samedi 30 novembre 2024

Hein ? – Chronique du 1er décembre

Bonjour-bonjour

 

C’est le rêve de tous les petits enfants : parler un langage que tout le monde comprend instantanément. C’est du moins ce qu’on peut imaginer quand on entend le proto-langage des bébés, mama, papa, pipi, miam-miam.

Hélas ! Dès qu’on mène l’enquête on s’aperçoit que ces signes ne sont pas universels, ne serait-ce que parce qu’ils doivent s’intégrer dans des systèmes phonologiques distinctes : d’ailleurs, un son ne peut devenir un signe linguistique qu’à quelques conditions très précises. Or, voici qu’un mot « universel » a été découvert et voici également l’enquête qui a été menée pour l’établir. (lire ici)

D’abord, le mot : c’est « Hein ? » qui semble n’avoir aucune origine commune dans les différentes langues où il a été repéré. Il n’est pas emprunté d’une langue à une autre, mais s’est développé indépendamment dans des cultures et contextes géographiques variés.

- De plus il est toujours monosyllabique, prononcé avec une intonation interrogative. Ces propriétés phonétiques, bien qu’elles varient légèrement selon les langues, sont suffisamment similaires pour que « hein ? » soit immédiatement reconnaissable dans presque toutes les cultures. Et surtout il porte toujours la même signification : par exemple, en mandarin comme en islandais, le mot sert à signaler une incompréhension. Il est utilisé de manière instinctive pour demander à un interlocuteur de répéter ou reformuler ses propos. Cette fonction est si cruciale qu’elle semble avoir influencé l'évolution du langage dans des directions similaires. On en vient alors à admettre qu’il y a un lien directe entre le son et sa signification, ce qui remet en question l’un des principes fondamentaux de la linguistique : l’arbitraire du signe

- Enfin le mot « Hein ? » n’a rien d’un cri ni d’un son instinctif comme le ronronnement du chat : « hein ? » est un mot appris et acquis au cours du développement linguistique. Les enfants l’intègrent en observant son usage dans les interactions sociales, ce qui le distingue de sons universels comme les pleurs ou les gémissements.

- Le mot « Hein ? » répond ainsi aux exigences du langage mettant en jeu des mécanismes universels et son mode d’acquisition éclaire l’énigme de la découverte du langage qui depuis Rousseau au moins reste une énigme : à supposer que quelqu’un ait inventé le langage, avec qui a-t-il pu l’utiliser, alors même que personne ne pouvait le comprendre ?




vendredi 29 novembre 2024

Pour Noël, offrez un paillasson personnalisé – Chronique du 30 novembre

Bonjour-bonjour

 

Au lendemain du black Friday tout n’est que ruissellement de marchandises high-tech, de smartphones, d’appareils photos - hélas bien plus cher que ce que votre budget peut supporter. L’inflation et le (futur) plan d’économie budgétaire sont en train de passer par là.

Mais voilà que Noël arrive avec son obligation de faire des cadeaux, ce qui risque de dépasser vos possibilités. Que faire ? Pour vos amis, un cadeau personnalisé peut résoudre le problème : pas besoin de dépenses somptuaires, un geste amical et que vous seuls penserez à faire sera très bien.

- Pourquoi pas un paillasson personnalisé ?

 


 

Bien entendu vous pourrez mentionner le nom de votre choix, aussi bien pour l’animal que pour les amis en question. Peut-être même pourrez-vous remplacer le chien par un chat.

- Un peu bizarre de mettre l’animal favori au centre de ce moment de générosité ?  Sauf que les cadeaux de Noël ont une fonction très générale : montrer l’importance que vos amis ont à vos yeux. Ce qu’on peut faire avec des cadeaux somptueux (enfin : le plus possible) chargés de montrer la distinction que vous leur conférez : l’appareil photo ou la tablette dernier cri conviendra alors – à supposer que votre budget le supporte. Ou bien quelque chose qui mettra de l’intime au coeur de votre intention, comme le chien de la famille, que vous connaissez bien mais que d’autres ignorent, raison pour laquelle ce genre de cadeau restera très personnel.

- Et en effet, mettre un paillasson semblable sur le seuil de la maison c’est aussi faire état de la nature de ces amis – regardez l’image : Marie (Elle) + Clément (Lui) + Nala (le bon toutou) forment un ensemble indissociable regroupés dans la maison à la quelle renvoie le paillasson.

C’est peu de choses, mais tout est dit : « Je vous aime chers amis, et je reconnais qu’en vous aimant, j’aime aussi le trio que vous formez avec votre bon chien. »

Ouaf-ouaf !

jeudi 28 novembre 2024

Assemblée Nationale : bientôt le retour des duels entre députés ? – Chronique du 29 novembre

Bonjour-bonjour

 

 

Hier, lors d’une suspension de séance de l’Assemblée nationale, le député MoDem Nicolas Turquois a pris violemment à partie son homologue socialiste Mickaël Bouloux.

Marc Fesneau, le président du groupe Modem qui s'était interposé durant l'altercation, a dit regretter les gestes de son collègue, expliquant qu'il "s'en expliquera en temps voulu... Il n'y a pas eu d'acte de violence", et estimant que "ce sont des choses qui arrivent".

 

Oui, ce sont des choses qui arrivent mais pas toujours de la même façon. Rappelez-vous….

