Le Point du Jour s'absente pour quelques jours de vacances
Rendez-vous enfin de semaine
Le Point du jour, plein de bonnes nouvelles … ou pas. Avec les fakenews les plus douteuses et le désenfumage du philosophe.
Le Point du Jour s'absente pour quelques jours de vacances
Rendez-vous enfin de semaine
Bonjour-bonjour
Combien de temps mettez-vous pour aller à l’hôpital ? Ou encore au cinéma ? Où à l’école pour chercher les gamins ?
Ces services font partie de ceux qui permettent d’apprécier la qualité de vie dans les villes de France où « il fait bon vivre » ; mais ils sont ici complétés par le temps d’accès à ces services. Et en ce début 2022 ce temps de liaison est jugé acceptable s’il n’excède pas 15 minutes.
- Curieuse idée que de valoriser les villes où on peut mesurer les activités en minutes. Pourquoi pas en heures ?
L’homme moderne a une horloge dans la tête. Les horloges de l’ancien temps étaient graduées en heures ; elles le furent ensuite en minutes, elles le sont maintenant en secondes. Sachant que l’unité de mesure du temps est fonction, non seulement de la précision de l’instrument, mais encore de la durée de l’activité mesurée : si je mets pour aller à l‘école 14’ je ne serai pas intéressé de savoir si en réalité je mets 14’5’’ ou 14’35’’ ; en revanche je serai plus exigeant si je veux me faire cuire un œuf.
On vend aujourd’hui des montres dont le cadran est gradué sur 24 heures.
On ironisera « On se moque des suisses pour leur lenteur. Du coup ils ont inventé la montre que ne donne que les heures ». Peut-être mais qu’importe ? L’idée est qu’une telle montre est un remède contre le stress. En effet, si comme on vient de le dire la mesure du temps doit être fonction de la vitesse à laquelle nous le remplissons, on peut aussi inverser le processus : modérer la précipitation de notre vie en fonction de la précision de la mesure de notre temps. Avec cette montre, pas d’actions en dessous de l’heure. Pour aller au ciné on ne cherchera pas à mettre moins d’une heure ; Chez le boulanger ? Idem. Quant à l’école, ça fait longtemps que les élèves ont inventé le chemin des écolier – et on sait qu’il se mesure en heures et non en minutes.
En vacances on pose la montre : ça fait des marques sur le bronzage. Ne la reprenons pas, ou bien optons pour la montre 24h
Bonjour-bonjour
Les philosophes s’ennuient le dimanche quand ils n’ont rien d’autre à se mettre sous la dent que les résultats de la coupe de France ou les promesses de déstockages du Galaxy S21 chez Samsung.
Heureusement ils peuvent se rattraper avec les défections qui privent le Rassemblent National de ses principaux cadres. Ces trahisons distillées savamment ouvrent sur un vaste horizon culturel : occasion de convoquer des références bibliques sur l’annonce du messie ; de Freud sur le meurtre du père (ou plutôt de la mère : parité oblige) ; et finalement de Pascal avec la résilience du roseau.
- Lisons si vous le voulez bien cet article d’Arnaud Benedetti dans le Figaro.
* « L'inconscient du zemmourisme se nourrit ... d'une programmation des échecs de la droite sous toutes ses formes. Il enjambe l'échéance du printemps pour préparer messianiquement l'union de toutes les droites » : ainsi donc on peut mettre le désordre dans le parti pour le faire perdre et s’annoncer en sauveur seul capable de recoller les morceaux. Pas mal !
Le même Benedetti poursuit :
* « Comme le roseau pascalien, Marine Le Pen « plie mais ne rompt pas ». Elle génère de la sorte ce qui peut s'apparenter à une maturation de son image : moins agressive, plus sage, toujours déterminée, marquée par les épreuves mais forte de leurs empreintes ; elle devient progressivement dans une campagne où s'affrontent des offres souvent clivantes la mesure de toute chose. » Cette fois c’est l’épreuve qui galvanise la leader politique en montrant son humanité : elle souffre de la trahison de la petite Marion, qu’elle a élevée tout-bébé et qui maintenant la poignarde dans le dos. Toutes les mères se reconnaitront en cette femme qui souffre – mais qui, dans un souffle murmure « Ce qui ne me tue pas me rend plus forte ».
Et ce n’est pas fini :
* Toutes ces trahisons donnent l’occasion au félon de sortir de sa retraite. Il s’appelle Bruno Mégret et il rappelle qu’en 1998 il avait été le premier à trahir les Le Pen, et donc que tout ça il l’approuve parce qu’il s’y reconnait complètement.
D’abord Jésus ; puis Pascal ; ensuite Freud ; et maintenant Shakespeare. Miam !...
Christel Eydemann
Bonjour-bonjour
Christel Heydemann nommée à la tête d’Orange – voilà une bonne nouvelle : une seconde femme à la tête d’une entreprise du CAC 40 (1), c’est revigorant ! Occasion de vérifier que les femmes peuvent accéder aux postes les plus élevés dans la société française sans être des monstres.
Oui, j’emploie le terme de « monstre » et je ne crois pas forcer le trait.
Pourquoi ? Rappelez-vous : nous sommes en juin 1981, un des plus grands changements politiques en France est en train de s’accomplir, et les interrogations sur l’avenir du pays affluent. Parmi celles-ci, le chanteur Michel Sardou, au faîte de son succès écrit et enregistre la chanson « Être une femme », où il imagine comment une femme pourrait devenir aussi puissante que des hommes. « Femme des années 80, / Mais femme jusqu'au bout des seins, / Ayant réussi l'amalgame / De l'autorité et du charme », telle est sa recette : une femme puissante ne peut être qu’une chimère (2).
