vendredi 7 octobre 2022

Tu seras une épouse et une mère, ma fille – Chronique du 7 octobre

Bonjour-bonjour

 

C’est l’histoire de la séparation d'un couple racontée par France-Culture ; comme vous pouvez en lire ici le compte-rendu, alors je vais la faire courte : ça raconte l’histoire d’un couple qui divorce alors qu’il a semble-t-il tout pour être heureux. C’est du moins ce que raconte Florent, le mari : « Nous avions la maison, nous avions la santé financière, nous avions notre fils merveilleux, notre groupe d'amis, donc j'étais incapable de comprendre pourquoi Jennifer pouvait avoir des moments de tristesse »

Seulement l’histoire que raconte Jennifer, l’épouse et maman, n’est pas tout à fait la même : « Pendant trois ou quatre ans, je ne me suis jamais retrouvée sans mon fils, toute seule, juste pour prendre soin de moi. »

Et ce n’est pas tout : à cela s’ajoute le décalage du ressenti de la vie du couple, tel que vécu par le mari et la femme : « Il ne se rendait pas compte de ses privilèges et surtout du poids qui pouvait peser sur mes épaules. » déclare Jennifer.

Alors, bien sûr, Florent, sorti de sa bonne conscience, a déclaré après coup : « Je me suis rendu compte que la /vraie/ réussite, c'est des valeurs fondamentales d'amour, de protection, de confiance, de sécurité. » Autant dire que ça ne l'effleurait pas auparavant.

 

Voilà l’histoire qui met à jour une situation de crise redoutable : celle où les privilégiés sont inconscients de leurs privilèges. On a l’habitude de figurer cette inconscience par la répartie de Marie-Antoinette qui s’étonne que le peuple pleure le manque de pain « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ! » (1). Hé bien les gentils maris d’aujourd’hui font de même : « Elle a la sécurité financière, un adorable enfant et un groupe d’amis : de quoi se plaint-elle ? » s’étonne Florent.


Deux remarques :

- D’abord les hommes à supposer qu’ils soient comme Florent, vivent sur des stéréotypes : « Tu es un mari tu as donc des devoirs envers ta femme. Si tu les remplis convenablement, tu n’as rien à te reprocher » Comme si un couple n’était pas d’abord fait de la volonté de vivre à deux et non à un plus un.

- En suite la femme « épouse et mère » refuse de vivre enfermée dans cette double assignation. Il lui faut « des moments à elle », sans la charge mentale bien connue qui inflige un supplice aux femmes.

Mais ce n’est pas tout :  à ce refus de se couler dans le moule, s’ajoute la révolte de voir que son mari est très heureux tandis qu’elle souffre. Et c’est cela le piège dans la quel tombent bien des hommes qui, non seulement ne se rendent pas compte que leur bonheur repose sur le sacrifice de leur femme, mais qui, de plus, ignorent que leur bonheur n’est pas celui que leurs femmes revendiquent…

… Oui, au fait, parlons-en : qu’est-ce qu’elles veulent donc, les femmes ? 

--> Ce que veulent les femmes, c’est de pouvoir choisir leur vie et non de subir celle qui leur est assignée. 

Parce que, ce n’est pas parce que le mot « Bonheur » est écrit dessus qu’elles en sont contentes...

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(1) On trouve cette répartie attribuée à une Princesse par Rousseau dans ses Confessions en 1765, alors que Marie-Antoinette n’arrive en France qu’en 1770. On n’a pas attendu les réseaux sociaux pour diffuser la haine et les fakenews.

jeudi 6 octobre 2022

Chauffe-eaux coupés par Enedis – Chronique du 7 octobre

Bonjour-bonjour

 

Vous avez sans doute sursauté en apprenant qu’Enedis, le fournisseur d’énergie électrique, avait la main sur votre ballon d’eau chaude, et cela grâce au compteur Linky – et qu’il s'en servirait pour couper votre chauffe-eau aux heures creuses de mi-journée en cas de forte demande. (Lire ici)

 


- Comment ! Voilà qu’un étranger s’introduit dans mon logement et décide à ma place, de gérer mon eau chaude, me disant « Tu as pris suffisamment de douches ce matin. Finie l’eau chaude, tu vas te laver les mains à l’eau froide tout en récitant la sentance du Chevalier de Méré « La sobriété et la continence sont nécessaires à la santé » Qui sont donc ces donneurs de leçon et quels droits ont-ils sur moi ? 