Nous étions le 21 avril 1967, là aussi lors d’un débat à l’Assemblée Nationale.

« Gaston Defferre, maire de Marseille, apostrophe le gaulliste René Ribière, son collègue le plus virulent : « Taisez-vous, abruti ! » L’incident n’en reste pas là. Plus tard, dans la salle des Quatre-Colonnes, Ribière demande des excuses à son offenseur, mais le fougueux Marseillais les lui refuse. L’offensé lui envoie alors deux témoins pour exiger réparation. Ayant le choix des armes, il choisit l’épée. Trois assauts et deux estafilades plus tard, l’arbitre Jean de Lipkowski, un gaulliste de gauche, arrête le combat, Ribière a deux blessures sans gravité. » (Lire ici)

 

 


Il y a cinquante ans, le dernier duel de France

Le 21 avril 1967, le maire de Marseille Gaston Defferre

et le gaulliste René Ribière croisaient le fer. Un combat pour l’honneur, malgré la désapprobation de De Gaulle.

 

Voilà la dernière manifestation de la vieille France, époque où l’on croisait le fer pour des questions d’honneur. Depuis, plus rien, que des injures et des coups qui pleuvent. 

- On dira que les temps changent et qu’on ne règle plus les différends en duels. Mais c’est aussi que l’honneur n’est plus une notion qui recouvre les échangent entre homme. Remarquez que le rituel du duel pose un moment où la violence peut encore être évitée : c’est lorsque l’offenseur est sommé de présenter des excuses : s’il le fait, alors on en reste là. Dans les échauffourées de l’Assemblée nationale, la violence est aujourd’hui immédiate. 

- Mais c’est aussi que la notion d’honneur a disparu, soit parce qu’on ne se soucie plus de l’estime que les autres ont pour nous ; soit que l’émotion de l’offense domine alors l’esprit qui n’a plus le recul nécessaire pour entrer dans la démarche cérémonielle de l’envoi des témoins. 

L’optimiste dira que c’est sans doute cela. Car des offenses et donc des offensés, il y a toujours. Mais au lieu d’en demander excuse, c’est le bourre-pif qui part.

… A moins que ce soit l’honneur qui ait disparu. Je peux dire n’importe quelle bêtise, montrer mon abyssale stupidité, sans me sentir déshonoré par aucune remarque qui me ridiculise parce que je n’imagine même pas qu’on puisse être diffamé par là.

mercredi 27 novembre 2024

Souriez, demain sera pire ! – Chronique du 28 novembre

Bonjour-bonjour

 

Vous connaissez certainement cet loi dite « de Murphy », du nom d’un ingénieur de l’US Air force qui aurait développé dans les années 1947-48 une loi générale énonçant : « Tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera nécessairement mal » – dont l’une des conséquences est notre maxime du jour :


Souriez, car demain sera pire !

 

Oui, cette maxime parait taillée sur mesure pour nous situer dans l’évolution politique et financière de la France, en particulier à la veille d’une mise en minorité du gouvernement lors du vote du budget de la Sécu, risquant de laisser le pays sans gouvernance et sans argent.

« - Vous, les pensionnés, sans le versement de votre pension de retraite, combien vos économies, à supposer que vous en ayez, vont-elles durer ? 

- Et vous les malades de tout genre, sans argent comment allez-vous être soignés ? 

- Quant à vous, qui dénoncez les cas sociaux supposés dépouiller l’État de ses ressources, vous êtes pourtant également mis en cause par l’arrêt de ses financements. »

 

Ce que vous venez de lire est à peu près ce que le débat politique du jour charrie jusqu’à vous, venant d’un gouvernement menacé de censure du Parlement : il s’agirait alors d'un pessimisme surjoué destiné à le protéger d’un échec possible.

Certains à l’Assemblée se moquent de ce pessimisme, disant : « Donnez-nous le pouvoir et nous arrangerons tout ça en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire »

Hum… Pas sûr que cette affirmation suffise à rassurer, tant l’expérience nous montre qu’en politique les certitudes affichées sont à l’inverse des probabilités de réalisation. En tout cas, la loi de Murphy nous invite à considérer, comme on vient de le dire, que « Tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera nécessairement mal ». Grâce à ce principe on ne peut avoir que de très bonnes surprises, ce qui, de nos jours, est déjà une satisfaction inattendue.

- Souriez, car voilà une très bonne nouvelle

mardi 26 novembre 2024

Courir au bord de la falaise – Chronique du 27 novembre

Bonjour-bonjour

 

Les émotions ne manquent pas ces temps-ci : guerre au Liban (= suspendue), guerre nucléaire avec la Russie (= en sursis), guerre des marchés financiers contre la France (= en cours) …

Ce qui caractérise ces menaces, c’est qu’au lieu de terroriser, elles sont source de curiosité plutôt que de terreur.

En témoignent les députés français qui, au lieu de se regrouper autour de la détermination du budget avec la volonté farouche de redresser les comptes publics, sont en train de calculer à quelle date ils vont faire sauter le gouvernement et qui ils vont proposer pour mener la bataille autour des subventions – dont chacun sait que nous n’aurons pas les moyens de les payer.

Quel est donc cet état d’esprit qui pousse le promeneur qui, du bord de la falaise, sonde du regard le gouffre dans lequel il semble décidé à basculer ?

