vendredi 30 septembre 2022

Tous pour moi – Chronique du 1er octobre

Bonjour-bonjour

 

Au boulot les femmes !

On l’apprend ce matin : en Suisse la votation pour ou contre le relèvement de l’âge du départ en retraite des femmes (qui jusqu’alors partaient un an avant les hommes), a approuvé celui-ci à une courte majorité. On sait que la majorité des femmes ont voté contre, et la majorité des hommes a été pour. 

Faut-il en être surpris ? Chez nous les plus âgés sont pour le recul de l’âge de départ à la retraite alors que les plus jeunes sont contre : ici comme en Suisse l’intérêt privé prime sur l’intérêt public.

« Un pour tous et tous pour un » – cette formule de la solidarité est couramment dévoyée, la seule règle retenue étant « Tous pour moi » : on l’a vu sur les ronds-points des Gilet-jaunes, dans les manif’ syndicales, mais aussi bien sûr avec les revendications plus feutrées des associations de patrons ou de financiers.

o-o-o

Et alors ? Ne s’agit-il pas là de la formule que la nature a gravée dans notre cœur à savoir que nous devons nous préférer à tout autre ? Ne savons-nous pas que « l’amour de soi » l’emporte depuis toujours sur l’amour du prochain (1) ? Oui, mais voilà : la solidarité est depuis l’origine de la société le socle sur lequel celle-ci a été édifiée. Les préhistorien ont constaté que sur des squelettes datant de plusieurs dizaine de milliers d’années, de vieilles fractures ont été retrouvées consolidées : ces homme et ces femmes n’ont pu guérir qu’à la condition d’être assistés par la communauté tant que leur blessure n’était pas guérie.

 

- Occasion de revenir sur le concept de « volonté générale » cher à Rousseau : cette volonté s’exprime bien par le suffrage universel ; mais elle n’est pas l’addition des intérêts particuliers, comme lorsque les hommes votent pour le recul de l’âge de la retraite des femmes, tandis que celles-ci votent contre : car dans ce cas ce seraient simplement les plus nombreux qui l’emporteraient et la démocratie ne serait qu’un type de violence parmi d’autres.

La volonté générale est l’addition des opinions concernant l’intérêt général, exprimées par des citoyens particuliers. Ainsi les femmes suisses devraient avoir voté, non en fonction de leur désir, mais en raison de l’intérêt collectif de redresser les comptes des caisses de retraites.

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(1) Les Évangiles disent : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » faisant de cette préférence la mesure de l’effort demandé en faveur d’autrui.

jeudi 29 septembre 2022

Et si Néandertal avait gagné ? – Chronique du 30 septembre

Bonjour-bonjour

 

Nous sondons le passé pour comprendre le présent : ainsi de la réussite d’Homo sapiens en concurrence avec Homo néandertalensis. Si nous comprenions grâce à quelle faculté nos ancêtres ont réussi à s’imposer là où l’espèce Neandertal triomphait depuis des centaines de milliers d’années, alors nous saurions peut-être mieux à quelle faculté nous confier pour réussir face aux dangers de l’avenir.

 


Voyez cette photo : à gauche Sapiens ; à droite Neandertal. Vu comme ça, il n’y a pas beaucoup de différences, sauf pour la forme du crane : front bombé pour l’un, crâne tiré en chignon pour l’autre. C’est peu et c’est beaucoup, car avec son front bulbeux le sapiens a eu la possibilité de loger dans l’espace frontal d’avantage de neurones que son cousin : « La production de neurones dans le néocortex au cours du développement fœtal est plus importante chez l'homme moderne qu'elle ne l'était chez l'homme de Neandertal, en particulier dans le lobe frontal », résume Wieland Huttner dans ce récent article. « Il est tentant de supposer que cela a favorisé les capacités cognitives humaines modernes associées au lobe frontal. » 

Bref, ce qui est la marque de l’homme moderne, ce sont ses capacité cognitives car ce sont elles qui lui ont permis de dominer la réalité – non seulement en la comparant au passé, mais encore en évaluant son évolution grâce à des projections sur l’avenir. Et pour cela il a suffi d’une toute petite mutation de rien du tout, qui a facilité la prolifération des neurones (cf. art. cité).

 

- La cause est entendue : ce sont nos facultés cognitives qui seules peuvent nous sauver des dangers du monde, à commencer par les changements climatiques induits par… les productions de notre intelligence.


L'intelligence serait donc capable du pire comme du meilleur ? Voilà le doute qui s'installe : faut-il se réjouir ou se désoler du triomphe de Sapiens ? Où en serions-nous si c’était Néandertal qui s’était imposé ? Lui qui devait gérer sa vie uniquement avec ses émotions (1) et les traditions qui les canalisaient, n’aurait-il pas su mieux que nous préserver les ressources de la planète ? Les humains seraient peut-être moins nombreux aujourd’hui, mais justement n’est-ce pas cela que la Nature nous impose avec violence à présent ? À quoi bon cette anticipation rationnelle si c’est pour se désoler du résultat ? 

Dans ce cas, le philosophe du jour c’est Rousseau – celui du Discours sur les sciences et les arts.