Lisez les paroles de cette chanson ; dans chaque couplet c’est la même idée : on peut imaginer une femme accédant aux plus hautes responsabilités du fait de ses compétences, mais on ne peut se défaire des fantasmes qu’elle déchaine chez nous, les hommes. Comme on le sait, les hommes de pouvoir indexent leur sexualité sur leur puissance sociale - on imagine donc les femmes qui accèdent au pouvoir sur le même modèle : on croit que plus le pouvoir des femmes sera grand, plus elles seront des bêtes sexuelles. A l’époque on a ridiculisé cette chanson qui est apparue réactionnaire ; mais on restait quand même prisonnier de ce fantasme au quel on résistait comme on pouvait en pensant que si des femmes accédaient au statu de chef d’État ce serait à la condition exprès d’être désexualisée.
On lira dans l’article référencé la biographie de Christel Heydemann ; manifestement le fait qu’elle soit une femme au sens le plus normal (j’allais dire « ordinaire ») n’a jamais été déterminant dans sa fulgurante ascension. C’est cela qui constitue un marqueur du progrès de la féminisation de la société : le fait d’être une femme ne vient plus polluer le rapport que ses collaborateurs ont avec elle. Et c’est cela qu’on ne pouvait imaginer en 1981 : les hommes de l’époque s’évertuaient à imaginer cette chimère d’un être mi-femme/mi-homme, dont la personnalité hybride serait encore accentuée le pouvoir. Michel Sardou ne peut échapper à cette règle, lorsqu’il fantasme dans sa chanson : « Maîtriser à fond le système, / Accéder au pouvoir suprême : / S'installer à la Présidence / Et de là faire bander la France. »
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(1) Catherine MacGregor est directrice générale d’Engie. Sur Christel Heydemann lire ceci
(2) Chimère : Monstre fabuleux composite, de formes diverses, ayant généralement la tête d'un lion, le corps d'une chèvre, la queue d'un dragon et crachant du feu (CNRTL)
Bonjour-bonjour
Bild, le plus grand tabloïd allemand, a-t-il raison de se moquer de Christine Lagarde, la présidente de la BCE, en la surnommant « Madame inflation » ? Elle a en effet refusé d’augmenter les taux d’intérêts, laissant du coup filer l’inflation qui galope dans l’UE et ailleurs en ce moment. Le nouveau ministre allemand des finances, Christian Lindner, penche dans le même sens : il estime que la sensibilité de la BCE au coût des prêts aux pays membres surendettés pourrait la conduire à une lenteur excessive pour mettre fin aux mesures de relance. (Lire ici)
Les pays surendettés sont bien sûr ceux du sud de l’Europe, qui recherchent du pouvoir d’achat au prix d’un endettement toujours plus grand. C’est pour eux que la BCE prête à des taux zéro, ruinant du même coup les épargnants : ce sont ceux-là qu’on appelle les pays-cigale. Quant à eux, les allemands ainsi que les pays du nord, sont des pays d’épargnants qui surveillent les taux d’intérêts de leur épargne. Ils sont pleins de fourmis qui vont se faire entendre si ces taux ne remontent pas – au risque de faire exploser le taux des dettes souveraines...
Au-delà de ces questions monétaires, c’est l’occasion de vérifier que l’Europe est faite de deux catégories de citoyens, les uns pour qui le but de l’existence est d’amasser un patrimoine ; les autres pour qui l’hédonisme est le sens de la vie : profiter au maximum des jours qui passent grâce à une consommation qui dilapide tous les surplus.
- Peut-on demander au philosophe ce qu’il convient de faire ? Ils se défileront peut-être en disant que c’est là un faux dilemme : entre la dépravation et la ladrerie, aucune préférence peut s’exprimer.
- Qu’en dit le fabuliste ? Donne-t-il raison à la fourmi ou à la cigale ? A aucune des deux, justement. Il se borne à souligner que la cigale a un défaut qui est de ne jamais prévoir et donc de ne surtout pas anticiper la réaction de la fourmi, qui, quant à elle ne fait preuve d’aucune empathie.
Aucun des deux protagoniste de la fable ne change de comportement. Pourrait-on tenter une synthèse des deux ?
- Être cigale et en même temps fourni ?
Bonjour-bonjour
La stupéfaction, puis l’indignation et enfin le dégoût : voilà ce que l’on ressent à la nouvelle de la mort du photographe René Robert laissé gisant sans secours pendant 9 heures sur un trottoir d’une rue parisienne fréquentée.
« C’est sans doute suite à un malaise, alors qu’il sortait de son domicile pour faire une promenade, que l’octogénaire est tombé sur le trottoir avant de rester neuf longues heures durant, inerte et sans le moindre secours. » peut-on lire ici.
Michel Mompontet, l’ami de la victime explique : « C’est un sans-abri, intrigué de voir le corps du vieil homme à même le sol, qui a « fait preuve d’humanité » et appelé les secours… Malheureusement trop tard. « Quand les pompiers sont arrivés, il devait être 6 h 30 du matin. Amené à l’hôpital Cochin en hypothermie extrême, il n’a pas pu être ranimé ». Monsieur Mompontet souligne : « Durant 9 heures aucun passant ne s’est arrêté pour voir pourquoi ce monsieur gisait sur le trottoir. Personne”
o-o-o
Comment une telle chose est-elle possible ? Pour le comprendre, essayons d’imaginer ce qui s’est passé dans la tête des gens qui ont côtoyé ce corps allongé sur le trottoir. Et d’abord était-ce un évènement particulier, ou bien était-il associé à quelque chose de courant à cet endroit le soir à Paris ? Et la réponse est « oui » : un homme dormant sur le trottoir est un fait courant dans les grandes villes et telle est probablement l’image qui est venue à l'esprit des passants, sans doute pressés comme on l’est toujours à Paris. Pour eux, monsieur Robert ne « gisait » pas sur le trottoir : il y était allongé. Il n’était pas évanoui, mais il dormait – sans doute pour purger une grande quantité d’alcool.