 


S’agit-il d’un suicidaire ? D’un curieux qui souhaite voir à quoi ressemble cet abîme ?

S’agit-il de celui qui, se sachant condamné à l’avance, cherche un moyen de faire de sa disparition une ultime expérience ? Ainsi d’Empédocle dont la légende rapporte qu’il aurait laissé une de ses sandales au bord du cratère en se jetant dans les laves de l'Etna en fusion - léguant à l'histoire l’énigme de sa disparition étincelante ?

Selon certains Empédocle aurait abandonné ses sandales au bord du volcan avant de repartir nu pieds se livrant à une manipulation pour faire croire à sa mort. D’autres continuent de croire à une mort flamboyante, comme Bachelard qui a construit là-dessus un « complexe d'Empédocle » dans ses ouvrages sur le feu. Il s'agirait du désir inconscient d'être consumé, détruit par les flammes.

Cette hypothèse nous concerne-t-elle ? Serions-nous comme Empédocle attirés par la « belle mort », celle qui explose dans une gerbe de feu ? 


- Dans ce cas, la disparition de Michel Barnier serait-il ce basculement qui détruit un monde, laissant sur le bord de la vie une trace énigmatique ? Mort politique subie et non pas

voulue dans un ultime combat comme Cyrano de Bergerac mourant héroïquement l’épée au vent, en lutte contre ses fantasmes.

Hélas ! Même cette mort peut n’être qu’une illusion, comme celle justement de Cyrano, assommé mais survivant pour cette ultime scène.

Et si Michel Barnier était nommé une seconde fois à Matignon ? Ou bien quelqu’un d’autre, célèbre pour sa capacité à durer à ce poste – comme J-P Raffarin ?

lundi 25 novembre 2024

Budget : on n’a pas assez souffert – Chronique du 26 novembre

Bonjour-bonjour

 

 


Vous le connaissez, n’est-ce pas ? C’est Philippe Dessertine, l’économiste qu’on convoque sur les plateaux pour rappeler aux français qu’ils sont des somnambules qui avancent vers le gouffre d’un pas toujours aussi alerte. C’est l’homme qui risque bien de remplacer le Père Noël et de laisser vos petits souliers vides au 25 décembre.

 

*

***

Les débats avec des spécialistes économiques me désespèrent toujours plus, car la réalité montre avec toujours plus d’évidence qu’ils ont raison : la crise du budget révèle que les français dans leur majorité n’ont pas compris que la France n’avait plus les moyens financiers de les faire bénéficier des mêmes ressources publiques, et qu’ils devaient souffrir du froid, de pénuries multiples, le temps de produire enfin les richesses dont ils ont besoin pour continuer à vivre comme avant.

La France pourrait s’orienter selon deux repères : 

            * Celui qu’il faut éviter à tout prix et qui est celui de la Grèce qui revient péniblement d’une longue dépression issue d’une gestion calamiteuse qui lui a fait perdre aujourd’hui encore 20% de ses richesses et bondir le chiffre de la pauvreté.

            * Celui de l’Ireland ou du Portugal qui ont regagné en peu d’années le niveau des pays européens malgré les contraintes du FMI.

 

Et pourquoi la France ne pourrait-elle pas revenir à son niveau économique récemment abandonné ?

C’est là que les débats sur le budget sont révélateurs : car tout le monde veut sauver les avantages consentis par l’État à son bénéfice, quel qu’en soient les conséquences. Nous savons bien que ce serait au prix d’une crise financière grave, mais qu’importe ? Il y a quelques années le mythe de l’emprunt qu’on ne rembourserait jamais avait beaucoup de succès ; je ne sais pourquoi on n’y est pas revenu, mais ça peut encore arriver. De toute façon ces vues fantaisistes n’ont aucune prise sur la réalité, sauf celle de fermer les yeux des citoyens.

C’est là que l’expérience vécue de la misère est capitale : les peuples qui l’ont soufferte, comme les portugais sont près à la subir une nouvelle fois si c’est la condition pour l’éviter dans un avenir proche. La misère serait donc le prix à payer pour sortir de l’impasse où nous sommes ?

Peut-être – en tous cas ne pas oublier que les « 30 glorieuses » sont sorties de la misère des années du retour à la paix.

... Je ne peux pourtant me contenter de cette leçon de résignation. Car on connait le dicton "Quand les gros se serrent la ceinture, les maigres sont déjà morts de faim"- La politique c'est aussi  le respect des valeurs républicaines au nombre des quelles on trouve l'égalité.

dimanche 24 novembre 2024

La jaguar ne rugit plus – Chronique du 25 novembre

Bonjour-bonjour

 

Dans un mois, Noël ! Qu’allez-vous demander au Père Noël ? Une belle voiture comme par exemple une Jaguar ? Si c’est le cas, dépêchez-vous car bientôt on ne fera plus de Jaguar chez Jaguar. Non pas que la fabrication en sera arrêtée, mais qu’après une suspension de deux ans, une nouvelle voiture sortira de l’usine, entièrement nouvelle – tellement nouvelle que le logo de la marque va être entièrement changé : 

 


 (Vu ici)

Jaguar oublie l’attachement à la marque au félin bondissant et à l’image de voiture d’exception caractérisée par sa sportivité et son luxe.