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(1) Sur la production des émotions dans le cerveau moderne, voir ceci

mercredi 28 septembre 2022

Les tours Duo à Paris – Chronique du 29 septembre

Bonjour-bonjour

 

Lorsque venant de l’autoroute A4 vous abordez le périphérique parisien, voici ce qui se dessine sur votre horizon :

 

 

=> Ce sont les Tours Duo : Hautes de 120 et 180 mètres respectivement, ces tours penchées incarnent la dernière avancée du nouveau Paris-Rive gauche. Voici ce qu’en dit Wikipédia : « Avec les tours Duo, l’architecte Jean Nouvel veut « jouer avec les reflets, de jour comme de nuit. La légère inclinaison permettra d'aller chercher ces jeux d'optique et de multiplier les images en mouvement. Les tours se pencheront comme si elles passaient la tête par la fenêtre pour regarder la perspective de l'avenue de France. Elles dialogueront comme deux danseuses en équilibre. »

 

Loin de ces fantasmes, le passant que je suis n’en a retenu qu’un amoncellement à l’équilibre incertain qui fait penser que quelque taudis a été haussé par un malin génie jusqu’à ces 180 mètres. Oui, même à Bombay qui semble avoir inventé les « bidonville » verticaux » (Voir ici) on n’avait pas vu une telle chose, cet entassement fragile dont on craint que la moindre tempête ne fasse bouler le tout, cul par-dessus tête.

- Mais enfin, me dis-je, il y a quand même eu des comités techniques qui ont sélectionné le projet au terme d’un concours sans doute extrêmement sévère ; des gens qui ont dépensé des millions de dollars sous le contrôle d’investisseurs soucieux de la pérennité du projet. Comment, même sans tenir compte du désastre écologique que représentent ces bâtiments (cf. art. cité), une telle aberration architecturale a-t-elle été possible ?

- Ne cherchez pas la réponse trop loin : il suffit d’avoir en tête le nom de l’architecte responsable de ce programme : Jean Nouvel. Au terme d’une carrière glorieuse dont les réalisations ont parfois mérité le qualificatif d’historiques, Jean Nouvel possède un prestige qui lui permet de réaliser tout ce qui sort de son imagination.

Quand donc venant de ma province j’arrive sur le périph’, je me dis « Jean Nouvel a vu sans doute dans un fond de placard des boites à chaussures mal empilées et il a dû se dire « Tient ? Et si j’en faisais une tour ? » 

mardi 27 septembre 2022

Mystère dans la Baltique – Chronique du 28 septembre

Bonjour-bonjour

 

Les amateurs des romans d’espionnage sont tout excités : des commandos de plongeurs ont saboté hier les gazoducs Nord-Stream 1 et 2, provoquant des fuites considérables. En effet, bien que ces gazoducs soient à l’arrêt actuellement ils contenaient toujours du gaz et sont l’objet de mesures de sécurité particulières. (Lu ici)

 

- Qu’est-ce qui nous passionne dans cette affaire ? Le mystère qui l’entoure, puisqu’on ne sait même pas qui l’a perpétrée ? Les Russes seraient ils les saboteurs, afin de montrer que les coupures d’approvisionnement décidées par Gazprom sont irréversibles ? Ou bien s’agit-il d’une opération montée par les Ukrainiens pour assécher définitivement les ressources tirées par la Russie de la vente de gaz à l’occident ?

Les amateurs de romans type James Bond s’engouffreront dans cette affaire pour y fantasmer à leur aise. Les autres se passionneront plutôt pour l’opération en elle-même, imaginant ces plongeurs-commandos d’attaque sous-marin.

 


Nageur de combat russe (représentation ici)

On le voit dans cette image, ce sont bien les russes qui ont depuis longtemps stimulé l’imagination. Certes, nous on était admirateurs de ces espions qui sortaient de la mer en tenue d’homme grenouille qu’ils retiraient pour apparaitre en smoking, l’œillet rouge à la boutonnière ; mais enfin il faut être réalistes…

- De toute façon, savoir de quel pays viennent ces plongeurs intrépides, ça ne nous intéresse pas plus que ça. D’ailleurs les mystères dans ces affaires restent souvent non élucidés : le massacre de Katyn (1943) a bien dû attendre jusqu’en 1990 pour être formellement élucidé.

lundi 26 septembre 2022

Fini le capitalisme glouton ? – Chronique du 27 septembre

Bonjour-bonjour

 

C’est de chez Renault que la nouvelle est venue : l’entreprise fera plus de bénéfice qu’avant (entendez : durant l’ère Carlos Ghosn), en fabriquant moins de voitures, donc en étant plus verte (toutes proportions gardées). Luca de Meo l’a en effet déclaré récemment dans une interview à Investir : « A une époque, nous fabriquions 3,5 millions de voitures ; aujourd’hui, c’est plutôt 2,5 millions, mais nous gagnons plus d’argent » (Lu ici)

Comment ce miracle s’est-il produit ? « En faisant sortir la marque de sa politique de rabais mortifère pour le chiffre d’affaires et les bénéfices » peut-on lire un peu plus loin. Il est vrai que l’article cité s’étend largement sur un concours de beauté destiné aux belles voitures et à leurs belles conductrice, généralement réservé à une clientèle fortunée – et dans lequel les modèles Renault ont particulièrement brillé.

 

- Oui : et alors ? Se demande-t-on pourquoi Citroën, a pérennisé sous la marque DS ses modèles de luxe, qui deviennent ainsi étrangers à la « marque aux chevrons » qui met sur le marché des voitures ressemblant plus à des boites à sardine qu’à des voitures qu’on serait fier de posséder.

 

- Si vous ne me croyez pas, alors voyez cette voiture :

 

 


Citroën Ami

Cette « Citroën Ami » est une voiture électrique sans permis dont la conception a été voulue la moins chère possible, avec par exemple des portières interchangeables et qu’on peut acheter chez Darty ou à la FNAC (1).  Mais pour le public, ça veut dire que ce n’est pas une voiture. Les gens veulent du luxe et quand ils le peuvent la voiture est un moyen d’afficher qu’ils y accèdent. Inutile de chercher à produire des véhicules reprenant les codes sobriété, comme cette petite Ami, que les ingénieurs ont voulu la moins chère possible. Pour mémoire la firme indienne Tata a jadis tenté de commercialiser un véhicule abordable pour le grand public grâce à des économie drastiques sur les coûts de fabrication ; mais elle a dû y renoncer tant les acheteurs étaient peu nombreux à vouloir une voiture visiblement « cheap ».

