mercredi 1 avril 2020

Journal d’un vieux confiné – 2 avril 2020

Devant la banalité des infos et durant toute la période de confinement, je remplacerai mes commentaires par ce journal.

Bonjour-Bonjour

L’appréciation de la durée est une chose très étrange, avec ses « coups d’accordéons » bizarres, ses périodes qui paraissent très courtes et ses moments interminables qui, sur le cadran de l’horloge, n’ont pourtant pas duré plus longtemps. Et puis il y a aussi ces moments du passé proche qui paraissent éloignés de nous perdus dans le bouillard du passé. 
C’est sans doute le fait le plus marquant de cette période qui a commencé avec le confinement : vous souvenez-vous à quand remonte votre plus récente sortie, pour faire des courses, aller au ciné ou faire du shopping ? Oui, n’est-ce pas, voilà qui vous parait lointain, comme appartenant à une autre époque, révolue à tout jamais, un peu comme ces vacances qui durant votre enfance constituaient des moments magiques. Plus la rupture avec le passé est importante et plus celui-ci nous parait éloigné dans le temps, comme si sa nature était toute entière faite de cette rupture. 
Le passé est tout comme l’avenir paradoxal, comme le signalait Saint-Augustin ; ce passé qui n’est déjà-plus alors que l’avenir n’est pas-encore, semble n’exister que dans une perception de notre conscience, perception de quelque chose qui n’est pas de l’ordre de la temporalité. C’est Hegel qui le signalait : dans l’histoire il y a des périodes qui forment un tout continu qui appartient à un même présent, et puis ces périodes peuvent sembler basculer dans le passé justement lorsqu’il y a rupture d’avec le moment vécu comme le présent. C’est l’évidence pour ce qui est des périodes historiques, mais c’est exactement la même chose pour notre propre histoire, et notre jeunesse par exemple peut être vécue comme n’étant plus là (à travers la nostalgie par exemple) ou au contraire comme n’ayant jamais cessé d’être quand nous superposons parfaitement et sans y penser le présent au passé (quand nous retrouvons comme tous les ans la maison de notre enfance)
Le passé vécu n’est fait que de cette brisure, qui peut n’affecter qu’une partie des évènements de jadis, alors que d’autres restent dans le continu de notre conscience, comme si nul ravin ne nous en séparait. Plus le changement vécu est important et plus cette rupture devient radicale, instituant un avant et un après radical, donc un éloignement extrême.
C'est justement ce qu'on entend lorsqu'on nous dit : « Cette épidémie laissera des traces : il y aura un avant et un après ». Cela signifie qu’on veut préparer le passé de l’avenir.

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