Il y a quelques dizaines d’années, la firme britannique fut reprise par BMW qui sortit une grosse berline à la silhouette allemande, sous-motorisée de surcroit. Baisse en chute libre des ventes  : preuve que le logo ne suffisait pas ? Oui, bien évidemment, mais privée de la bébête qui fuse, que va devenir cette voiture ?

L'avenir le dire, mais je reste persuadé que le public ne renonce pas au belles mécaniques qui battent des records de vitesse, même si ces vitesses sont impraticables un peu partout.

Et puis, une voiture, ça doit faire vroum-vroum. 

C’est même là le déclencheur du désir.

samedi 23 novembre 2024

Le français, langue universelle ? – Chronique du 24 novembre

Bonjour-bonjour

 

Défendant la langue française personnifiée par l’Académie française et particulièrement par son Dictionnaire, dont le dernier tome vient juste d’être publié après 40 années de travail , le Président Macron a récemment déclaré que « Les langues régionales étaient un instrument de division de la nation », ajoutant que le français était « La langue /qui/ a été le creuset de l'unité du pays. Elle a été la fabrique d'une nation qui sinon s'échappait entre ces langues vernaculaires, ces patois, ces différentes langues régionales qui pour nombre d'entre elles existent encore mais qui étaient un instrument au fonds de division de la nation »

--> Tollé des défenseurs des langues régionales au nom de la diversité source d’enrichissement culturel.

Qui a tort, qui a raison ? 

- Petite expérience : vous voulez demander à un passant « Comment ça va ? ». Si ce passant est basque, alors vous direz : « Penaos emañ ?… » Si par contre il est breton vous direz : « Zer diozu ? ». Que d’aventure il soit alsacien, alors ce sera « Wie geht's ? ». C’est à l’évidence plus simple d’avoir la même langue pour se parler.

Par contre ne perd-on pas quelque chose dans cette réduction ? Cette interrogation ressemble à s’y méprendre à la critique nietzschéenne de la conceptualisation : l’usage du mot « feuille » nous fait perdre l’essentiel des détails qui font la réalité de la feuille tombée de l’arbre avec ses riches couleurs. Nous savons certes le minimum qui nous permet de comprendre le monde mais pas sa singularité.

Les défenseurs des langues régionales soulignent que, si le français a bien les moyens de faire vibrer certaines de ces singularités, en revanche seules ces langues méprisées comme « patois » par le Président Macron sont capables de donner à entendre cette vie des régions.

La supériorité du français vient probablement de sa domination politique qui lui a permis de faire venir à lui les meilleures plumes des différentes époques. Mais qu’on veuille s’en donner la peine et nous entendrons des œuvres sublimes, comme celles de Frédéric Mistral.

vendredi 22 novembre 2024

Nutella : ferme les yeux, ouvre la bouche – Chronique du 23 novembre

Bonjour-bonjour

 

Lu ce matin : « La coopérative Unicoque, principal opérateur français et européen de noisettes, enregistre une chute de 50% de sa production, sous l’effet d’une météo défavorable et faute d’insecticides efficaces, dont l’acétamipride, un néonicotinoïde autorisé en Espagne et en Italie. » (vu ici)

Traduction immédiate : sans le secours des italiens et des espagnols, la production de Nutella tomberait en dessous de 50% de nos besoins – et donc nous n’aurions plus rien à mettre dans nos crêpes.

Inutile de dire que nous engloutissons comme de coutume notre Nutella, aux noisettes gorgées d’acétamipride sans aucun tremblement. Oui, c’est inutile de le redire car nous le constatons chaque jour. Mais on peut quand même s’en étonner : comment se fait-il que la moindre trace de glyphosate nous fasse fuir alors que nous fermons les yeux et ouvrons la bouche pour avaler les pâtes à tartiner sans broncher ? 

Et pourtant combien de campagnes anti-nutella se sont déchainées pour évincer ce produit de la gourmandise humaine ; combien d’articles indignés pour nous apprendre que l’huile de palme nécessaire à la fabriquer entraine la déforestation à Bornéo et détruit les orang-outans.

 


Et donc : combien de pesticides nécessaires à sa fabrications tolérons-nous bien que leur emploi soit déconseillé pour la santé humaine ?

 

Le philosophe habitué à d’amères constat n’hésitera pas à le dire : quand notre plaisir immédiat est en jeu, le désagrément ultérieur ne compte pas. Que la cigarette soit « un orgasme instantané dans la gorge » (selon les propos de serge Gainsbourg) et voilà la bronchite chronique et le cancer du poumon renvoyé dans les brumes du lointain. On verra bien… 

« Primum fruor (= jouir), deinde vivere (= vivre) »

jeudi 21 novembre 2024

Hercule en a un tout petit – Chronique du 22 novembre

Bonjour-bonjour

 

Tout au fond du parc du château de Vaux-le-Vicomte, en Seine-et-Marne, on peut admirer l’immense statue d’Hercule : silhouette athlétique, torse bombé, muscles saillants. Son corps est idéalisé, tout est bien proportionné sauf… son sexe qui est minuscule. 

 

Voici une des innombrables copies de cette statue intitulée « Hercule Farnèse » :

 


On y voit un Hercule fatigué s’appuyant sur sa massue. Dans sa main, cachée derrière son dos, les pommes du jardin des Hespérides. Il est doté d’une musculature impressionnante et … d’un micropénis.