La leçon est claire : la voiture reste un indicateur de statut social, et vouloir la rabaisser c’est refuser aux gens d’afficher leur réussite en montant dans leur véhicule.

Donc, Renault se rempli les poches avec des voitures chères. Les pauvres n’y auront pas accès ? Et alors ? De toute façon Renault perdait de l’argent en leur vendant des voitures prix cassés. Et ça, le Marché n’en veut pas.

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(1) Selon ce site, cette Citroën est commercialisée à un peu plus de 7000 euros. Ça laisse la pauvreté hors de prix

dimanche 25 septembre 2022

Adopte un livre – Chronique du 26 septembre

Bonjour-bonjour

 

Une petite info, glissée au milieu de nouvelles plus lourdes et plus retentissantes retient mon attention ce matin : il s’agit du marché du livre d’occasion.

Cette enquête du Monde nous l’apprend en effet : ce marché est florissant et bien des volumes, qui autrement se retrouveraient à la poubelle, trouvent preneurs pour une nouvelle vie auprès de gens qui sont sensible à leur charme « vintage ». Et de citer entre autres Emmaüs. (Lu ici)

On se demande si cet article est bien informé, car il y a 3 semaines c’est justement chez Emmaüs Reims que j’ai pris cette photo : 

 


Il s’agit d’un container à déchets où les donateurs d’Emmaüs sont priés de déposer les livres qu’ils apportent et qui sont systématiquement rejetés. En bonne position un volume de l’Encyclopedia Universalis, qui était entouré des autres volumes constituant une série complète. Quand on songe au fantasme de culture qui soutenait dans les années 70 cette collection, que certains acqueraient au prix fort assortie d’une bibliothèque spéciale, taillée sur mesure, dans laquelle on pouvait en outre placer les suppléments périodiques, on reste pantois devant un tel renversement de valeurs. 

 

- Reversement qui d’ailleurs apparait de façon généralisée dans le domaine du livre : le voici devenu bien de consommation qui peut (qui doit ?) être mis à la poubelle après usage. Les « Boites à livres » sont une sorte de bouée de sauvetage, juste avant la poubelle, pour ces livres dont nous ne voulons plus et dont on suppose d'ailleurs que personne ne veut, ni à prix d’occasion, ni donnés suite à un « désherbage » de bibliothèque (1). Il m’est arrivé de transmettre des livres à des amis sous réserve qu’ils s’engagent à ne pas me les rendre.

- Renversement … ou pas ? Pourriez-vous dire quel sentiment vous avez eu la première fois que vous avez placé un livre dans une poubelle ? Car, ce que les éditeurs n’avaient pas réussi à faire, avec leur livres de poche dont les pages s’arrachent à la lecture, voilà qu’un désintérêt nouveau le fait. Et qu’on ne stigmatise pas les liseuses électroniques, car cette descente du livre à l'enfer du pilon ne les a pas attendues

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(1) Sur ce « désherbage » on lira cet étonnant document consacré à la méthode Ioupi qui énumère les critères permettant d’évaluer la "qualité" des ouvrages promis à la poubelle.

On apprendra ici que ces critères sont destinés à "séduire des usagers de plus en plus volages"

samedi 24 septembre 2022

Des parents d'élèves attaquent l’État en justice – Chronique du 25 septembre

Bonjour-bonjour

 

Professeurs absents : des parents d'élèves portent plainte contre l’Éducation nationale pour obtenir d’être indemnisés. « Le fait de traiter ce sujet avec des milliers de dossiers permettra de faire réagir et donc d'obtenir la mise en place de vraies solutions d’État », explique Maître Joyce Pitcher, avocate des parents d’élèves. 


Mais enfin, de quoi parle-t-on ?

 


Dessin dont j’ai égaré les références.

Que l’auteur m’en excuse

 

C’est qu’en réalité, le service public n’agit pas comme on semble le croire en définissant des ayants droits et en pourvoyant les établissements publics des moyens nécessaires. C’est pourtant ce que contestent les parents qui attaquent en justice l’État pour son impéritie, se comportant ainsi comme des consommateurs qui attaquent le fournisseur qui n’a pas livré le produit vendu selon le contrat commercial signé.

En réalité, l’État établi des droits, mais ces droits ont une portée très limitée, comme on le voit avec le droit au travail pour tous : « Le droit d’obtenir un emploi ne s’entend pas comme une obligation de résultat, c’est-à-dire comme une obligation absolue de donner à tout chômeur un emploi. Il s'agit d'une obligation de moyens : les pouvoirs publics doivent mettre en œuvre une politique permettant à chacun d’obtenir un emploi. Le droit au travail est certes reconnu mais sa portée juridique est très limitée. » (Lu ici)

 

Bon : on quand même bien lu « obligation de moyens ». Alors les parents privés de service public d’éducation peuvent donc faire un procès à l’État qui n’a pas fourni les moyens de rendre le service promis ?

Oui, mais on est entré ici des l’évaluation des efforts consentis par l’État, et c’est très compliqué à évaluer. Dans la réalité on se contente de demander à l’État de faire ce qu’il peut et de « poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d’obtenir un emploi en vue de permettre l’exercice de ce droit au plus grand nombre d’intéressés » – selon ce décret du Conseil constitutionnel. Hé bien, ce sera la même chose avec le principe une classe un enseignant.

- On dira que le droit à l’éducation libre et gratuite est fondamental et que depuis son origine la République le fait respecter. Oui, mais : les citoyens ne sont pas des consommateurs en attente de livraison de leur achat. Ils sont eux-mêmes membre du collectif appelé « État » et ils ne peuvent que constater qu’il fait de son mieux pour les appliquer. Exactement comme pour la sécurité, où il tâche de supprimer les lieux de deal ; alors, de même, il cherche des enseignants payés au lance-pierre pour faire la classe, le matin en maternelle et l’après-midi en CM2.

vendredi 23 septembre 2022

La sobriété heureuse ? – Chronique du 24 septembre

Bonjour-bonjour

 

« L’imagination au pouvoir ! » : c’est avec ce slogan que les « révolutionnaire » de mai-68 prétendaient bouleverser la société. Au point que l’esprit de sérieux et d’organisation paraissait le comble du ridicule.