- Il ne s’agit surtout pas pour moi d’excuser des passants indifférents au sort de leur prochain. Mais plutôt de penser que cette indifférence d’une foule (admettons que les personnes qui ont vu et côtoyé le corps sur le trottoir ont constitué, si on les considère de façon cumulée, une foule) signifie forcément quelque chose. Une fois admise que la confusion éventuelle entre un homme qui fait un malaise au cours d’une promenade et un SDF aviné est possible, reste quand même un sursaut d’indignation : et quand bien même il s’agirait d’un SDF – faut-il se désintéresser de son sort ? « Quand un humain est couché sur le trottoir, aussi pressé que nous soyons, vérifions son état. Arrêtons-nous un instant. » conclut Michel Mompontet, l’ami de la victime.
- Oui, mais voilà : est-ce à nous de le faire ? Kant disait que les malheureux qui mendient dans les rues doivent certes être secourus, mais seulement par la puissance publique et non par les particuliers. Un ami du philosophe raconte que, quand celui-ci sortait pour se promener, il avait une canne dont il se servait pour écarter vigoureusement les mendiants qui s’approchaient de lui. Éh bien, comme lui, la misère publique nous indiffère, et même elle nous gêne. « Regardez cet ivrogne ! Que fait la maraude ? Où sont les caritatifs ? »
Nous aimerions bien avoir comme le philosophe une canne pour taper sur les pauvres qui viennent implorer notre secours.
Bonjour-bonjour
Des mauvaises nouvelles, ce matin, il n’y a que ça ! L’Ukraine à deux doigts de l’invasion russe ; le covid, annoncé chaque jour au bord de l’extinction et qui chaque jour bat des records ; le prix des carburants qui, après ceux du gaz et de l’électricité, crève le plafond des prix. Et même du côté des peoples, ça ne va pas non plus : Florent Pagny atteint d’un cancer du poumon ; Evan Rachel Wood, violée lors d’un tournage – sans oublier le malheureux Gaspard Ulliel...
Tout ça, c’est super flippant, ultra lacrymal : tirez les kleenex ! Comment trouver une actualité un peu plus souriante sans devenir le ravi de la crèche ?
Pour être heureux quand rien ne va, ne faut-il pas en effet être un simplet, crétin et idiot à la fois... N’y a-t-il donc plus aucune place pour l’optimisme ?
- Tentons une solution, qui consiste à tirer gloire et fierté de notre lutte héroïque contre ces pitoyable nouvelles. Un exemple ? La loi qui vient d’être votée à l’unanimité pour lutter contre les « thérapies de conversion », nom donné à ces pratiques inhumaines supposées « guérir » les personnes LGBT en leur imposant l'hétérosexualité. Occasion pour le Président de dire sa fierté et son optimisme devant cette réaction de nos élus : « La loi interdisant les thérapies de conversion est adoptée à l'unanimité ! Soyons-en fiers, ces pratiques indignes n'ont pas leur place en République. Parce qu’être soi n’est pas un crime, parce qu’il n’y a rien à guérir » (Lu ici). Si le Président est ravi, pourquoi pas nous ?
Et donc : c’est parce qu’il y a des ignobles individus qui martyrisent des malheureux homosexuels que devient possible cette réaction du pouvoir : le crime est une valorisation du châtiment. Mais on peut aller plus loin : Durkheim considérait les crimes comme utiles parce qu’ils donnent l’occasion de montrer que certains changements sociaux sont possibles (1). Après tout, aux yeux de la loi athénienne Socrate était bel et bien un délinquant.
Mais il y a plus : tous les malheurs qui frappent les hommes ne viennent pas seulement des délits : maladie, accidents, injustices sans être des agressions sont quand même des malheurs. Nous empêchent-ils d’être heureux ? Le stoïcien dira non, puisque tout cela est naturel, donc tout cela est bon.
Et si l’on refuse le stoïcisme ? Alors reste le relativisme pour qui le bonheur n’est rien d’autre que la suppression d’un malheur. C’est d'ailleurs une banalité de dire que l’on est heureux quand on se compare aux plus malheureux que soi.
- Pas de bien sans mal ; pas de beauté sans laideur et pas de justice sans injustice. Nous n’évaluons le bien que par le mal évité ; et le mal que par la perte d’un bien. Retour du Ravi de la crèche ? Si l’on veut, mais alors il faut dire que Spinoza en est un, lui qui affirme que la joie résulte du passage d’un état donné à un autre jugé supérieur.
Et donc : le covid nous envahit ? tant mieux, nous n’en serons que plus heureux quand il sera vaincu. L’énergie est trop chère ? Ah... Ces soirées à lire à la chandelle au lieu de regarder cette télé toute pourrie. Notre malheureux Gaspard Ulliel est mort ? Non, il est devenu une étoile de plus qui brille dans le firmament.
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(1) Lire le texte de Durkheim ici
Bonjour-bonjour
De quoi sera fait le monde à venir ? Par-delà l’année qui commence, qui voudrait voir au-delà de l’horizon, devra observer ces confins de l’avenir vers le quel convergent les routes du présent – qui veut voir loin doit regarder de très près ce qui se passe aujourd’hui.
Et aujourd’hui, c’est la firme Meta (anciennement nommée Facebook, nom de la firme de Marc Zuckerberg) qui fait parler d’elle. « Meta se dote du plus puissant « supercalculateur IA au monde » pour créer son métavers » (Lu ici)
Métavers ? C’est quoi ?