Ce micropénis est-il une particularité anatomique propre à Hercule ? Non. Toutes les autres statues antiques sont au même régime pénien. Les grecs ont systématiquement doté leurs statues masculines d’organes virils plus petits que nature, façon de valoriser la tempérance sous le règne de la raison, par opposition au « gros sexe » des satyres qui sont supposés esclaves de leurs pulsions animales. (Lire ici)

 

 

Satyre ityphallique, 6ème siècle av. J-C

 

- Il y a une histoire des représentations du sexe masculin, avec au passage la phase de la censure totale quand les italiens ont affublé toutes les peintures de la Renaissance de feuilles de vignes. Par exemple avec le « Grand culottier » que fut Daniele Ricciarelli, un peintre et sculpteur italien de la Renaissance tardive. À la demande de Charles Borromée, il recouvrit les parties génitales des personnages du Jugement dernier de Michel-Ange par des « repeints de pudeur », ce qui lui fait gagner le surnom de Il Braghettone (littéralement : le « faiseur de culottes »).


Plus philosophiquement relevons ceci : l’opposition entre raison et passion chère aux philosophes antiques repose sur une hiérarchie des passions qui culmine avec la passion sexuelle. Il est donc manifeste que c’est la sexualité virile qui est directement opposée à la méditation philosophique, d’où la modestie de la taille du pénis supposée manifester la modération du désir copulatif.

Mais à ce compte les femmes auraient dû être considérées comme les mieux disposées pour user de leur raison, ce qui ne fut pas le cas.

Sans doute parce qu’à cette époque on estimait qu’elles ne possédaient pas de raison.

mercredi 20 novembre 2024

Ose penser ! – Chronique du 21 novembre

Bonjour-bonjour

 

Une émission de France culture aborde un phénomène largement méconnu : celui de l’incertitude devant l’avenir politique. Il faut dire que nous sommes envahis par des spécialistes qui ont la rhétorique nécessaire pour nous persuader qu’ils maitrisent la situation avec suffisamment de certitude pour en prédire l’évolution. Mais en réalité on reconnait les philosophes au fait qu’ils acceptent d’affronter l’incertitude où nous sommes devant cette évolution.

- Selon l’auteur de l’émission, le philosophe pensant l’avenir politique doit affronter l’incertitude de la pensée. Ainsi du philosophe Claude Lefort, qui s’oppose au surplomb des idées : "Il y a une distance (...), entre une philosophie politique de la raison, qui essayait de faire plier les événements aux catégories de la raison qu’ils avaient inventées par avance (...), et le travail de Lefort, c’est-à-dire qu’écrire à l’épreuve du politique, ça veut dire risquer constamment sa parole, l’engagement de sa parole, au contact d’événements qui ne cessent de nous déloger de nos certitudes politiques."

On retrouve cette exclamation de Kant (dans son article « Qu’est-ce que les lumières ») « Sapere aude ! », qu’on traduit par « Ose penser ! ». On songe assez platement qu’il s’agit simplement de dire qu’en mettant sa raison au service de sujets politiques on court de risque de déplaire au Prince. Certes – mais plus fortement, il s’agit aussi de sujets pour les quels on doit, en tant qu’individus prendre la responsabilité d’une conclusion que le recours à la raison ne suffit pas à confirmer. En démontrant un théorème je ne prends aucune responsabilité, parce que n'importe qui faisant la même démarche arriverait au même résultat. Mais en prévoyant l’évolution d’un régime précis, existant dans un pays donné, vers une démocratie ou au contraire vers le despotisme, je prends le risque de me tromper, erreur qu’on ne peut absolument éviter parce qu’aucun modèle ne vient diriger la pensée. Même la science n’échappe pas à cette incertitude : l’évolution du climat qui n’obéit pas tout à fait aux prévisions pâtit du fait qu’il n’y a pas d’autres planètes où les phénomènes climatiques de la Terre seraient testables.

J’aimerais aussi que cette incertitude devant l’avenir résulte simplement du fait que l’avenir n’est pas connaissable parce qu’il n’est pas encore écrit. 

Et si penser l’avenir c’était aussi (tenter de) le créer ? On sait bien que ça ne suffit pas, mais on voudrait quand même que ce soit un tout petit peu possible.

mardi 19 novembre 2024

Mon corps, mon choix – Chronique du 20 novembre (2)

Bonjour-bonjour

 

Les femmes ont pris pour slogan de leur indépendance par rapport aux hommes cette formule (« My body, my choice ») pour dire que tout ce qui concerne leur corps, comme la liberté de procréer ou de vivre là et comment elles le souhaitaient ne dépend que d’elles-mêmes. Leur corps est alors entièrement soumis à leur volonté exclusive, un peu comme un objet.

C’est cette définition comme objet, qui est pris par la justice comme donnant un statut au corps des femmes, excluant par ce fait qu’on attribue à celui-ci le statut d’une personnalité de droit. 

Dit comme cela ça peut paraître bizarre mais ne l’oublions pas : l’objet est toujours défini par rapport à un sujet qui en use à sa guise : le galet sur la plage n’est un objet que lorsqu’un promeneur, attiré par sa forme, le ramasse. Le corps d’une femme est un objet par rapport à une personne qui en fait un certain usage : alors que les femmes considèrent qu’elles sont les seules à exercer légitimement un pouvoir sur leur corps, les hommes le contestent avec leur slogan démarqué de celui des femmes : « Your body, my choice »

On sait que les femmes font de leur slogan « My body, my choice » le fer de lance de leur droit à l’avortement, l’embryon qu’elles portent étant considéré alors comme une excroissance de leur corps et non comme une personne déjà autonome – ce que contestent comme on le sait les « pro-life » qui affirment que le fœtus est dès le premier jour un enfant dont la vie est sacrée.