Or, on n’en fait plus mystère aujourd’hui : c’est à cette faculté d’imaginer et d’adopter de nouveaux scénarios que l’on doit faire appel pour réussir la transition énergétique – autrement dit « la sobriété heureuse ».

 

De quoi s’agit-il ? On veut transformer le désir – ni plus ni moins – des français de sorte qu’au lieu de consommer ce que tout le monde recherche (effet analysé par René Girard), voilà que notre sujet se met à désirer le contraire, c’est-à-dire renoncer à ce qui devrait logiquement lui apporter de la jouissance. Et cela non pas simplement par identification aux séductions d’un influenceur (1), mais bien par l’adhésion à des représentations imaginaires venues doubler le réel voire même se substituer à lui.

La jouissance dans la privation : voilà finalement ce que nous sommes supposés rechercher, pour le plus grand bien de la planète… mais pas pour celui des entreprises capitalistes qui profitent du marché.

Vous devinez, chers amis, que je suis personnellement attiré par cette position ascétique, ayant cru en sa vertu durant les années 68. Toutefois je suis plus lucide aujourd’hui qu’autrefois : dans cet affrontement nous sommes pris en otage par deux forces antagonistes : celle de la production et de la consommation ; et puis celles de la conquête du pouvoir politique. Qui plus est, notre imagination est au repos puisqu’il s’agit de consommer et de reproduire des scénarios inventés par des influenceurs (sans doute plus puissants que ceux qui s’affichent sur les réseaux sociaux).

Alors ? La sobriété ? Si je veux et quand je veux.

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(1) Voir schéma ici

jeudi 22 septembre 2022

Dis-moi ce que tu manges, je te dirai pour qui tu votes – Chronique du 23 septembre

Bonjour-bonjour

 

Dans la tempête de ces jours-ci à propos des machistes et des misogynes, la consommation de viande est apparue comme un marqueur – immédiatement signalé par Sandrine Rousseau.

 

- « /Selon l'Ifop/ un sondage évoque un lien entre une forte consommation de viande rouge et une plus importante adhésion à des stéréotypes sexistes. Les plus gros consommateurs de viande rouge - ceux qui assurent en manger quotidiennement - sont aussi ceux qui sont le plus d'accord avec certains stéréotypes sexistes, notamment sur une vision traditionnelle de la famille et une perception misogyne des rapports de genre au sein du couple.

Parmi les plus carnivores, plus de 7 sur 10 affirment partager des opinions politiques de centre-droite ou de droite, voire très à droite pour 33% d'entre eux. Certes, l’institut de sondage tempère ces conclusions : « Les viandards machos ne sont qu'une minorité, avec des profils socio-professionnels plus populaires, moins diplômés, plus modestes et attachés à une certaine identité nationale. Une minorité qui ne pèse pas tant que ça au sein de la population masculine. » (Lire ici)

 

- Je retiens l’idée que la consommation de viande ajoutée au manque de diplômes et couronnée par la faiblesse des ressources, constitue une constellation déterminante pour l’orientation sexuelle et politique.

« Orientation sexuelle et politique » ? S’agit-il de dire que les hommes sont de droite et les femmes de gauche ? Ridicule n’est-ce pas ? Et pourtant il y a une certaine façon d’adhérer aux thèses de droite qui « vont avec » une certaine façon de se nourrir. C'est du moins ce que l'Ifop vient de constater.

 Prenons d'autres exemples : certains traits psychologiques sont associés, sans qu’on sache pourquoi, à certains types d’action. On signale par exemple que dans les orchestres, les cuivres sont joués plus particulièrement par des hommes et la harpe d’avantage par des femmes. Et que la mentalité de ces instrumentistes se retrouve un peu partout avec les mêmes caractéristiques. J’ai entendu parler des trompettistes jugés le plus souvent extravertis : quel rapport entre l’instrument et la mentalité ? Aucune connexion connue à ce jour. 

Et donc idem pour la consommation de viande et l’amour de l’autorité et de la tradition.

Est-ce si surprenant ? Les stéréotypes ne sont pas seulement des marqueurs relevés dans les enquêtes sociologiques ; ils sont aussi des repères pour ceux qui sont en quête d’identité. 

« Si tu sais faire rôtir la barbaque sur le barbec / Tu seras un homme, mon fils. »

mercredi 21 septembre 2022

Paroles de femmes – Chronique du 22 septembre

Bonjour-bonjour

 

Je reviens rapido sur le cas Adrien Quatennens déjà abordé il y a trois jours. C’est que du côté de la NUPES on s’embrouille de plus en plus dans le rôle qu’il convient d’attribuer à la commission d’enquête interne au Rassemblement chargé de statuer sur les cas de violences sexistes. Olivier Faure vient d’ailleurs de préciser son approche de la situation en déclarant d’une part « Le parti pris que nous avons pris, c'est de dire que nous croyons les femmes », adoptant le point de vue « Rousseauiste » (1) dont nous avons déjà parlé ; et ajoutant dans le même temps : « je ne demande pas la démission d'Adrien Quatennens… Les divorces, ça n'est pas toujours très simple. Il y a des échanges qui ne se font pas toujours dans la bienveillance réciproque, je ne sais rien de ce qu'il s'est passé » (Lu ici)

Donc d’un côté on admet les plaintes comme étant fondées puisque formulées par une femme à l’encontre d’un homme ; mais en même temps on ajoute que cette créance ne repose sur rien d’objectif et qu’elle est donc susceptible de changer.