« Métavers est cet univers virtuel qui — selon l'entreprise — devrait remplacer l’internet actuel et « où les applications et les produits basés sur l’IA joueront un rôle important ». Grâce aux énormes capacités de calcul de RCS, Meta espère pouvoir créer « les technologies fondamentales qui feront fonctionner le métavers ».
Un métavers, c’est donc un univers au-delà du monde physique, un monde virtuel. Le terme est utilisé pour décrire des espaces en ligne persistants et partagés, accessibles au travers d’interactions en 3D. (Lire ici)
Concrètement on peut, muni d’un écran, ou mieux d’un casque de réalité virtuelle, faire évoluer un avatar (ou se déplacer soi-même avec le casque) dans un environnement qui obéit à des lois spécifiques, qui n’ont possiblement rien à voir avec la réalité-réelle (sic). Dans cet environnement on peut aussi « rencontrer » d’autres personnes réelles, qui sont elles-aussi soumises aux mêmes règles – un peu comme un joueur de scrabble en ligne peut jouer avec pour partenaire un autre joueur qu’il ne connait pas, mais qui lui aussi respecte les règles du scrabble.
Pour le moment ce dispositif sert principalement à fournir un environnement où un traducteur surpuissant traduit en temps réel les échanges entre deux personnes qui ne parlent pas la même langue. Désormais un touriste japonais vous demandera son chemin en vous téléphonant – bien sûr il ne sera qu’à un mètre de vous, là, sur le bord du trottoir. Mais vous l’entendrez en français et lui vous recevra en japonais : voilà un outil qui rapproche les hommes – parfait.
Mais soyons un peu plus attentifs : le monde virtuel dans le quel à terme nous évoluerons grâce au métavers sera strictement organisé par les machines à Intelligence Artificielle. Tout imprévu et surprenant que ce soit, ce sera en réalité l’effet d’une super machine qui, suivant une logique préconçue aura combiné ce dispositif. Alors que notre monde réel évolue selon des lois qui ne nous impliquent pas – comme les animaux vivent leur univers sans aucun rapport avec le nôtre, quoique qu’il soit « physiquement » le même – ici nous serons dans un monde « unidimensionnel » dans lequel tout sera intégré à notre propre univers. Je prends un exemple : dans La panthère des neiges, le film de Vincent Munier avec Sylvain Tesson, les animaux des hauts plateaux du Tibet ont des règles de vie complètement différentes des nôtres. On peut les comprendre (ils doivent comme nous se nourrir, se reproduire, vivre avec les autres animaux) mais jamais notre monde ne peut rencontrer le leur. Qu’est-ce que vivre comme la panthère des neiges ? Nous ne le saurons jamais et pourtant l’animal est bien là, qui nous regarde peut-être sans même que nous le sachions.
La Panthère des neiges, film réalisé par Marie Amiguet et Vincent Munier
- On voit où je veux en venir : il s’agit de ce que certains philosophes ont nommé « le mystère du monde » : jamais je ne pourrai épuiser la profondeur du monde qui m’entoure dès lors qu’il n’a pas été conçu exclusivement par moi et pour moi. Dans la « nature » (entendez, celle dont l’existence est indépendante de l’être humain) existe une profondeur que je n’aurai jamais fini d’explorer. Comme le montre Husserl, on expérimente chaque jour l’étrangeté du monde, et c’est cela que le métavers élimine inexorablement.
Bonjour-bonjour
Permettez-moi de vous faire visiter l’arrière-boutique de ma petite entreprise de chronique.
D’abord, visitons mon dépôt de matières premières : il s’agit de Google Actualités. Oh, je n’en suis pas très fier, mais j’avoue que ça me suffit la plupart du temps. Aujourd’hui je tombe sur ce titre proposé par ce site et consacré à Reims : « La cité des sacres attire de plus en plus de nouvelles entreprises »
- Bon me dis-je, voyons ce qu’en dit Jean-Yves Heyer, directeur général d’Invest in Reims : « Aujourd’hui, on joue dans la Ligue 1 des villes attractives, c’est bien. Ce qu'il nous faut maintenant, c’est passer à la dernière marche et jouer la coupe d’Europe chaque année et faire partie du top 6 de ces villes-là ». Bof, me dis-je : faire allusion à la ligue 1 pour situer la valeur de Reims, c’est plutôt maladroit, l’équipe locale venant de se faire « torcher » (excusez le mot, il n’y en a pas d’autres) par le PSG pas plus tard qu’hier soir : ça donne à penser qu’au point où l’on en est, se faire battre par une équipe prestigieuse c’est déjà un honneur.
Mais passons : le travail d’évaluation en vue de ma future chronique se poursuit. L’essentiel de l’article porte sur deux points : la présence d’une gare TGV qui met Reims à 45’ de Paris et à 1h30 de Strasbourg est déterminante. Et d’autre part le fait que la ville offre un très bon équilibre entre services rendus et qualité de vie. L’article conclut alors : « Pour se hisser sur le podium des villes les plus attractives, Reims devra trouver le juste équilibre entre séduire les entreprises, offrir des logements et maintenir une certaine qualité de vie. ». Autrement dit, augmenter sa population, mais en faisant comme si rien ne s'était passé et surtout en conservant sa qualité de vie. Ne serait-on pas en présence de ce trésor de contradictions assumées que constitue l’« en même temps » macronien ?
- Et là, ça matche : oui, on pourrait faire une chronique avec ça. Savoir accueillir les gens en leur offrant les avantages de la proximité tout en ayant les capacités des grands centres urbains en matière d’emploi de logement et de services publics, cette dialectique n’est-elle pas celle que chacun espère réaliser entre vie publique et vie privée ? Entre son emploi et sa famille ?
