dimanche 26 avril 2020

Ce plaisir qui nous « met les poils » – Chronique du 27 avril

Bonjour-bonjour,

Un souci de chacun durant cette période, c’est d’éprouver un plaisir sans fin qui nous ferait oublier la contrainte du confinement.
Certains vous diront : « Le confinement ? Moi, j’aime » ; et après vous avoir asséné cette affirmation désespérante (= désespérante pour vous, qui n’appréciez pas du tout) ils vous expliquent (par exemple) qu’ils gardent toujours la même émotion en lisant ou en écoutant de la musique ; et même en faisant du ménage ou la vaisselle ? Pourquoi pas ?
Vous allez penser que ce sont des menteurs, que le plaisir est forcément lié à la nouveauté, que c’est « toujours mieux la première fois » et que confinés comme nous le sommes, nous sommes au contraire condamnés à la répétition, forcément ennuyeuse ? 
Peut-être (?) mais pas forcément. Car il y a une forme de plaisir qui peut se répéter indéfiniment, toujours avec la même charge émotionnelle. Je veux parler de ces émotions carrément physiologiques suscitées sans aucune participation intellectuelle comme par exemple avec la musique (je ne parle pas des réactions physiologiques charnelles dont un connait le circuit par cœur) lorsqu’un passage vous émeut immédiatement, vous donne la chair de poule – vous « met les poils » comme on dit aujourd’hui.



Vous voyez cette image ? C’est cela que je veux dire.
Les compositeurs connaissent forcément très bien cette forme de plaisir inusable et ils s’en servent dans la forme de leurs compositions musicales. On pense immédiatement aux refrains dans les chansons : il ne s’agit pas seulement de revenir par des paroles déjà connues sur le rythme du conte, mais aussi de réactiver l’émotion déjà éprouvée à la reprise du leitmotiv. Les compositeurs classiques en usent aussi et je dirai qu’il y a même dans la forme classique, outre les variations, des réexpositions du thème qui s’expliquent par ce jeu avec l’attente de l’auditeur, retour précédé par une ritournelle qui n’a pour effet d’aiguiser l’impatience : « Vite que ça revienne ! »
Ceux qui voudraient en avoir une illustration pourraient écouter le trio opus 100 de Schubert, en particulier le second mouvement resté dans toutes les mémoires par l’usage qu’en a fait Stanley Kubrick dans Barry Lyndon (c’est à écouter et à voir ici
Restez confiné encore un mois avec Schubert vous ne vous en lasserez pas. Mais si d’aventure ça se produisait, il y a encore une autre forme de plaisir musical inusable : c’est celui de l’attente impatiente d’une réjouissance. Certains vont chercher ça dans les gâteaux au chocolat : « Vivement 4 heures que le moelleux de maman soit cuit ! » Mais à ce rythme vous ne passerez plus par la porte quand il faudra sortir lors du déconfinement ! Là encore tournez-vous vers la musique et écoutez le concerto pour violon de ce farceur de Beethoven.
Ce petit malin vous fait languir dans l’attente du nouveau thème au début du dernier mouvement du concerto pour violon : combien de fois vous fait-il croire que ça va partir et puis, pfuittt ! rien ne se passe, jusqu’au coup d’archet décisif qui lance le thème du rondo final
Vous pouvez réécouter tant que vous voudrez ce concerto, vous allez toujours trépigner d’impatience.

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