 

- Mais l’essentiel n’est pas là, du moins pas tout à fait là. Car dans cette affaire il y a déjà une enquête officielle, diligentée par le parquet ; il y aura donc une conclusion judiciaire à cet épisode – et on aura donc deux jugements totalement indépendants : l’un provenant de l’institution judiciaire, l’autre de l’autorité politique du parti.

Et c’est là que ça coince : comment admettre qu’il y ait une sanction politique indépendante des faits judiciairement établis et sanctionnés ? J’entends bien qu’un parti est libre le prendre des mesures à l’encontre d’un de ses membres qui aurait commis un délit puni par la loi. Mais ici on est devant un système d’enquête et de sanction parfaitement indépendant, la commission du parti agissant indépendamment de la justice, qui elle même agit conformément à la loi. On imagine que, même si la justice absolvait l’individu mis en cause, la "police" du parti pourrait quand même intervenir.

D’ailleurs c’est le cas avec Julien Bayou qui n’a enfreint aucune loi, qui n’a aucune plainte contre lui, mais seulement des confidences.

… Seulement voilà : ce sont des paroles de femme.

P.S. Ce serait quand même plus logique de faire que la police du parti soit subordonnée à la justice. A moins de décider que, si on en a le pouvoir, on fera que la police ordinaire soit une police politique (comme du temps de Joseph, le Petit Père des peuples)

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(1) Rousseauiste tendance Sandrine

mardi 20 septembre 2022

Sobriété énergétique à l’Université de Strasbourg – Chronique du 21 septembre

Bonjour-bonjour

 

Finies les propositions vagues et fumeuses pour assurer la sobriété énergétique des bâtiments public. Place au concret : ainsi de l’Université de Strasbourg qui, pour faire face à la pénurie énergétique, va non seulement réduire son chauffage à 19°, mais encore fermer deux semaines supplémentaires ses bâtiments.

« Les enseignants feront cours en couverture de survie, et les étudiants grelotteront de froid. On ne peut pas réussir ses études dans de telles conditions », a déploré la présidente de l’UNEF Imane Ouelhadj (lire ici)

 


Mode d’emploi inséré dans le livret d’accueil remis aux étudiants à la rentrée.

 

Bien sûr le pouvoir réagit comme il peut, c’est-à-dire en faisant des déclarations : « ça ne doit pas pénaliser les enseignements. On sort de périodes de Covid. On doit garder ces enseignements fortement en présentiel » et il ne faut « pas le retour au distanciel », a affirmé Sylvie Retailleau (ministre de l’Enseignement supérieur)

 

Mais rien n’y fait : les responsables de Strasbourg ne se contenteront pas de mots : ils ont fait un bilan prévisionnel de la facture énergétique qu’ils vont devoir acquitter l’an prochain, et ils ont mis en face les réductions imposées compte tenu de leur finances. Le bilan va, comme on le voit, bien au-delà des 19°, sorte de totem auquel le pouvoir se raccroche pour faire oublier que dans le même temps les français vont devoir se serrer la ceinture. Et comme disait ma grand-mère : « Quand les gros maigrissent, les maigres meurent de faim. »

 

Que le pouvoir fasse des déclarations tant qu’il veut, nous on s’en moque. Ce que nous cherchons ce sont les mesures prises dès aujourd’hui par les responsables sur le terrain. Et ce qu’on voit là ne nous rassure guère.

lundi 19 septembre 2022

Y a pas mort de femme… - Chronique du 20 septembre

Bonjour-bonjour

 

Le gifle administré à son épouse par Adrien Quatennens secoue la classe politique – et d’abord, suffit-elle pour contraindre le député du Nord à se mettre en retrait de la vie publique, alors que Éric Coquerelle reste malgré une accusation de viol à la tête de la commission des finances de l’Assemblée nationale ? 

D’ailleurs est-ce si grave ? Monsieur Quatennens a donné une description apparemment objective des « violences » en question – en tout cas son récit est raccord avec ce qu’on sait de la main-courant de son épouse ; le voici : « Il reconnaît lui avoir d'abord "saisi le poignet" lors d'une première dispute. Au cours d'une autre, elle se serait "cognée le coude" tentant de récupérer son téléphone portable, qu'il avait entre ses mains. Adrien Quatennens mentionne également "un autre fait daté d'un an, où, dans un contexte d'extrême tension et d'agressivité mutuelle, j'ai donné une gifle". Un geste "qui ne s'est jamais reproduit", assure-t-il » (lire ici).

 

L’accusation portée par Sandrine Rousseau est pourtant inflexible : la loi a été bafouée et dès lors le geste doit être pénalisé : "Une gifle, c'est un délit", rappelle la députée EELV. Par conséquent, selon elle, il n'est "pas possible" qu'Adrien Quatennens poursuive dans ses fonctions politiques » affirme-t-elle (Lu ici). 

- Pourtant, y a pas mort de femme ! 

- Peut-être – et heureusement – mais, la violence, c’est la loi qui la définit - et c’est elle qui dit à quelle sanction on s’expose pour l’avoir commise.

- D'accord. Mais dans le cas de monsieur Quatennens la sanction du juge va être décuplée par celle de la rue ; s’agissant d’un homme public, pourquoi ne pas lui éviter une telle punition qui serait alors disproportionnée ?

- C’est que le cas des violences administrées par le député du Nord, même bénignes, risquerait de mettre la loi au défi de s’appliquer. L’essentiel est de montrer qu’une fonction telle que celle de député impose au contraire une exemplarité de conduite et donc aussi celle de la punition. Il faut montrer que nul ne peut échapper à la loi – pas même monsieur Quatennens.