Depuis l’antiquité à nos jours, les femmes ont revendiqué le droit d'exercer sur leur corps un droit inaliénable d'en user comme elles le souhaitent. C’est ainsi que de nos jours certaines parties du corps sont modifiées à volonté : ainsi des nez réduits ou des seins grossis, de ces fesses plates rendues rebondies ou de la peau avachie retendue.

On croira peut-être qu’il s’agit-là de transformations qui n’existent que depuis peu. C’est vrai qu’on a aujourd’hui le bistouri agile. Mais rappelez-vous : les amazones qui se coupaient un sein qui les encombrait fort pour tirer à l’arc ;




... ou ces petits garçons qu’on castrait pour conserver à l’âge adulte leur voix cristalline d’enfant. Ils étaient supposés en droit de le faire à condition d'avoir un droit total sur eux-mêmes, c’est-à-dire sur une partie de leur corps investi d’un projet. En tant que sujet humain, j’ai le droit de faire ce que je veux de mon corps-objet

Kant dira qu’il est immoral de considérer qui que ce soit comme un objet : le garçon de café est bien un objet puisqu’il est là pour me servir ; mais il est interdit de ne le considérer que comme tel : d’où le respect que je lui dois. Mais ce même principe s'exerce par rapport à moi-même : je dois me respecter.

La philosophe en tire une interdiction de la masturbation parce que cela revient à considérer son propre corps à un certain moment uniquement comme un objet : ainsi je n’aurais pas le droit de m’amuser avec mon kiki parce qu'il ne serait qu'objet séparé de mon corps-organisme. C’est très bizarre…

Affaire Pierre Palmade : n’y a-t-il rien entre l’être humain et la chose ? – Chronique du 19 novembre (1)

Bonjour-bonjour

 

Il y a des cas où le droit français est en contradiction non seulement avec l’opinion commune mais aussi avec la religion ou encore certaines conceptions philosophiques.

Un exemple ? Dans le procès intenté à Pierre Palmade qui provoqua comme on s’en souvient des blessures très graves à une femme enceinte qui perdit alors son bébé, le parquet a requis une mise en cause pour « blessures involontaires » et non pour « homicide involontaire » ne considérant pas l’embryon porté par la femme comme un être humain.

C’est qu’en effet en droit français, le fœtus et l’embryon sont caractérisés par leur absence de personnalité juridique ; que ce soit dans les textes ou dans la jurisprudence, il n’est jamais question de personnalité juridique pour l’enfant à naître. Leur statut juridique est celui d’une « chose ». 

Bien sûr il y a des cas où l’enfant à naitre est considéré comme un enfant comme les autres (lire ici) ; mais il semble que ces cas n’entrent pas dans la situation du jour.

Certes, si l’embryon était jugé comme étant un être humain, doté d’une personnalité juridique, cela remettrait en cause l’IVG qui repose sur l’absence de statu humain de l’embryon, qu’on peut alors détruire sans commettre un infanticide.

 

- L’avocat de la partie civile refuse cette conclusion qui ne prend pas en considération la situation de cette femme. Selon cette réquisition, la mort de l’enfant in utero, n’est rien d’autre qu’une blessure, comme la perte d’un organe dont la disparition ne serait pas létale. Provoquer la mort d’un enfant à naitre est un non-évènement, moins que la mort d’un chien ou d’un chat qui auraient été victimes d’un tel accident.

Il semble que la voie autorisant la prise en compte de l’enfant à naitre pourrait quand même être plaidée puisque, comme nous l’avons dit, le Tribunal peut selon la jurisprudence accepter qu’un enfant, dès lors qu’il a été conçu, soit considéré comme un enfant réel, même s’il n’avait pu naitre pour de bon. Les conditions assez générales pour le faire ont été signalées plus haut : la principale étant que cette décision soit dans l’intérêt de l’enfant. On voit qu’ici cette précision serait capitale pour définir l‘incrimination dont Pierre Palmade doit répondre.

lundi 18 novembre 2024

Parlez-vous franglais ? – Chronique du 19 novembre

Bonjour-bonjour

 

Il fut un temps où on pointait l’invasion du français par les mots ou les tournures anglaises comme une grave faute à corriger au plus vite. René Étiemble, un universitaire défenseur de la langue française, avait même trouvé un vocable pour désigner ces incorrections : il s’agissait du « franglais », mot-valise qu’on identifie facilement. On avait aussi trouvé l’idée de nommer un sous-ministre chargé de faire respecter l’obligation de rédiger en français et non en « sabir nord atlantique » (Etiemble dixit) les billets d’information.

