jeudi 16 avril 2020

L’éternel retour – Journal du 17 avril 2020

Devant la banalité des infos et durant toute la période de confinement, je remplacerai mes commentaires par ce journal.


Bonjour-Bonjour

Trouvé ça dans mes mails : « Marre de ces journées qui ramènent toujours les mêmes choses, les mêmes gestes, les mêmes actes. Marre de cette vie confinée et sans imprévu. Ohé ! le philosophe ! tu n’aurais pas quelque chose de bien consolant pour supporter ça ? »

- Le philosophe fouille alors sa besace d’historien de la philosophie où sont entassés les vieux systèmes qui ont fait leurs preuves autrefois, pour voir si par hasard il n’y aurait pas quelque chose qui pourrait lui servir à interpréter le présent.
Pour notre période confinée pas besoin d’aller bien loin, car beaucoup de cas envisagés dans le passé se répètent aujourd’hui : ainsi de la nature dont on subit les sautes d’humeurs sans avoir d’autre possibilité que de les endurer et de les aimer (Stoïciens) ; ou bien de l’enfermement dans notre chambre qui nous empêche de fuir le face à face avec nous-mêmes (Pascal) ; mais plus encore le retour indéfini des mêmes évènements qui justement font le désespoir de nos compatriotes. Quel sens à donner à ces journées monotones dont chacune répète inlassablement les banalités des précédentes ? Tournons-nous vers Nietzsche et son « éternel retour » - ou plus précisément l’éternel retour du même
En quoi cela nous concerne-t-il ? Faudrait-il se convertir aux philosophies orientales et à leur cycle de réincarnations ? Pas du tout, car pour Nietzsche, l’éternel retour n’est pas celui de l’existence mais celui des évènements qui la jalonnent ; et puis nul besoin d’être sûr que la vie nous ramènera les mêmes faits, mais il suffit de pouvoir le souhaiter, car là est le critère qui nous permettra de les évaluer. Mais ce n’est pas rien car on peut en déduire une règle d’existence : « Mène ta vie en sorte que tu puisses souhaiter qu’elle se répète éternellement. »
--> Qu’à chaque moment on soit en mesure de dire : « Oui, cela je souhaite que ça se répète à l’infini. » Et qu’est-ce qui pourrait se répéter ainsi sinon les émotions qui nous submergent de bonheur et dont le retour est l’objet de nos prières les plus intenses ? Qu’importe ce qui les provoque, puisqu’elles seules incarnent la valeur de notre vie. On comprend par exemple que l’amoureux qui jure qu’il aimera toujours n’est pas en train de croire qu’il va revivre indéfiniment mais plutôt que ce qu’il vit et si sublime qu’il peut souhaiter que ça recommence indéfiniment.
- Or voici qu’aujourd’hui ce recommencement nous n’avons pas à le souhaiter, car nous le vivons effectivement dans ce retour des évènements de la journée sempiternellement les mêmes. Mais il y a bien de la différence entre ce que nous souhaitons et ce que nous vivons sans l’avoir espéré. Et puis je ne peux pas dire que « je mène ma vie » puisque je la subis plus qu’autre chose. Du coup, cette situation si particulière où l’émotion ressentie peut renaitre dès qu’elle cesse, avec la même intensité et le même affect est loin d’être présente dans le quotidien : lorsque j’allume ma télé ou que je m’assois devant mon ma tasse de café du petit déjeuner, est-ce que je me dis « Ah… Si seulement ça pouvait être comme ça tous les jours ! » ?
Le sage est celui qui répondra : Oui.

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