Autrefois les emplois étaient à la porte de la maison de famille, quand ils n’étaient pas dans la maison elle-même : l’étable juste en dessous de la chambre à coucher, la cuisine de la famille juste dans l’arrière-boutique du boulanger. Le télétravail est dans cette ligne : reste à trouver la ville qui promet la même proximité avec la même abondance.
Bonjour-bonjour
Un récent sondage le confirme : en France (comme ailleurs dans le monde) les inégalités économiques se creusent, avec des riches toujours plus riches ; et toujours plus de pauvres – encore plus pauvres.
Occasion de le redire (1) : la théorie du ruissellement selon laquelle les riches enrichissent les pauvres par leur participation à l’activité économique, ne tient pas. Il faut plutôt imaginer un système de vases communicants : certains ne peuvent s’enrichir qu’à la condition de détourner des ressources qui auraient dû soutenir la vie d’autres gens – qui deviennent de ce fait de nouveaux pauvres.
Alors que la théorie du ruissellement suppose que la fortune des riches produit de nouvelles ressources qui vont par débordement, retomber sur les classes inférieures, ce qu’on observe ici, c’est que la richesse représente une masse constante qui se répartit de façon variable au cours du temps.
Qui a raison ? Personne sans doute parce que la question est mal posée : il ne s’agit pas seulement de s’intéresser à la circulation des richesses, mais bien à l’origine de leur accroissement. Dans l’article référencé, nous citions la parabole des talents : il s’agit bien pour Jésus de montrer qu’il est possible de faire fructifier nos dons au nombre des quels se trouve la richesse, qui peut donc elle aussi prospérer et dès lors entrer dans le circuit économique profitant à l’ensemble de la société. Le maitre de la parabole ne faisait rien par lui-même ; mais ses serviteurs tiraient quand même bénéfice de la fortune de leur maitre. En irait-il de même aujourd’hui ?
C’est au 18ème siècle que la question de l’origine de la fortune s’est posée : alors que les physiocrates affirmaient que la prospérité ne pouvait venir que de la terre (2), d’autres comme Adam Smith soutenaient que c’est le travail des hommes qui permettait cet enrichissement. Et là, le capitaliste réagit : pour que les hommes s’enrichissent il faut qu’ils travaillent. Et donc ce que les riches peuvent faire pour les pauvres, c’est les embaucher dans leurs usines.
Nous serions donc d’accord avec la parabole biblique ? « Nos riches » seraient vertueux quand, au mépris de la tempérance, ils se gobergent dans des restaurants dont le repas coute si cher qu’il suffirait à nourrir une toute une armée (du salut) ; quand ils roulent en Bugatti que le PIB du Mali ne pourrait suffire à payer ; quand leurs épouses arborent des bijoux Cartier ou des accessoire Vuitton – car ils font travailler des hommes qui sans cela seraient réduits à la misère.
Comme on le sait, Voltaire bavait d’admiration devant la vertu du luxe, pendant que Rousseau s’étranglait d’indignation : le débat ne date pas d’hier. Simplement nous avons le recul : après trois siècles de capitalisme la misère n’a pas disparu dans le monde.
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(1) Nous avions abordé ce sujet dans ce récent article
(2) L’argument était le suivant : si je plante un seul grain de blé j’en récolterai un grand nombre – et ces nouveaux grains pourront à leur tour se démultiplier dans la terre.
Bonjour-bonjour
Voilà une nouvelle qui ne va pas faire plaisir aux antivax : selon une étude britannique
76% des effets secondaires après une première vaccination seraient un effet nocebo. Lu ici
L’effet nocebo, c’est quoi ? Il s’agit comme pour le placebo d’un tour que nous joue notre cerveau. Les effets secondaires liés à la prise d’un médicament sont liés à l’inquiétude d’avoir la malchance d’en souffrir ; nous en développons alors effectivement les symptômes.
Les trois quarts des effets secondaires rapportés sont en effet dus à l’effet nocebo. (1)
Occasion de rappeler que notre cerveau joue un rôle prépondérant dans certains phénomènes liés à notre rapport à la réalité. Ainsi de la perception : les illusions d’optiques nous donnent à voir ce que nous sommes habitués à voir et non ce qui se montre effectivement ; de même pour la maladie lorsque la guérison ne dépend pas uniquement de la réalité, mais de ce que nous croyons être réel.
On ne doit pas s’étonner que l’effet nocebo existe, puisque l'effet placebo existe. Quelle différence ? Dans un cas comme dans l’autre, c’est notre appréciation du réel qui se substitue à la réalité elle-même. Mais c'est beaucoup plus encore : notre appréciation se révèle capable de produire du réel, entendez que nous produisons de véritables symptômes conformes à ce que nous attendions.
- Tentons de généraliser : peut-être que ces effets se manifestent tout au long de notre vie et dans toute sorte de domaines sans que nous le sachions. Exemple : l’amour. Lorsque la personne aimée surgit dans notre vie celle-ci change radicalement : les choses et les gens ne sont plus les mêmes. Ne s’agit-il pas de la production d’une réalité nouvelle et non pas simplement d’une impression ? Ainsi que le dit Lamartine « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ».
Mais non ! Voilà l’essentiel : il y a encore bien des différences entre l’effet placebo/nocebo et le désolément du poète – dans le premier cas le malade est effectivement guéri (ou affecté des symptômes redoutés) : c’est cliniquement vérifié ; alors que dans le second c’est dans l’affectivité du sujet et non dans la réalité que la foule disparait. Personne d’autre que lui ne peut s’en rendre compte. Par contre avec l’effet nocebo, les gens qui ont été vaccinés ont effectivement de la température et des maux de têtes et de la fatigue ; à l’effort leur pouls s’emballe, leur respiration est courte, etc. Ainsi, dans les illusions d’optique on a beau voir que ces lignes paraissent d’inégales longueur, elles restent bien identiques car on peut les mesurer :
Illusion de Müller-lyer
- Que savons-nous du réel ? Je veux croire que si ces lignes sont perçues inégales, elles le sont effectivement. Si je ressens des symptômes après avoir été vacciné, je suis certain d’être malade effectivement. Sauf qu’entre l’impression et la réalité il y a le regard des autres qui s’intercale. Le réel est ce qui est confirmé par les autres – avec dans le cas qui nous occupe les analyses médicales. Ce qui existe réellement n’existe que parce que d’autres le perçoivent aussi.