Cette volonté est bien oubliée aujourd’hui si l’on en croit le vocabulaire des joueurs du XV de France. Écoutez plutôt les discours faits au XV de France tenus samedi dernier par deux joueurs de l’équipe, Antoine Dupont et Gaël Fickou, qui se sont ainsi adressés à leurs camarade de jeu :

- Antoine Dupont à propos des All Blacks « Ils attaquent tous les rucks et ils nous ferment les extérieurs. - Ils nous splittent à chaque fois et on subit toutes les collisions. – Qu’on fasse les efforts de déplacements pour être bien en face et les catcher »

- Et Gaël Fickou d'insister : « Les deux qui sont dans le contact, ils fightent. Les autres, ne regardez pas le ruck, circulez s’il vous plait ! – Le seul problème, c’est du sprint autour des rucks, c’est pas en marchant ... Donc on sprinte à chaque fois autour des rucks »

 

Les progressistes font remarquer que les emprunts d’une langue à l’autre est un phénomène constant et que, s’agissant de l’anglais et du français, les emprunts au voisin sont constants et même plus nombreux du fait des anglais que des français. Mais le problème réside dans le degré d’intégration à la langue d’accueil. Ainsi quand Gaël Fickou demande à ses coéquipier de « sprinter » on n’a même plus conscience de l’origine anglo-saxonne du mot, parce qu’il est devenu un verbe conjugué avec le 1er groupe, de verbes, selon l’ordre voulu par notre propre grammaire. Mais il n’y a pas que cela : car « fighter », soumis à la même règle parait bien étranger et impénétrable au français du 21ème siècle.

Vient alors la difficulté qu’Étiemble avait combattue : les emprunts à la langue anglaise ne se transforment plus en mots de la langue courante parce qu’ils sont relayés par des médias qui en conservent la tournure originale. Alors qu’autrefois ces mots circulant de bouche à oreille dans une prononciation strictement française se déformaient rapidement, ceux qui apparaissent aujourd’hui vont garder leur allure exotique en raison du relai de la presse imprimée. C'est ainsi qu'on prononce « cleub » ce mot qu’on écrit toujours « club ». 

Il y a toutefois quelques exceptions, dues aux phonèmes anglais absents du français, comme le « the », transformé en "ze".

C'est également l'occasion de jeux sur les mots anglo-français comme avec l’amusant « of course » que San Antonio avait déformé en « œuf corse » qu’on prononce d’ailleurs souvent aujourd’hui sans y penser.

 

 

Mais cet oeuf corse n'est qu'une amusante exception : le problème avec le franglais, c’est qu’on prononce l’anglais trop bien. 

dimanche 17 novembre 2024

Le mercosur est-il un bon traité ? – Chronique du 18 novembre.

Bonjour-bonjour

 

Lisant le titre, chers amis, vous avez dû sursauter : quelle audace, quelle arrogance est la mienne pour prétendre me prononcer sur la valeur d’un traité que l’Europe négocie depuis 1999 ? A supposer que je n’aie fait que cela pendant les 25 dernières années, quel titre pourrais-je m’attribuer pour faire accepter mes conclusions ?

 

En fait, il s’agit plus modestement de réfléchir à la logique de tout traité : comment arriver à faire que chacun gagne tout en maintenant l’égalité entre les signataires ? Dans un traité, chacun accepte de faire des concessions sur certains points – donc de perdre – tout en enregistrant des gains sur d’autres – donc de gagner. Par exemple, nous accepterions de perdre la bataille de la concurrence sur la viande ou les céréales, à condition de gagner sur les exportations de voitures ou de machines-outils en Amérique du Sud.

Simple ? Pas tant que ça, parce que de chaque côté il y a des perdants et des gagnants mais que ce ne sont pas les mêmes qui perdent ou qui gagnent. Pour faire simple les agriculteurs sont en France et les fabricants de voiture en Allemagne. Bien sûr la synthèse de toutes les clauses se fait quand même au plus haut niveau : si les agriculteurs français demandent à voir comment ils peuvent être jugés bénéficiaire de la signature du mercosur, il faut qu’ils s’adressent à l’Europe. La réponse va s’appeler indemnités, et les agriculteurs français vont vivre de subsides qu’ils refusent à l’avance disant (très fort depuis le printemps dernier) qu’ils veulent vivre de leur travail et non de la mendicité.

 

Faut-il en conclure que cet accord avec le mercosur dépend de la qualité des négociations qui devraient assurer à chacun de ressortir gagnant – y compris les agriculteurs français comme brésiliens ? – Oui, mais ça, on n’y est pas encore.

samedi 16 novembre 2024

Faites des bébés – Chronique du 17 novembre

Bonjour-bonjour

 

Les campagnes natalistes qui se développent un peu partout dans le monde (de l’Europe à la Corée du sud) cherchent le biais capable de motiver le passage à l’acte (sexuel) qui faciliterait la naissance des bébés. D’autres, bien que soutenant le même objectif, estiment que c’était mieux avant, quand la nature était seule à gérer les familles, et que la procréation n’était là que parce que le Bon Dieu l’a voulu.

Mais aujourd’hui, il en va tout autrement : le calcul économique vient se mêler à l’affaire, comme le montre cette publicité pour Durex (= marque de préservatif)

 



On objectera que ce calcul peut être contrebalancé par bien d’autres comme celui de laisser une trace qui nous survivra, ou celle d’un amour fusionnel avec le gamin produit par cette fusion. Mais, dans tous les cas, on aura toujours la même situation : une volonté éclairée à l’origine de la procréation – ou de son refus.

