jeudi 2 avril 2020

Journal d’un vieux confiné – 3 avril 2020

Devant la banalité des infos et durant toute la période de confinement, je remplacerai mes commentaires par ce journal.


Bonjour-Bonjour

J’imagine, lorsque la consigne de la distance minimum entre 2 personnes a été imaginée (et fixée à 1 mètre), qu’on s’est sérieusement creusé la tête dans les salles de rédaction : 
« - Dis donc, comment on va appeler ça ?
Espace interpersonnel ?
- Mais non ! Les gens vont croire qu’on veut s’en prendre à leur empathie pour les pauvres.
- Bon, alors disons « distance sociale »
- Oui, c’est mieux, mais ça a un air de statistique sociologique.
- Et si on disait : « distanciation sociale » ?
- Oui ! C’est ça qu’il faut choisir, ça va marcher !
- Tu n’as pas peur qu’on confonde avec le théâtre de Brecht ?
- « Brecht » ? De qui tu parles, là ? »
o-o-o

Petit rappel : 
Au théâtre, la distanciation est un principe lié au départ à la dramaturgie de Bertolt Brecht. Se positionnant à l'inverse du théâtre aristotélicien, le théâtre épique se fonde, selon Brecht, sur l'effet de distanciation (en allemand Verfremdungseffekt). S'opposant à l'identification de l'acteur à son personnage, la distanciation produit un effet d'étrangeté par divers procédés de recul, comme l'adresse au spectateur, le jeu des acteurs depuis le public, la fable épique, la référence directe à un problème social, les songes, les changements à vue, etc. Ces procédés visent à rompre le pacte tacite de croyance en ce qu'il voit. Art. Wiki ici

- Et chez nous, ça donne quoi ?



On remarquera que si cette dénomination est bien compliquée pour désigner quelque chose de fort simple, elle est quand même utile pour attirer l’attention sur le fait que les relations sociales les plus évidentes, comme le fait d’être ensemble dans le même lieu, se trouvent abolies. Si la distanciation selon Brecht se caractérise par une perturbation de l’attente et une sensation d’étrangeté, on doit avouer que ça se retrouve dans la distanciation sociale actuelle.
Cette sensation de bizarrerie qui nous prend dans ces rues vides lorsque surgit la peur de croiser mon voisin devenu plus dangereux pour moi que le chien errant.

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