Car c’est là le problème : c’est en moraliste qu’on vient demander aux usagers de modérer leur consommation. Or je n’attends pas des moralistes qu’ils me disent « Tu fais ce que tu dois, sinon on te coupe la ressource ». Bientôt la Sécu me dira : « On a mis un débitmètre sur ta bouteille de Ricard et tu as intérêt à respecter la ration, faute de quoi on va supprimer tes droits. »

- Attendez, attendez… C’est quand même bien ce que fait la sécurité sociale en taxant l’alcool pour financer les soins exigés par les dégâts qu'il produit. L’appel à l’esprit de responsabilité du citoyen n’est donc qu’une apparence prise par la contrainte violente.


Au fond, la manipulation des chauffe-eaux est exactement la même chose que le passe-vaccinal tant décrié par les anti-vax : « Où tu te fais vacciner ( = tu économise le chauffe-eau) et tu montres ainsi que tu es un bon citoyen ; ou tu refuses et le mauvais citoyen que tu es mérite le traitement de défaveur qui lui est appliqué. »


Qu’on me comprenne : la contrainte quand elle est justifiée par le bien collectif, je suis pour. Mais ce que je n’admets pas, c’est qu’on la déguise sous les apparences de la conscience morale.

mercredi 5 octobre 2022

Skier par 50° à l’ombre – Chronique du 6 octobre

Bonjour-bonjour

 

Si vous avez aimé les mondiaux d’athlétisme en 2019 au Qatar, si vous attendez avec impatience le mondial de football 2022 – également au Qatar – alors vous allez adorer les jeux asiatiques d’hiver 2029 qui auront lieu en Arabie Saoudite. (Lire ici)

Si êtes comme moi et que vous haussiez les épaules à cette information, vous disant que ces jeux « asiatiques » d’hiver ne comportent sûrement pas de sports de neige et de glace, alors relisez mieux l’info : « Les Jeux asiatiques d'hiver sont une compétition multisport tournée, à l'instar des Jeux olympiques d'hiver, vers les sports d'hiver » ( Wikipédia), tandis que le Conseil olympique d’Asie (OCA) déclare : « Les déserts et les montagnes d’Arabie Saoudite seront bientôt un terrain de jeu pour les sports d’hiver ».

Le Prince Ben Salman a parlé et la Nature s’est pliée à ses vœux. D’ailleurs Ryad nous explique que le site choisi est plus tempéré que le reste du royaume.

 

- Rassuré ? non, bien sûr et vous êtes sans doute persuadés que des flots record de dollars ont dû irriguer les poches des responsables pour qu’une telle chose ait été décidée.

Oui, sans doute… Mais cette info devait nous faire quand même réfléchir un peu. Car, ne l’oublions pas, il s’agit de 2029, et peut-être que d'ici là, toutes les stations, y compris nos belles stations alpines et pyrénéennes, devront avoir des installations identiques à celle qui vont être mobilisées pour l’Arabie si elles veulent continuer à fonctionner. Au fond dans quelques années les sports d’hier seront partout aussi déplacés dans nos montagnes que sur les sables du désert – à moins bien sûr de skier au Chili à 4000 mètres d’altitude.

- Vous pensez que j’exagère ? Mais regardez plutôt comment nous faisons aujourd’hui même pour continuer à skier : les fabriques de canon à neige ne sont-elles pas des entreprises on ne peut plus prospères ? Et ne va-t-on pas bientôt nous inventer des piscines climatisées avec plages incorporées pour les mois de juillet-août ?

Mais, ne pleurez pas. Dites-vous que, tant qu’à faire des canons, autant qu’ils servent à faire de la neige plutôt que des carnages en Ukraine. 

mardi 4 octobre 2022

Intrigante intrication – Chronique du 5 octobre

 

Prix Nobel (2)

 

Bonjour-bonjour

 

Ils sont trois physiciens qui ont plus de 70 ans et qui viennent d’être récompensés du prix Nobel de physique pour leurs découvertes concernant l’intrication quantique, un mécanisme où deux particules quantiques sont parfaitement corrélées, quelle que soit la distance qui les sépare.

Devant l’indifférence de mes lecteurs associée à une moue signifiant que la physique quantique, de toute façon on n’y comprend rien et ce n’est même pas la peine de s’y essayer, je poursuis la lecture de la déclaration du jury Nobel : « /ce trio est récompensé/ pour ses expériences avec des photons intriqués, établissant les violations des inégalités de Bell et ouvrant une voie pionnière vers l’informatique quantique ». (Lu ici)

- Là je sens un frémissement parmi mes lecteurs : leur désaffection se mue en un sursaut d’intérêt : on parle de l’ordinateur quantique !


Tout doux les amis ! Je ne vais pas me lancer dans un exposé plein de poésie et d’ouverture sur des mondes inexplorés. Par contre, c’est l’occasion de souligner combien la science diffère des techniques qu’elle autorise – même quand les deux sont proches l’une de l’autre, comme c’est le cas avec cette branche de la physique. Car avec l’ordinateur quantique on touche aux propriétés concrètes de la machine : peu importe comment ça marche ; le fait que non seulement on n’y comprenne rien, mais qu’en plus il faille renoncer à la logique qu’on croyait universelle ne nous importe pas. Et pas plus le fait que la limite de la vitesse de la lumière y soit prise en défaut. 