 

- Or la situation la plus courante est justement qu’à l’inverse, la relation sexuelle soit exclusive de ce qu’elle va engendrer. Nos penchants sensibles n’impliquent généralement pas la représentation du mécanisme déclenché par leur satisfaction : l’alcool consommé fait oublier la gueule de bois et la repas plantureux les kilos en trop. On irait même jusqu’à insinuer que ce souci (« Chéri, tu as un préservatif ? ») serait le signe d’une tiédeur de mauvais aloi. 

Que devons-nous faire ? Écouter notre cœur ou suivre notre intérêt rationnel ?

Nous avons opposé la nature qui nous porterait par ses impulsions et la culture qui nous guiderait par ses déductions. Mais c’est oublier un peu vite que la nature elle-même, grâce au mécanisme de l’évolution nous a doté d’un cortex préfrontal « qui joue un rôle dans le contrôle exécutif tel que la planification et le raisonnement déductif (changement de l'ensemble des règles en cours set-shifting, résolution de problèmes complexes, récupération de souvenirs en mémoire à long terme, stratégies d'organisation et mémoire de travail). » (Art Wiki ici)

Ainsi, même quand nous n’avions aucune possibilité de savoir si un rapport sexuel aurait une chance d’être ou non fécond, toutes sortes de règles culturelles nous gouvernaient déjà.

vendredi 15 novembre 2024

Les Immortels – Chronique du 16 novembre

Bonjour-bonjour

 

L’Académie française, créée en 1635 par Richelieu, vient de publier le quatrième et dernier volume de la neuvième édition de son Dictionnaire, 90 ans après la précédente.

 

Deux questions se posent : que vaut cette dernière mouture ? Et que va-t-il se passer maintenant ?

- Pour la première, notons que les critiques pleuvent sur l’Académie. Ce dictionnaire est périmé avant même d’être publié : commencé il y a 90 ans il se distingue par le fait que les Académiciens ne l’ont pas revu, ni même réellement collaboré à son écriture, puisqu’ils ont délégué cette tâche de recherche à des groupes de professeurs détachés spécialisés en lexicographie (lu ici). A l’étranger les Académies en charge de tels travaux sont beaucoup plus réactives et bien mieux documentées.

- Quant à savoir ce que l’Académie va devenir, et à quelle tâche elle va s’atteler pour justifier son existence et son prestige, on entend de toute part des voix réclamer qu’elle fasse un peu la police de l’orthographe qui, avec ses irrégularités vient mettre le désordre dans un pays où on considère justement les fautes d’orthographe comme la marque infamante de la sous-culture du fautif.

Prenant fait et cause pour les conservateurs les Académiciens ont refusé la moindre modification, justifiant à leur corps défendant le reproche de fossilisation qui leur est adressé. Il est vrai qu’adossée à leur « Immortalité », ils ont à présent une aura grotesque de vieillards desséchés.

 

(Présentation du 4ème volume de la 9ème édition du dictionnaire, le 14 novembre dernier)


Une proposition ? Demandons au Musée Grévin de faire 40 statues de cire pour représenter une séance du dictionnaire : ça fera pareil et ça coutera moins cher.

jeudi 14 novembre 2024

Pour néant pense qui ne contre-pense – Chronique du 15 novembre

Bonjour-bonjour

 

Adèle Van Reeth, la directrice de Radio-France est une femme heureuse. Bien que chahutée par le personnel des stations de radio-France à la suite de sa réorganisation de l’antenne –  avec à la clef une motion de défiance votée par le personnel –  la voici à la tête de France-Inter et de France-info, les deux meilleures audiences mesurées par Médiamétrie.

Dans son élan d’enthousiasme, elle a déclaré : « Le cap que nous suivons est plébiscité : être un média ouvert, joyeux, populaire, qui invite à penser contre soi-même et à se tourner vers l’avenir… sans oublier tout le plaisir que la radio peut procurer. Quelle joie ! ».

« Penser contre soi-même » : diable ! D’où lui vient ce paradoxe, et comment peut-elle se féliciter de pouvoir l’appliquer aux antennes que sont France inter et France info ?

- Notons d’abord que la formule « pour néant pense qui ne contre-pense » est connue pour venir de Montaigne et plus largement, car c’est une formule assez diffusée à l’époque, de la philosophie médiévale, quand des professeurs de scolastique utilisaient la méthode des débats avec argumentation « pro » et « contra », à savoir qu’on devait aléatoirement soutenir les points de vue favorable ou au contraire défavorable à la même thèse. Montaigne qui est en effet imprégné de cette méthode, admettait que nos points de vue habituels sont peut-être relatifs et que le point de vue contraire au notre pourrait bien être recevable : son relativisme était en fait nourri de l’idée que la vérité déborde peut-être le champ de notre savoir, et que des thèses apparemment opposées n’y sont en réalité que les divers aspects de la réalité.

- Bref : comment comprendre que ce soit là un secret de la réussite des stations radios ?

Faudrait-il admettre que le statut de service public comporte l'obligation de donner une  pluralité d'informations parce que c’est justement cette largeur de vue qui permet aux citoyens de forger leur opinions ? Les auditeurs de radio France se verraient proposé une ouverture la plus large des problèmes actuels, alors que ceux des autres médias seraient comme des indiscrets qui se contentent de ce qu’on voit par le trou de la serrure.

 


Dans ce cas, nous ouvrir à la complexité du monde serait bien un service à demander au service public.