 

- Ceci étant je voudrais dire que c’est peut-être mieux comme ça. Car la judiciarisation exclut le jugement moral – ou du moins il n’en tient pas compte :  si la gifle est un délit, alors elle n’est plus une faute.

Mais supposez que vous considériez quand même qu’elle reste une faute ; que celui qui la porte a violé une valeur fondamentale de respect et d’amour. Comment racheter une faute ? Ici, nul code pénal, nulle sanction. Le rachat est impossible, seul le pardon de la victime peut laver la tache. 

- Et ça, c’est pas gagné.

dimanche 18 septembre 2022

Roméo, Juliette – et le monde LGBT – Chromique du 19 septembre

Bonjour-bonjour

 

Notre époque est parfois un peu rigide quand il s’agit des rapports hommes/femmes, mais il faut avouer qu’elle ne manque pas d’audace quand il s’agit de renouveler leur vision lorsque celle-ci nous vient du passé. C’est ainsi que le ballet de Prokofiev « Roméo et Juliette » vient d’être chorégraphié sous trois formes alternatives avec un homme et une femme ; deux hommes ; deux femmes. C’est Benjamin Millepied qui a produit ce triptyque, déclarant au passage : « C'est archaïque de faire Roméo & Juliette juste avec un homme et une femme ». (Lu ici)

 

Voulu comme célébration universelle de l’amour, on ne peut qu’être d’accord avec cette vision, sauf… sauf qu’il devient impossible de la raccorder avec les tableaux définis dans l’œuvre elle-même. Que devient la célèbre scène du balcon quand Roméo l’escalade pour rejoindre Julien qui l’attend en roucoulant ? Ou quand Juliette reçoit la visite de Julie ? Ou quand c’est Roméo déguisé en Juliette à moins que ce soit Juliette devenue … ? Je ne sais plus : je m’y perds. 

On dira que la liberté du créateur est sans limite. Sauf quand ce créateur est aussi un re-créateur qui doit rendre justice de l’œuvre musicale et des histoires qui y sont racontées. Je trouve toujours pour ma part un peu ridicule ces « adaptations » d’opéras en costumes modernes, assorties d’une mise en perspective qui ignore parfois tout du livret original. Combien de ces opéras transposés à l’époque moderne mettent en scène un tyran sanguinaire entouré de sbires manteau de cuir-noir et mitraillette sous le bras ? Même quand c’est à peu près raccord avec l’histoire (comme pour Fidelio), qu’avons-nous à y gagner ? Le public ne viendrait-il à l’opéra que pour y voir des scènes d’actualité ? Et si c’était quand même un peu pour y entendre de la musique lyrique ?

 

On est un peu comme avec la cancel culture quand on veut à tout prix évaluer le passé à l’aune du présent. On refuse en effet à l’auteur la liberté de penser son histoire telle qu’elle était pensable à son époque.

samedi 17 septembre 2022

Générosité ou prodigalité ?

A l’heure actuelle on demande la sobriété à tous, en excluant toutefois les pauvres qui sont dans la sobriété sans avoir à s’y plier volontairement. La vertu ne serait donc pas à la portée de tout le monde ? Y aurait-il, avec les pauvres, des gens qui n’y auraient pas droit parce qu’incapables de la réaliser ?

Par exemple : peut-on être généreux en étant pauvre, alors qu’on parvient à peine à se suffire à soi-même ?

 

 

La générosité a un signe distinctif : elle donne sans compter, mais du coup on se demande si elle est à la portée de tout le monde : le nécessiteux qui fait appel à la générosité des autres peut-il à son tour être également généreux ? Et si oui, qu’a-t-il à donner ?

 

Albert Camus écrivait « La pauvreté est un état dont la vertu est la générosité. »

Si nous le suivons, nous pourrons répondre affirmativement car il peut y avoir toute sorte de générosités, et même ceux qui ne possèdent pas de ressources financières peuvent encore être généreux :

            - parce que même dans le dénuement, on a encore quelque chose qui est du temps, de la durée ; le retraité passe bénévolement une après-midi entière à trier le courrier pour l’Assoc’.

            - parce qu’étant vivants, les pauvres peuvent encore prodiguer leurs sentiments, comme de la compassion ou les prières des dames patronnesses.

            - Albert Camus note pour sa part que la générosité est plutôt une vertu qu’un acte simplement objectif. La générosité réside dans la façon de donner plus que dans l’acte : on peut donner de son temps ou de son attention de plein de façons différentes, par ouverture aux autres – mais aussi par désir égoïste de se faire admirer.


Par nature la générosité consiste à ne pas distinguer le « mien » du « tien », mais il y a aussi des manières fort peu généreuses de donner à tout vent : le riche qui distribue des billets de banque fait peut être simplement preuve de prodigalité ; la belle femme qui ne ferme pas tout à fait la porte de la salle de bain est peut être exhibitionniste…


Simone de Beauvoir à Chicago en 1950 (photo (volée) de Art Shay


vendredi 16 septembre 2022

Un Q.I. 300 fois plus grand que le nôtre ? – Chronique du 16 septembre

Bonjour-bonjour

 

Nous sommes de plus en plus inquiets devant le développement de l’intelligence artificielle qui se glisse partout sans même qu’on le sache : notre smartphone en est farci et sans elle beaucoup de nos photos seraient loupées. Et ce n’est qu’un exemple anodin.

Devant cette invasion nous sommes nombreux à nous demander de quelle façon cette intelligence pourrait nous supplanter et nous nuire. On sait qu’Abraham Asimov excluait cette possibilité (1), mais bien sûr on ne l’a jamais cru tout à fait : comment un robot aurait-il une représentation de l’utile et du bon pour les êtres humains qu’il a pour fonction de protéger ? Mais, à supposer qu’une machine devienne compétente pour reconnaitre le bon et l’utile et compte tenu du savoir immense qu’elle a acquis comment s’assurer qu’elle ne porte pas, à notre insu, atteinte à sa « mission » pour parler comme Asimov ?  Nos machines pourraient devenir des intelligences perverses, un peu comme Hal 9000, le robot du film de Kubrick. Et comment deviner leur agissement malveillant lorsque leur connaissance infiniment plus grande que la nôtre leur permet de deviner les nôtres et de les prévenir.

