrit l’agence de notation, en citant comme faits positifs, outre la réforme des retraites, la fin programmée des aides énergétiques à la faveur de la baisse des prix des hydrocarbures. » (Article référencé)

--> Autrement dit ce qui a favorisé notre crédit, c’est ce que le pouvoir a décidé de plus impopulaire depuis bien longtemps : la réforme des retraites sans laquelle adieu notre « AA » ! Et ce qui l’a consolidé, c’est la suppression du bouclier énergétique dont le Président Macron avait tiré des points d’opinion favorable.

Ainsi, les revendications populaires et le soutien des marchés ne vont pas dans le même sens, et si le pouvoir cherche à gagner sur les deux tableaux, c’est perdu d’avance. Pour sauvegarder l’avenir financier de la France il ne faudra pas hésiter à prendre des mesures impopulaires ; en revanche il ne faudra pas non plus être impressionné par les poubelles calcinées et les abribus démolis.

I have a dream… Ces paroles de Martin Luther King résonnent encore dans nos mémoires. Mais aujourd’hui elles ne serviraient plus à revendiquer l’égalité des droits, mais la concordance entre la volonté populaire et l’exigence des marchés.

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(1) Certains se demandent déjà suite à quelle manigance entre Standard and Poors et le gouvernement français… En tout cas, comme nous le signalions il y a quelques jours, les conversations entre Elisabeth Borne et l’agence américaine se poursuivaient.

jeudi 1 juin 2023

Tu es poussière et tu retourneras en poussière – Chronique du 2 juin


 

Poussière d’étoiles dans la région des Pléiades

 

Bonjour-bonjour

 

S’il y a quelque chose qui a changé dans notre perception du ciel avec les super télescopes tels Hubble et James Webb, c’est la perception du cosmos. Je m’explique : jusqu’à présent, pour nous le ciel était « meublé » d’astres et d’étoiles ; les uns mobiles, les autres fixes – mais tous avaient une forme et une position. Or, voici que nous découvrons que le ciel est encombré de nuages de poussières, parfois si étendus qu’on les mesure en années-lumière ; et puis il y a aussi des amas de gaz : bref, tout cela n’est pas très propre, et nous éloigne du « cosmos » des grecs (1). Le désordre que l’on croyait réservé au monde des humains est partout dans l’univers.

Mais il n’y a pas, que cela : car c’est dès son origine que l’Univers se constitue de particules et de poussières. Or, c’est de ces amas informes que la matière connue, avec ses atomes, puis ses molécules s’est constituée. Reprenant l’image du chaos originel, l’astrophysique décrit l’univers émergeant peu à peu de l'élémentaire et se constituant en corps physiques soumis aux lois universelles de Newton. Voilà qui met à mal le principe selon lequel l’entropie généralisée donne à l’univers son cours historique. Tout ce qui existe est bien destiné à s’éteindre et à se volatiliser ; mais tout ce qui se volatilise va renaitre sous forme de poussières qui donne naissance à une nouvelle étoile. 

- Bien sûr, le Big-bang a lancé un processus de dispersion intégral, par rapport auquel les effondrements de nuages créant des étoiles et des galaxies ne seraient que des phénomènes régionaux qui n’impliquent pas une nouvelle orientation globale.

- Reste à savoir si l’expansion de l’univers ne va pas s’inverser à un certain moment en s’orientant vers le « big crunch ».

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(1) En grec ancien, cosmos signifie « ordre »