- Seul compte le fait que l’information numérique soit décuplée par rapport à ce que supporte un ordinateur ordinaire et que sa vitesse d’exécution soit elle aussi démultipliée (1). Après tout nous ne nous soucions jamais de la façon dont fonctionnent nos machines, pas plus que le comportement de nos voitures - soumis au contrôles de plusieurs ordinateurs - qui nous indiffère tant que ça marche…

On dirait même qu’une loi nouvelle soit désormais recevable : 

« L’efficacité d’une machine est inversement proportionnelle à sa compréhensibilité »

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(1) Sur l’ordinateur quantique, voir ici 

lundi 3 octobre 2022

30000 ans de câlinous avec mister Néandertal – Chronique du 4 octobre

Le prix Nobel de médecine 2022 attribué au Suédois Svante Pääbo, qui a séquencé le génome de l’homme de Néandertal


(Prix Nobel 1)


Bonjour-bonjour

 

Passée la surprise de constater que Katalin Kariko, pionnière du vaccin à ARN messager n’était toujours pas couronnée, on se penche malgré tout avec intérêt sur Svante Pääbo qui vient d’être récompensé pour la découverte de l’ADN de l’homme de Neandertal. Si je m’attarde sur ce sujet bien qu’ayant déjà abordé la question (cf. ici) c’est qu’une fois encore il révèle l’existence de notre passion narcissique pour le passé.

Car, ce que l’équipe de Pääbo a découvert, c’est que les êtres humains d’aujourd’hui emportent avec eux entre 1 et 4 % de d’ADN appartenant à Néandertal. « Cet emprunt, explique l’étude, s’est fait il y a plus de 60 000 ans, suggérant que les deux populations, à ce moment de leur histoire, se sont non seulement croisées, mais également mélangées. Il n’a pas suffi de quelques amours interraciales, précise l’étude, pour que l’on retrouve cette proportion d’ADN. » lit-on ici

Nous, hommes du 21ème siècle nous avions imaginé que ces brutes de Neandertal avaient, au hasard des rencontres, violé nos Ladies sapiens

Comme ça : 

 

 

Hé bien non ! Le prix Nobel a été attribué à un savant qui nous a démontré que nos femmes préhistoriques avaient fait des câlinous à ces étrangers pendant plus de 30000 ans, sans quoi nos gènes ne se seraient pas mélangés de façon aussi intime.

- Et comment croyez-vous que nos commentateurs expliquent l’évènement ? « Voilà renforcée l’idée que Néandertal n’était pas la bête sauvage que l’on se plaisait à décrire pendant des décennies. » (art. cité)

Vous pigez ? Nous – hommes et femmes sapiens doué d’intelligence et du sens esthétique attesté par l’art pariétal – si nous avons eu le béguin pour cet être, c’est parce qu’il n’était pas une bête sauvage, sans quoi ça n’aurait pas matché.

- Moi, je reste dubitatif : passer comme ça de la pérennité des relations inter-espèces aux raisons pour lesquelles elles se sont établies, ça sent un peu l’autosatisfaction, vous ne trouvez pas ? Le contrôle de la reproduction humaine selon des critères rigoureux – ce  qu’on appelle l’eugénisme – débouche toujours sur des dystopies, du genre Le meilleur des mondes.

dimanche 2 octobre 2022

Vers la fin de l’écriture manuscrite ? – Chronique du 3 octobre

Bonjour-bonjour

 

Les objets que la tradition du luxe avait privilégiés perdent du terrain : plus de briquets en or, plus de fume-cigarette en argent, et maintenant plus de stylo Mont-Blanc avec le quel jouer rêveusement tout en parlant. Rien que du Bic-cristal qui ne sert souvent qu'à pointer un interlocuteur au cours d’une discussion. 

Mais aujourd’hui ça ne s’arrête pas là : « La Semaine de l’écriture, débute ce lundi dans toute la France « Avec les outils numériques, on utilise de moins en moins les stylos et le papier. Au point, un jour, de ne plus savoir s’en servir ? », peut-on lire ici.

On dira peut-être : le stylo bille a tué la plume sergent major ; le clavier tue l’écriture cursive : le progrès c’est du plus ici et du moins là. Où est le problème ? Plus de pleins et de déliés : la belle affaire ; maintenant plus d’écriture papier : normal.