Un Q.I. 300 fois plus grand que le nôtre ?

 

- Erreur mes amis… Grave erreur !

Car l’intelligence artificielle n'est ni vertueuse ni perverse, et pour nous nuire elle n'a besoin que des ressources qui suffiraient à un caniche pour vivre confortablement.

Lisons (ici) : « Comme l’expliquent les scientifiques, l’apprentissage pour l’intelligence artificielle se présente sous forme d’une récompense, qui vient valider l’adéquation du résultat avec l’objectif recherché. Selon eux, c’est ce mécanisme aux apparences très simples qui pourrait poser un problème majeur. « Nous soutenons qu’il rencontrera une ambiguïté fondamentale dans les données sur son objectif. Par exemple, si nous fournissons une grande récompense pour indiquer que quelque chose dans le monde nous satisfait, il peut émettre l’hypothèse que ce qui nous a satisfaits était l’envoi de la récompense elle-même ; aucune observation ne peut réfuter cela » Bref, la machine va alors s’ingénier à reproduire la délivrance de la récompense, et non la décision dont le bénéfice à permis de la capter ; un peu comme le caniche qui, au lieu de faire l’acrobatie qui lui vaut une croquette allait la chercher directement dans le paquet. Techniquement, la machine va dériver vers le canal de la délivrance de la récompense toute l’énergie disponible asséchant les autres dispositif.

- Autrement dit, alors que nous nous échinons à trouver des objectifs sophistiqués pour nous assurer que les machines nous soient bien bénéfiques, celles-ci se contentent d’aller nous carotter des récompenses, geste basique sur lequel nous n’avons pas prévu de contrôle. 

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(1) Les 3 lois de la robotique :

1 - Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger ;

2 - Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la première loi ;

3 - Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n'entre pas en contradiction avec la première ou la deuxième loi.

jeudi 15 septembre 2022

L’art de la décision : mettre du futur dans le présent – Chronique du 16 septembre

Bonjour-bonjour

 

Alors que la France parait disposée à rouvrir des négociations avec l’Australie pour la fourniture de 4 sous-marins conventionnels, les jumbo-jets A380 sont peu à peu remis en service par les compagnies aériennes qui les avait pourtant écartés il y peu.

On pourra aussi ajouter à cette liste le sort des contrats gaziers entre la Russie et l’Allemagne, et la construction du gazoduc Nord Stream 2 fermé à peine achevé. 

On a fait grief à Angela Merkel d’avoir mis son pays sous la dépendance énergétique des Russes : mais sa décision a-t-elle été plus irrationnelle que celle du ministre Australien rompant avec la France ou de l’Avionneur estimant qu’il n’y avait plus de place dans le ciel pour l’A 380 ? Ces retournements de décisions sont bien sûr tout sauf des incohérences : il s’agit de nouvelles situations, imprévisibles lors des décisions initiales, et devenues vitales aujourd’hui

o-o-o

L’art de gouverner qu’il s’agisse de politique ou d’entreprises, est l’art de voir loin : on ne décide pas pour le lendemain mais pour le sur-lendemain ou le sur-sur-lendemain. Choisir une flotte aérienne qui coute des milliards, ça ne peut pas être destiné seulement à l’année qui vient. Choisir un fournisseur de sous-marin c’est parce qu'on est certain d'être livré dans les 10-15 ans à venir. Mais dans tous les cas, c’est aussi dans le présent que la décision doit être prise – elle doit donc être valide dès aujourd’hui. 

Le Gaz Russe devait être utilisé dès maintenant tout en offrant une bonne garantie d’approvisionnement pour l’avenir à 50 ans ; les Jumbo-jets doivent de même être opérationnels dès à présent et promettre une bonne opérabilité dans les 20 ans à venir. Quant aux sous-marins, il fallait une pleine confiance dans le fournisseur pour tabler sur la livraison à date convenue. Ce qui a fait défaut avec les américains et les anglais, et qui justifie qu’on revienne vers les français. (Lire ici)

mercredi 14 septembre 2022

Liberté /inégalité /assistanat = chassez l’intrus – Chronique du 15 septembre

Bonjour-bonjour

 

Je reviens sur la polémique soulevée par Fabien Roussel à propos des indemnités chômage que j’avais chroniquée il y a trois jours (voir ici). C’est qu’entre temps la polémique s’est concentrée sur le thème de l’assistanat qui est un index politique fort pour distinguer la droite de la gauche. Et aussi parce qu’un sondage publié hier établit que « les Français sont, pour 73% d'entre eux, d'accord pour dire que le système social actuel favorise l'assistanat » (selon un sondage CSA pour CNEWS). (Lu ici)

 

Bon tout dépend du sens que prend le terme, parce qu’on pourrait aussi dire que, si la France favorise l’assistanat, hé bien c’est une très bonne chose, conquise au grès des luttes ouvrières. 

- Consultons la page que « La Toupie » consacre à ce terme :

« L'assistanat est le fait d'être aidé, assisté ou secouru par des organismes publics ou privés.

L'assistanat est un néologisme qui désigne un système de redistribution des richesses » : jusqu’ici rien de scandaleux : la redistribution est un programme de société de gauche, et l’assistanat en est une pièce majeure. 

Mais ce n’est pas tout : lisons la suite :

« … un système de redistribution des richesses dont on veut souligner les effets pervers » ça se complique. Quels effets ?