Qu’on se rappelle le héros du roman de Michel Tournier Vendredi ou les limbes du Pacifique, dont le héros perd le sens du réel simplement parce qu’il n’y a personne pour lui confirmer son existence. C’était aussi la thèse de Sartre : qu’un point de vue sur le monde soit extérieur au mien, et voilà le réel qui ressurgit.
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(1) - Du latin nocebo (« je nuirai »), de nocere (« nuire »), sur le modèle de « placebo ». Substance objectivement inoffensive qui produit un effet secondaire négatif sur la personne qui l’utilise.
- Du latin placebo (« je plairai »). Le verbe latin « je plairai » sous-entend « au médecin-prescripteur », le phénomène psychique de confiance ou de croyance dans la toute-puissance de la médecine étant ici primordial dans la guérison.
Bonjour-bonjour
La campagne électorale d’Éric Zemmour ne cesse d’allumer des incendies en particulier lorsqu’elle prétend repenser l’histoire de France. Ainsi de son affirmation de rôle de sauveur des juifs qu’aurait joué le maréchal Pétain durant l’occupation. Réintégrant celui que l’histoire considère comme le premier des collaborateurs français dans l’Histoire héroïque de la France, Zemmour prétend réécrire le roman national, œuvre collective et sacrée, en redistribuant les rôles : au général de Gaulle le glaive, au maréchal Pétain le bouclier.
Or on ne réécrit pas comme ça le roman national.
Observons d’abord que ce « roman national » qui revient au premier plan en ce moment où la question de l’identité nationale est prégnante, n’a pas un auteur attitré. Écrit à plusieurs mains par des journalistes, des romanciers, des idéologues – voire même par des essayistes soucieux de raccorder les faits à une vision téléologique de l’Histoire de France, il est fait d’amalgames successifs, d’épisodes historiques remaniés et de personnages héroïques ou légendaires. On sait par exemple que la guerre 1914-1918 a été l’occasion de décrire comme une gloire la lutte de l’armée Française pour rendre aux alsaciens leur véritable patrie.
Hansi, illustrant l’Alsace occupée rêvant de la France
Il faut maintenant observer aussi que le roman national a connu plusieurs versions au cours de l’histoire, et que certains – comme Éric Zemmour – voudraient retourner à une édition antérieure. Au fond tout le programme de sa campagne électorale est déjà écrit dans une de ces versions : par exemple celle qui revient à l’école de Jules Ferry ; celle des rois de France -en particulier de Louis XIII consacrant la France à la Vierge Marie ; celle de Jeanne d’Arc boutant l’anglais hors de la Patrie ; celle Saint Louis et des croisades ; celle de Charles Martel...(1)
Dans notre édition actuelle du roman national le dernier chapitre est écrit par le général de Gaulle et par les glorieux résistants qui ont inspiré les français durant ces quatre années d’occupation. Car ce chapitre nous apprend que, comme les petits alsaciens de Hansi, entre 1940 et 1945, tous les français ont écouté radio Londres et comploté contre l’occupant. Ce qui n'est pas anodin, car le rôle du roman national est effectivement de permettre une conciliation ou une réconciliation des français en leur proposant une mémoire commune à partager.
C’est à ça que monsieur Zemmour porte atteinte aujourd’hui.
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(1) On aura une idée de ce que représentent certains de ces épisodes en allant sur le site de « La meute France »
Bonjour-bonjour
Que diriez-vous, pour commencer la journée, d’une pensée philosophico-politique ? Vu comme ça ce n’est guère engageant, je vous l’accorde. Mais quand je vous aurai soumis le thème peut-être serez-vous plus enthousiaste ?
Écoutez ça : « Il n’y a pas de long terme là où il n’y a pas de court terme » – François Hollande
Hum... Je vous vois perplexe : « Qu’est-ce que ça veut dire ? Vous n’auriez pas un exemple par hasard ? »
Un exemple ? Tenez, en voilà un : sur la politique énergétique, la production de l’électricité suppose des choix à long terme – éventuellement très long même, si on y inclut le temps nécessaire à l’extinction des risques provoqués par les déchets des centrales nucléaires. Les décisions prises aujourd’hui sont déterminantes pour de longues dizaines d’années à venir, qu’on pense à l’impact environnemental des centrales construites il y a 50 ans.
- Long terme donc. Mais en même temps, décider de relancer cette filière c’est poser dès maintenant le problème du stockage des déchets en question. C’est maintenant qu’on doit vivre-avec, qu’on les enfouisse ou qu’on les stocke en plein air. C’est dans le court, très court terme même qu’on va devoir soit limiter drastiquement notre consommation d’électricité soit accepter de vivre au pied de ces monstres de béton et de neutrons
On voit à présent plus clairement ce que signifie la pensée de François Hollande : quand vous prenez une décision dont la portée est lointaine, vous devrez assumer ses conséquences le jour même de votre décision. Cette remarque vaut principalement lorsqu’on serait tenté d’oublier le court terme comme si on pouvait décider aujourd’hui et payer la note après-demain.
La tentation est alors de ne rien décider du tout ne serait-ce que pour ne pas ajouter une difficulté de plus à celles qui se bousculent déjà dans notre présent.