 


Toutefois, observons quand même qu’on a très longtemps cru que la personnalité s’exprimait par l’écriture manuscrite, au point que pour les embauches les lettres de motivations, obligatoirement manuscrites, étaient soumises à des graphologues supposés déterminer les replis les plus secrets de l’âme du candidat à partir de la manière dont il traçait les hampes de ses "l" ou les jambages de ses "p". Je doute fort que tout cela existe encore : qui donc à la souci de l’écriture manuscrite, à l’époque où, même pour la prise de notes, n’importe quel smartphone remplace les bloc-sténo ?

Mais alors : où donc notre nature intime va-t-elle trouver à s’exprimer ? Dans la façon de piocher un clavier ? Non, bien sûr, mais plutôt dans la façon de tenir son smartphone tout en marchant ou en montant un escalier. Car voilà le fait évident : désormais plus personne ne sortirait sans son smartphone à la main – les uns le tiennent comme une arme dont la possession serait indispensable pour travers la foule ; d’autres comme un doudou dont la présence rassure ; en tout cas, ce qui est sûr, c’est que personne ne songerait à le ranger dans son sac ou dans sa poche. Ça veut sûrement dire quelque chose concernant notre moi-profond.

 

… Quid alors de la disparition de l’écriture manuscrite ? La passerons-nous de profit à perte, une habilité qu’on a perdue, comme celle de tailler des silex ou de faire du feu en frottant entre eux des morceaux de bois ?

samedi 1 octobre 2022

De la supériorité de la monarchie héréditaire sur la démocratie élective – Chronique du 2 octobre

Nous sommes en Bretagne, dans la forêt de Brocéliande. Dans une clairière la fée Morgane vient de se poser après avoir décrit une gracieuse arabesque. A côté d’elle, l’enchanteur Merlin observe les étoiles qui pâlissent avec l’aurore. 

 


 


Morgane : Bonjour, cher Merlin. Tu es donc toi aussi convoqué au Château ?

Merlin. – Oui chère Morgane, nous sommes toi et moi chargés d’apporter les dons dont le jeune Prince, tout juste né, doit être pourvu pour régner quand son père aura disparu.

Morgane – Exactement, cher Merlin. 

Merlin – Alors, Morgane, quel don as-tu imaginé comme étant spécialement réservé au futur roi de ce pays ?

Morgane – Moi je lui apporte le talent de comprendre et d’entreprendre. Mais j’ajoute aussi celui d’écouter les autres et de ressentir leurs malheurs. Car, vois-tu, Merlin, un souverain qui serait insensible à ce que vivent ses sujets serait incapable d’apporter à son royaume la concorde et la paix sans lesquelles aucun pouvoir ne saurait réussir.

Et toi, Enchanteur merveilleux, qu’apportes-tu à notre petit Prince ?

Merlin – Je lui apporte la force et l’intrépidité. Mais surtout je lui accorde une paire de testicules qui, l’âge atteint, pèseront 1kilo 500.

Morgane – Mais enfin, Merlin tu divagues ! Comment un roi serait- il avantagé par une distinction pareille ? L’imagines-tu lors des fêtes du couronnement, présentant ses génitoires sur un plateau en or pur, pour faire admirer à son peuple leur dimension extraordinaire ? Qu’y a-t-il de souverain là-dedans ?

Merlin – On voit bien Morgane que, toute fée que tu sois, tu es d’abord une femme. Car si une femme ne peut faire qu’un bébé à la fois, tu sembles ignorer qu’un homme, quant à lui, peut en faire beaucoup plus, en tout cas autant qu’il peut ensemencer de femmes. Donc plus ses génitoires pourront fabriquer de semences et plus il pourra engrosser de femmes. D’ailleurs c’est bien ce que nous révèle la nature : les chimpanzés mâles se distinguent par des testicules surdimensionnés, façon d’assurer leur suprématie dans la compétition de la reproduction. En tout cas, ne l'oublie pas : un roi doit avoir des descendants faute de quoi c’est le guerre des prétendants dans tout le royaume.

Morgane – A mon tour de te critiquer, Merlin. Tu réduis le pouvoir à la capacité à conquérir la toute-puissance et à la conserver. Tu fais comme si, à peine assis sur son trône, le monarque n’avait pour but que d’y rester. Imagine une démocratie sur ce modèle : le nouveau Président, à peine élu, ne ferait qu’intriguer pour se faire réélire ?

Merlin – Et alors ? Tu es bien idéaliste, chère Morgane. Sache donc que dans la réalité, tous ceux qui possèdent le pouvoir n’ont qu’un seul but : le conserver.

Et note aussi que la monarchie héréditaire est supérieure à la démocratie élective : car si le président démocrate doit intriguer et corrompre pour être réélu, le roi n’a besoin que d’une bonne paire de c*** pour s’assurer une lignée qui lui succédera sur le trône.