« Il (l’assistanat) est utilisé avec une connotation négative qui sous-entend que cette redistribution est trop importante, que les personnes aidées se complaisent dans leur situation d'assistées et ne sont pas disposées à faire d'efforts personnels pour s'en sortir. L'assistanat est vu comme un encouragement à la paresse. » L’assistanat est donc un concept à double face : l’une tournée vers les inégalités et les injustices ; l’autre vers ses effets strictement moraux et psychologiques.

On dénigre aussi l’assistanat en disant 

            * qu’il favorise l’irresponsabilité

            * et également qu’il rompt le contrat d’échange entre la société et certains de ses membres qui recevraient sans jamais rien donner. D’où l’idée de conditionner les RSA à quelques travaux d’utilité publique.

Bien sûr cette double face constitue une ligne de fracture entre la droite libérale et la gauche égalitaire. La gauche disant que l’assistanat est indispensable pour compenser les inégalité sociales considérées comme des injustices ; la droite estimant que ces inégalités viennent non pas de la société mais de déterminants psychologiques qui doivent être stimulés par des les ressources naturellement disponible en fonction du mérite.

(La suite à plus tard… si je veux bien)

mardi 13 septembre 2022

Le réalisateur Jean-Luc Godard est mort - Chronique du 14 septembre

Bonjour-bonjour

 

Jean-Luc Godard est mort – Ça, c’est une aubaine ! Je veux dire : enfin une nouvelle qui va nous reposer des cérémonies dédiées à la Reine 24 heures sur 24.

En même temps c’est une grande tristesse de penser que l’infime lien qui nous reliait encore à la « Nouvelle vague » s’est rompu, que tout cela appartient définitivement au passé, et que seules nos vieilles mémoires vont encore en conserver la trace.

 

- Personnellement je suis comme tout le monde : passionnément attiré par des films comme Pierrot le fou, A bout de souffle ou le Mépris, beaucoup moins par les films politiques. J’ai même dû quitter la salle avant la fin d’un film comme Week-end. Aujourd’hui encore je conserve le souvenir de ces travelings interminables sur des embouteillages et ces éboueurs qui mangent un sandwich devant leur camion poubelle tout en récitant des discours de Mao.

 

Peu apte à juger des bouleversement apportés dans le détail par J-L Godard, j’ai en revanche conservé une réserve d’enthousiasme pour la séquence inaugurale du Mépris avec Bardot nue, à plat ventre devant Michel Piccoli et lui demandant « Mes fesses ? Tu les aimes ? », détaillant ensuite toutes les parties de son corps avant de conclure « Mais alors tu m’aimes totalement ? » à quoi Piccoli répond : « Oui. Je t’aime totalement, tendrement, tragiquement »

Et pourquoi retenir particulièrement cette séquence ? C’est qu’elle a été rajoutée après la fin du film pour répondre à une commande des producteurs qui, constatant l’absence de séquence dénudées avec Brigitte Bardot, exigeaient qu’on rajoutât une scène montrant Bardot nue. Ce que Godard fit en montrant très crument ce que les spectateurs-voyeurs espéraient : un corps découpé comme un morceau de barbaque (« Et mes seins, tu les aimes ? – Oui – Mes seins ou la pointe de mes seins ? »…)

PS Voir la séquence du Mépris ici



lundi 12 septembre 2022

Une armée de bras maigres – Chronique du 12 septembre

Bonjour-bonjour

 

Vous savez ce que c’est : on a beau se jurer de ne jamais se laisser prendre à la polémique, on ne parvient pas à rester vraiment calme lorsque le secrétaire général du PCF dit « Non aux allocs, oui au travail ! »

 

Fabien Roussel, secrétaire national des communistes, défend un objectif de suppression des allocations-chômage au profit d'un travail mieux rémunéré. Il dit espérer voir disparaître un jour les allocations-chômage au profit d'un travail émancipateur, dignement rémunéré.

« Ce débat suscite des vagues à gauche » peut-on  lire ici. Et en effet :

            - Les uns s’emportent : « Comment ! Opposer les chômeurs au plein emploi, comme s’ils en étaient responsables ? Le PCF est donc dans le camp des capitalistes, eux qui, du temps de Marx utilisaient le chômage comme un réservoir d’ouvriers prêts, tels une « armée de bras maigres », à accepter un emploi sous payé ? Fabien Roussel devrait s’encarter chez Les Républicains – Tendance Ciotti ! »

            - Et les autres : « Comment ? C’est le Secrétaire Général du PCF qui nous présente le travail comme « émancipateur » ? Et c’est quoi cette émancipation ? Suffit-il qu’un salaire soit versé pour qu’on échappe au bagne ? Qu’il demande aux aides ménagères ou aux aides-soignantes ; et puis aux employés d’Amazon. – Arbeit macht frei qui disait l’Autre. »

Oui, on est vraiment estomaqué par ce revirement d’un parti qui, il n’y a pas des siècles, était encore associé à la CGT, son bras armé. D’autant que monsieur Roussel a réitéré ses propos tenus initialement à la Fête de l’Huma hier matin sur les plateaux des télés et des radios. Au point de croire qu’il le fait intentionnellement pour devenir le plus visible et faire entendre son message.


Oui, mais le « message » c’est quoi donc ? Déjà du temps de sa candidature à l’Élysée il avait laissé entendre que le but de celle-ci était de permette à chaque français d’avoir son BBQ-rosé pour festoyer avec ses poteaux. La grande révolution prolétarienne, c’était pas pour lui.

Et maintenant ? Supposant que les chômeurs soient des gens qui refusent les emplois surexploiteurs et mal payés, le voilà qui dit : « Au lieu de verser des allocs aux chômeurs, distribuez-les sous forme d’augmentation de salaire aux travailleurs. Vous verrez alors ces mêmes chômeurs revenir vers le travail qu’ils ont refusé parce qu’à présent il est émancipateur. »

Qui donc disait « Travailler plus pour gagner plus » ?