Mais la non-décision est déjà une décision, et même s’ils sont infimes, ses effets se feront sentir dans l’actualité. On l’a vu avec la question de la réforme des retraites repoussée par les gouvernements successifs au prix d’une dette qui explose aujourd’hui même.
Sartre avait raison : ne pas choisir, c’est déjà un choisir.
Bonjour-bonjour
La mort est une énigme : personne n’en est revenu pour nous raconter ce que « ça fait » de mourir. Ou plutôt ceux qui prétendent avoir vécu une « expérience de mort imminente » (en anglais EMI, voir ici) nous en livrent un récit où l’on peut souvent repérer des marqueurs culturels. En tout cas l’intérêt qu’on leur porte signifie bien qu’il y a là une forte demande.
Une demande qui va jusqu’à une autre forme d’expérience, possible celle-là : savoir « ce que ça fait de tuer quelqu’un ». Oui, ça, c’est possible, au point qu'un homme a récemment avoué avoir tué une auto-stoppeuse en 2018 pour voir quel effet ça faisait. Il a été condamné ce mardi soir à la perpétuité, assortie d’une peine de sureté de 22 ans. L’avocat général qui avait requis cette peine contre lui avait demandé aux jurés « une peine d’élimination de la société»
Deux observations :
1 – A propos de la demande du Procureur d’éliminer le coupable. S’il arrive que certains criminels soient jugés « irrécupérables » par la société, soit parce qu'ils sont des criminels endurcis, soit du fait du danger permanent qu’ils représentent, ou encore parce que la répulsion qu’ils suscitent est trop importante, la question est : que doit-on en faire ? (1) La peine de mort souvent présentée comme la seule sentence possible pour clore l’échelle des peines aurait ainsi une autre fonction : débarrasser le société d’un homme dont elle ne veut plus. D’ailleurs on avait autrefois, juste en dessous de la peine de mort, la relégation dans des îles lointaines qui permettaient de se défaire définitivement de ces criminels.
Aujourd'hui encore la peine de prison à perpétuité dit la même chose : ceux qui y sont condamnés sont chassés définitivement de société des hommes. Bien sûr, d’autres diront que même un tel criminel peut encore être utile aux autres : les travaux forcés sont là pour le montrer. Mais de toute façon on admet que le châtiment d’un tel coupable ne peut pas se faire dans la perspective de sa réintégration dans le monde des hommes.
2 – Reste alors une autre question : pourquoi le fait de tuer dans l’unique but de faire une expérience personnelle serait un crime plus odieux que de tuer par brigandage ou par jalousie ? On se rappelle que Gide fait commettre à Lafcadio, le jeune héros des Caves du Vatican, un crime uniquement pour vérifier qu’un acte gratuit est possible : nous sommes dans le même registre.
Toutefois si Lafcadio n’a pu découvrir avec ce crime ce que ça fait de commettre un acte gratuit, le meurtrier de l’autostoppeuse a certainement fait ce qu’il voulait.
Mais voilà : il aurait pu – il aurait dû – le faire en se rendant utile pour la société : par exemple en se faisant mercenaire embarqué pour une guerre lointaine.
C’est cela qui rend ce criminel irrécupérable : avoir refusé de faire de sa soif d’expérience quelque chose d'utile en mettant ce besoin au service de la société.
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(1) Il est entendu que la sentence qui serait prononcée dans ce cas contre eux devrait être judiciairement recevable (= pas de lynchage)
Bonjour-bonjour
Voilà une année qui sans surprise commence très mal.
Oh, je ne veux pas parler de l’épidémie qui semble avoir atteint son pic sans causer les ravages redoutés dans les hôpitaux ; ni de l’économie qui parait se redresser avec un chiffre de faillites au plus bas. Non – Je veux parler du déchainement à l’encontre de Jean-Michel Blanquer dont la présence à Ibiza lors de l’annonce qu’il fit le 2 janvier du protocole sanitaire pour la rentrée scolaire ... du lendemain indigne les réseaux sociaux et leurs relais politiques.
La censure de ces réseaux à l’affût de stimulateurs d’indignation a été pour le moins sans nuance : écoutons (ici) Yannick Jadot réclamant la démission du ministre de l’éducation : « Au lieu de préparer avec les enseignants et les parents d’élèves une rentrée sous Covid, le ministre organisait un coup médiatique les pieds dans le sable. Ce niveau de mépris et d’irresponsabilité n’est pas acceptable ». Plus sobrement Bastien Lachaud, un proche de Jean-Luc Mélenchon s’exclame « Qu’il dégage et qu’il y retourne ! ». Bref, on ne peut donc quand on est un homme d’État responsable prendre des décisions « les pieds dans le sable », cette faute étant incompatible non seulement avec le sérieux de leur contenu, mais encore avec la prolongation de la mission ministérielle.
Pourquoi ne pourrait-on pas travailler sérieusement à Ibiza ? Ce lieu de villégiature doit-il être interdit aux responsables en charge de missions ministérielles ? N’irait-on à Ibiza que pour faire la fête et fumer des joints ? Non, bien sûr. Seulement la réputation de cet endroit suffit pour faire dire aux gens : « Voilà des personnes en charge de nos besoins les plus urgents et qui le font entre deux bamboches, encore dans la fumée des pétards. Comment peut-on nous mépriser à ce point ? »
- Ce mépris n’est-il pas plutôt celui de ces censeurs indifférents aux explications fournies, qui refusent de voir combien la personnalité du ministre est éloignée de cette réputation si vite faite, et qui lancent cette campagne opportuniste pour déstabiliser non pas un responsable du bien public mais un adversaire politique.
Je parle des années de plomb, allusion à une période tragique des pays occidentaux marquée par des violences politiques allant jusqu’au terrorisme. Bien entendu on n’en est pas là avec cette attaque médiatique. Toutefois il est bon de relier ce comportement avec celui d’extrémistes qui attaquent physiquement les élus et qui les menacent des pires sévices.
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NB Les médias qui ont des archives bien faites n’ont pas tardé à ressortir la mésaventure de Jean-François Mattei ministre de la santé qui, durant la canicule de 2003, se montrait à la télé en chemisette pour commenter l’actualité depuis sa résidence de vacances. Un mépris qui était justifié par ses propos lénifiants expliquant que la situation était tranquille et sous contrôle de ses services, alors que les vieux mouraient déshydratés sur leur canapé devant la télé.
Bonjour-bonjour
Rolls-Royce, Bentley Bugatti ou encore Lamborghini ont réalisé au cours de l’année 2021 un chiffre d’affaire jamais atteint. Chez Bugatti on a vendu 150 véhicules à trois millions de dollars minimum.
Les voitures à plus de 200000 euros ne connaissent pas la crise, ce qu’explique Adolfo De Stefani Cosentino, le président de la Fédération italienne des concessionnaires (Federauto). « Après les crises, les riches sont plus riches et les pauvres sont plus pauvres. Le luxe et le premium ont bien mieux résisté que les segments généralistes ». Lire ici.
- Est-ce juste ?
On pourrait être révolté par le fait que les riches s’enrichissent et que les pauvres s’appauvrissent encore plus dans de telles conditions. Mais c’est que vous ne connaissez pas la « parabole des talents » (Matthieu, 25 14-30). L’histoire que vous lirez (par exemple ici) raconte qu’un maitre récompensa ses serviteurs à proportion des placements plus ou moins fructueux des biens qu’il leur avait confiés, félicitant le meilleur « investisseur » et privant le moins performant de toute ressource. À celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a.
Comme vous le devinez cette parabole est le cauchemar des exégètes bibliques soucieux de sauver la morale attribuée à la religion chrétienne : comment sauver cet éloge des banques et des prêts à intérêt ? Mais c’est quand même l’une paraboles la mieux connue – au point que le terme de talent, issu de cette histoire soit venu en force jusqu’à notre époque, porté par les agence de show-biz – et ce n’est sûrement pas un hasard.
En période de crise la compétition économique devient plus rude et les écarts de performance se creusent : il est normal que les meilleurs, devenant encore meilleurs en soient récompensés d’avantage ; quant aux autres ils se partagent les restes à proportion de leur faible mérite. La rétribution des mérites quoi de plus juste ?
----> Que certains se voient récompensés au point de rouler en Rolls pendant que d’autres comptent au centime près leurs dépenses chez Lidl, même Jésus trouverait ça normal.
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- Quoi ? Qui peut donc avoir l'impudence de dire une chose pareille ?
- Aïe! me tapez pas ! Pas sur la tête !
J'avoue : je n'ai pas été jusqu'au bout de l'analyse. Car si tout se calcul en terme d'argent, il faut dire que la vie aussi a un prix. Si seuls nos mérites nous permettent de vivre, alors continuer de vivre dépendra du mérite qu'on aura - ou pas.
Et donc c'est un principe que nous ne pouvons admettre pour autant qu'on refuse que des hommes ne méritent pas de vivre.
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Un scandale peut en cacher un autre :
A propos du titre de cette chronique paraphrasant le chanson de Bashung, on peut en lire les paroles ici. Occasion de retrouver le sens un tantinet pervers de cette histoire d’un travailleur qui éprouve des élans charnels pour son entreprise au point qu’il considère les vacances comme une période d’abstinence. On est loin de la parabole christique. Mais cela c’est une autre histoire sur la quelle nous reviendrons.
Bonjour-bonjour
Je découvre que la primaire populaire pour désigner le meilleur candidat de gauche se fera au vote majoritaire.
Vote majoritaire ? Quésaco ?
Si vous pratiquez ce vote, vous aurez sur votre écran à peu près ceci :
Pour chaque candidat vous aurez à choisir l’appréciation (très bien – bien- assez bien- passable – insuffisant – à rejeter) que vous souhaiterez lui attribuer
Durant le dépouillement on établit un classement en faisant le total des appréciations (le décompte va de 5 points pour la meilleure à 0 pour la plus mauvaise) : celui qui a le meilleur cumul remporte l'élection.
On peut énumérer trois avantages d’une telle procédure :
- il n'y a plus de vote utile, puisqu’on peut exprimer son opinion sur chaque candidat
- le vote blanc n'a plus de raison d'être, puisque vous pouvez, si vous le désirez, rejeter tout le monde.
- enfin le jugement majoritaire oblige les candidats à s'adresser au plus grand nombre, alors que le mode de scrutin actuel incite à la polarisation du débat politique et ne vous oblige à parler qu'à 20 % de l'électorat pour accéder au second tour. (Lire ici)
Mis à part le côté scolaire de l’échelle d’appréciation, je souscris totalement à ce mode de scrutin : il nous débarrasse des griefs qu’on adresse au vote tel que pratiqué par exemple pour la Présidentielle. Plus d’élections contestées parce que le candidat élu ne l’aurait été que pour rejeter un autre candidat – et n’aurait donc pas la légitimité requise pour une telle fonction. Mieux encore : durant la campagne le bénéfice de ce mode de scrutin se fera déjà sentir puisque le candidat devra aller à la pêche aux appréciations auprès de tous les électeurs.
- Et donc finis ces candidats qui se font un faciès haineux pour baver leur haine dans l’oreille des plus extrémistes. Il faut désormais parler à tous car tous les électeurs sont désormais appelés à donner leur avis sur chaque candidat.